par Pascal Blanqué, CIO Groupe, et Vincent Mortier, CIO Adjoint Groupe chez Amundi
Après un mois de décembre difficile, qui s’est traduit par une brusque correction, les actifs à risque ont rebondi au cours des premières semaines de l’année, portés par les accents favorables aux marchés de la Fed et un regain d’optimisme sur le plan des négociations commerciales. Comme nous nous attendons à ce que les raisons de cet optimisme soient confirmées, nous pensons qu’il est temps de revenir sur les actifs à risque, segment dans lequel la correction a restitué de la valeur, notamment dans les marchés émergents. Selon nous, les investisseurs devraient aborder 2019 avec discipline, tout en ayant le courage de regarder au-delà du bruit à court terme à la recherche de valeur à long terme. Les quatre domaines à surveiller sont :
- Les perspectives économiques : les signes d’une légère décélération de la croissance mondiale sont visibles. Nous avons réduit nos prévisions de croissance aux États-Unis pour 2019 et 2020 et n’excluons pas d’autres révisions à l’avenir. Toutefois, nous ne prévoyons pas de récession (du moins dans les 18 prochains mois) et le dynamisme des marchés du travail devrait continuer à soutenir la consommation individuelle. L’économie de l’UE, bien qu’en ralentissement, devrait rester solide, sous l’effet combiné d’un relâchement de la politique monétaire et de l’assouplissement budgétaire (perceptible en Allemagne, en France et en Italie, bien que pour des raisons divergentes). La Chine a jusqu’à présent bien géré le ralentissement de son économie, le gouvernement étant très attentif sur le plan politique et la croissance des économies émergentes montrant des signes de stabilisation (avec, toutefois, des disparités). Cependant, les risques pesant sur la croissance mondiale sont, à notre avis, orientés à la baisse, et le marché, alerté par le ton plus conciliant de la Fed, scrutera de près les indicateurs avancés (comme les indices PMI, qui sont décevants) avant d’écarter tout risque de récession.
- La politique de la Fed : la stratégie de communication de la Fed semble désormais plus attentive à la volatilité des marchés. Avec l’abandon par la Fed de sa trajectoire préétablie et l’arrêt probable du processus de resserrement au premier semestre (nous ne prévoyons plus qu’une seule hausse de ses taux directeuurs en 2019), les pressions à la hausse sur les taux d’intérêt semblent s’estomper et la crainte d’assèchement des liquidités de la banque centrale (BC) pourrait être moins pressante que ce que l’on craignait en fin d’année.
- Les bénéfices : ils pourraient constituer un frein pour les actifs risqués. Après une forte hausse au cours des deux dernières années, la croissance des BPA devrait fortement fléchir en 2019, en raison du ralentissement de la croissance du PIB mondial, de l’atténuation des effets de la réforme fiscale américaine, de la diminution des contributions sectorielles du pétrole et des matières premières et de la hausse des coûts salariaux. Cependant, l’essentiel des mauvaises nouvelles semble déjà avoir été pris en compte, comme le confirment les réactions relativement modérées aux nouvelles négatives.
- Les conflits commerciaux : les négociations commerciales doivent absolument progresser. La voie de la coopération semble prendre le dessus, encouragée par la faiblesse de l’activité économique en Chine et ses retombées aux États-Unis, qui font pression sur les dirigeants pour qu’ils apportent des solutions. Toutefois, les marchés exigeront des mesures concrètes avant d’intégrer une baisse du risque commercial.
Nous restons en outre très conscients, à long terme, des fragilités structurelles du cadre économique, politique et social actuel. Des défis de long terme demeurent, notamment les relations sino-américaines, la phase délicate de ralentissement économique de la Chine, le peu de marge de manoeuvre des banques centrales des pays développés pour lutter contre les récessions, la dette mondiale qui explose, les moteurs de la croissance mondiale en perte de vitesse et les inégalités croissantes, autant de facteurs qui, pris individuellement, mais surtout combinés, constituent une source potentielle de troubles sociaux. L’an dernier, la séquence de réévaluation des prix dans les différentes classes d’actifs a pris le devant de la scène : avec d’abord les marchés émergents, les actions de l’UE ensuite, et enfin les actions américaines et le crédit des marchés développés. Nous nous approchons désormais d’une nouvelle séquence au cours de laquelle certaines classes d’actifs vont atteindre leur plancher (à commencer par les émergents) tandis que d’autres connaîtront encore des difficultés de réévaluation ou de liquidité (dette de qualité inférieure). Selon nous, les investisseurs qui cherchent à bâtir des portefeuilles solides devraient accroître leurs réserves de liquidités, se concentrer sur les valorisations et identifier les classes d’actifs qui pourraient offrir des points d’entrée intéressants afin de commencer à réintroduire une certaine dose d’exposition au risque dans l’allocation d’actifs.