par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Aux Etats-Unis, face à l’inquiétude de certains parlementaires concernant la remontée des risques inflationnistes, Ben Bernanke a exposé à deux occasions (son audition devant le Comité des finances de la Chambre des Représentants en reprenant les principaux thèmes d’un article publié dans le Wall Street Journal) la stratégie de sortie de crise que la Fed adoptera quand la reprise économique le nécessitera.
La Banque centrale dont le bilan est désormais supérieur à USD 2 100 mds (à comparer avec 900 mds en septembre 2008) dispose, en effet, de tous les instruments nécessaires pour procéder à un resserrement des conditions monétaires: le relèvement des intérêts servis sur les réserves obligatoires, les opérations de « reverse-repo », qui permettraient à la Fed de revendre les actifs détenus en portefeuille pour drainer la liquidité sur les marchés, ou la vente directe de titres à long terme.
En outre, la plupart des autres dispositifs de soutien mis en place depuis le début de la crise disparaîtront quand ils arriveront à échéance, les sociétés financières faisant d’ores et déjà moins appel aux financements exceptionnels. Toutefois, Ben Bernanke a estimé qu’il est encore trop tôt pour modifier la politique monétaire, même si les conditions financières se sont améliorées.
En effet, des risques pèsent encore, aux yeux de la Banque centrale, sur la consommation des ménages, compte tenu de la hausse attendue du chômage jusqu’en 2010 et des faillites personnelles que celle-ci va entraîner. Pour l’heure, le rythme de contraction de l’activité a nettement ralenti, et la demande finale ainsi que la production montrent de timides signes de stabilisation.
La production devrait progresser modestement au second semestre, après s’être repliée au premier. En effet, le PIB du deuxième trimestre (diffusion le 31 juillet) s’est probablement contracté de près de 3% en rythme trimestriel annualisé, après -5,5% au T1 2009. L’ensemble des composantes de la demande interne privée contribuerait à cette baisse, à l’exception des dépenses publiques.
En particulier, la consommation des ménages devrait à nouveau avoir reculé d’environ 0,5% après avoir augmenté de 1,4% au T1 2009, les revenus ayant notamment été soutenus par des transferts plus élevés l’hiver dernier. Selon Ben Bernanke, la reprise économique sera graduelle en 2010, avec une légère accélération en 2011. Par conséquent, il devrait maintenir le taux des Fed funds à un niveau exceptionnellement bas pendant une « période prolongée ».
Au Japon, les Minutes de la dernière réunion du Comité de Politique Monétaire montrent que la Banque centrale réfléchit, elle aussi, à sa stratégie de sortie. Elle envisage de ne pas lever d’un bloc les trois mesures exceptionnelles mises en place pour faire face à la crise. En effet, chacune répond à des objectifs bien spécifiques, que ce soit l’abaissement du taux overnight call rate à 0,10% ou les mesures non conventionnelles comme l’injection illimitée de liquidités sur le marché financier contre des collatéraux dont la gamme a été significativement élargie et l’achat direct de papier commercial et d’obligations privées auprès des entreprises.
Parallèlement, la dissolution de la Diète, le 21 juillet, a ouvert la voie à des élections générales à la fin du mois d’août, qui devraient signer la défaite du parti du Premier ministre Aso, la première depuis l’après-guerre. En effet, les derniers sondages publiés donnent le parti d’opposition, le DPJ, vainqueur avec 42% des intentions de vote contre seulement 19% pour le LDP.
Le DPJ, qui détiendrait alors la majorité à la Diète, est un conglomérat de petits partis, fondé en 1996. Son programme électoral se décline autour de cinq grands axes :
- élimination du gaspillage de l’argent public,
- réforme du système de retraite et de santé,
- soutien à l’enfance et à l’éducation,
- décentralisation et soutien l’agriculture,
- priorité aux questions d’emplois et d’environnement.
Pour tenir ses engagements, le DPJ sera amené à augmenter les dépenses publiques (de l’ordre de 1% du PIB en 2010), sans qu’il soit pour l’heure question de relever la TVA. Le plan d’économies budgétaires et de chasse au gaspillage de l’argent public devrait donc être la pierre angulaire de la politique économique du futur gouvernement.