par César Pérez Ruiz, Responsable des investissements et CIO chez Pictet Wealth Management
Exception faite des actions américaines, dopées par les mesures de l’«America First» de Donald Trump, toutes les classes d’actifs ont reculé en 2018. De la remontée des taux directeurs aux tensions commerciales, l’actualité des Etats-Unis a eu des répercussions mondiales, et les actifs refuges se sont faits rares. Les corrélations traditionnelles ont en effet été particulièrement malmenées, avec à la clé des anomalies de marché: difficile, dans ce contexte, de savoir comment se positionner.
En octobre, c’est la peur d’un rebond de l’inflation (et non d’un tassement de la croissance) qui a fait trébucher les actions. Les investisseurs s’inquiétant davantage des prix que de l’activité économique, la corrélation entre valeurs cycliques/valeurs défensives et rendement des bons du Trésor américain à 10 ans s’est fragilisée. Par ailleurs, en mai comme en octobre, la corrélation entre marchés développés et marchés émergents s’est rompue, actions et obligations reculant, même sans accélération de la croissance.
Et ce n’est pas tout. Aux Etats-Unis, la relation entre valeurs décotées/valeurs de croissance et rendement à 10 ans s’est également effritée, les secondes (autrement dit, le secteur technologique) poursuivant leur avancée face aux premières, sur fond de progression du rendement. Parallèlement, malgré la chute des matières premières, les cours du pétrole ont profité des tensions géopolitiques avant de reculer après l’affaire Khashoggi, les investisseurs estimant que l’Arabie saoudite allait devoir augmenter sa production. Enfin, les devises émergentes (et pas seulement celles qui souffrent de fondamentaux fragiles, c’est-à-dire d’un déficit courant important) se sont repliées face au dollar. Quant au réal brésilien, il a été pénalisé par l’actualité politique avant les élections présidentielles (puis s’est redressé une fois la victoire de Jair Bolsonaro probable), tandis que le rouble chutait en raison des sanctions.
Anomalies tous azimuts
Malgré l’incertitude ambiante, la volatilité des actifs développés est restée plutôt modérée en raison de la solidité des fondamentaux (surtout aux Etats- Unis). Inversement, sur les marchés émergents, elle s’est accrue dans le sillage de la hausse du dollar et des taux d’intérêt américains, du ralentissement de la croissance chinoise et de la montée des tensions commerciales.
Que faire de tout ça? Les marchés ont dû jongler avec des facteurs contradictoires. La divergence entre actions développées et actions émergentes s’explique par les résultats et le ralentissement de la croissance, surtout en Chine. Si des facteurs fondamentaux et géopolitiques sont à l’origine d’autres anomalies, les tensions commerciales et la géopolitique ont été désignées comme seules coupables. Mais la réalité est plus complexe et il faut en tenir compte dans nos investissements. En début d’année, nous attendions deux thèmes pour 2018: le retour de la volatilité et la nécessité d’un positionnement défensif face aux actions à faible effet de levier et aux obligations de qualité, quitte à sacrifier la liquidité. Nous avons réduit l’exposition au crédit, maintenu le risque au niveau des actions, et évité les titres émergents. Les marchés jouant en notre faveur, cela s’est avéré payant.
L’an prochain, sur un marché de fin cycle, nous chercherons à repérer les entreprises dotées d’un solide pouvoir de fixation des prix. Nous continuerons aussi de suivre l’actualité géopolitique, domaine que nous intégrons plus que nos concurrents à nos prévisions car avec le retrait des liquidités des banques centrales l’an prochain, il va selon nous gagner en influence sur les actifs développés. Dans un contexte de repli des valorisations et d’inquiétudes exagérées des marchés, nous avons investi dans certains pays émergents pour la première fois de l’année. Enfin, les hedge funds et les stratégies alternatives pourraient compléter les portefeuilles diversifiés, notamment si la corrélation entre actions et obligations restait positive.