par Pascal Blanqué, CIO Groupe, et Vincent Mortier, CIO Adjoint Groupe chez Amundi
Les marchés boursiers sont restés dynamiques ces dernières semaines, le S&P 500 se rapprochant de son plus haut historique, tandis que les actions européennes (STOXX 600) renouaient presque avec leur pic de l’an dernier et que les marchés émergents enregistraient également de très fortes performances. Les espoirs renouvelés d’un accord commercial entre la Chine et les États-Unis ont alimenté la dernière partie de la phase de hausse, après l’impulsion initiale qui avait été donnée par les revirements accommodants des banques centrales. Les marchés du crédit ont également largement bénéficié du sentiment positif, les spreads se resserrant considérablement en Europe et se stabilisant à des niveaux élevés aux États-Unis au cours des dernières semaines.
Dans un contexte de marchés financiers forts et de performances de l’économie réelle faibles, la complaisance semble être de mise. Ceci s’explique par le fait que la reprise mondiale des actifs à risque a été essentiellement tirée par un facteur: l’inflation. L’ajustement à la baisse des anticipations d’inflation a entraîné un fléchissement généralisé des courbes de rendement et orienté les politiques des banques centrales des pays développés et des pays émergents vers plus de souplesse. Les banques centrales ont ainsi recréé avec succès la conjoncture idéale qui avait permis de stimuler le rendement des actifs à risque entre 2012 et 2017. Mais maintenant, où allons-nous?
Au vu de l’avancée du cycle et des valorisations actuelles, les faibles taux d’intérêt ont-ils suffisamment de force pour tirer la reprise plus loin? S’il y a peu de chances de voir un renversement de tendance sur ce plan – la faiblesse des taux d’intérêt étant bien installée – nous croyons que la sensibilité du marché au facteur croissance va augmenter en fin de cycle, avec une attention très forte au risque de récession et à la durabilité des bénéfices. Le consensus table sur une croissance à deux chiffres des profits de l’indice S&P 500 en 2020, ce qui nous semble être un point de vue très optimiste. Nous estimons, pour notre part, que le risque de déception est important. Par conséquent les investisseurs devraient viser une diversification accrue, rester sur la défensive et être à l’affût des opportunités qui pourraient se présenter en cas d’évolution positive du marché.
À court terme, trois facteurs laissent présager une poursuite de la reprise, à savoir, la détente des conditions financières, les valorisations favorables des actions par rapport aux obligations (l’écart entre le rendement des bénéfices et le rendement des obligations d’État à 10 ans est attractif au regard des moyennes historiques depuis 1987) et le fait qu’il existe encore un potentiel d’expansion des ratios cours/bénéfice. Une nouvelle détente du conflit commercial, avec un accord entre les États-Unis et la Chine qui se profile à l’horizon ainsi que des statistiques macroéconomiques qui rattrapent leur retard et l’augmentation des dépenses budgétaires qui pourraient déboucher sur un regain d’activité réelle sont autant d’éléments qui pourraient favoriser une telle dynamique positive.
Ainsi, nous croyons que même s’il reste encore un peu de potentiel, celui-ci n’est pas si important, d’autant que les marchés semblent déjà «valorisés pour la perfection». Au-delà du court terme, le tableau est plutôt flou. La probabilité de rendements négatifs augmentera, notamment en raison de la combinaison de deux éléments. Le premier est que les valorisations du marché ne sont pas particulièrement convaincantes. Selon nos prévisions, le ratio de Shiller, cours/bénéfice corrigé des variations conjoncturelles (CAPE)1 qui mesure les valorisations boursières, devrait passer de 31 à environ 28 à la fin de 2019. Même si cette projection est inférieure au niveau atteint en début 2018 (33), elle reste proche de celui de 1929 et historiquement chère. Le deuxième élément est, que si l’on examine le passé, une révision importante à la baisse des résultats (attribuable à une récession économique) combinée à des valorisations chères est négative pour les marchés actions. Par conséquent, les perspectives de résultats sont en passe de devenir le facteur clé pour déterminer si le marché poursuivra ou non sa tendance haussière.
Tout en équilibrant le potentiel de hausse à court terme et les risques de baisse à moyen terme, notre approche a consisté – et consistera – à limiter le risque d’ensemble des portefeuilles, en prenant les bénéfices sur les positions gagnantes et en réaffectant les positions perdantes sur des secteurs où nous voyons encore du potentiel à exploiter en termes relatifs. Les candidats naturels pour ce faire sont les marchés émergents, les actions européennes et certains segments des marchés du crédit.