Crédit corporate : que faut-il attendre du 2ème semestre 2009 ?

par Chantana Sam, stratégiste chez Axa IM

Les marchés de crédit se sont bien comportés dans la première partie de l’année. Les spreads de l’Itraxx Main et du CDX Main ont atteint à la fin du mois de juillet 88 pdb et 111 pdb respectivement, contre 181 pdb et 198pdb au début de 2009. En raison de l’énorme prime de liquidité existant sur le cash1, les indices obligataires ont surperformé les indices CDS.

Ce mouvement peut-il continuer au 2S09 ou les marchés sont-ils trop optimistes en anticipant une reprise rapide ? Nous donnons des éléments de réponse dans ce papier.

Revue de la performance au premier semestre

Nous récapitulons ci-dessous la performance2 des indices CDS depuis le 1er janvier, le 1er mars et le 1er juin.

En raison du resserrement prononcé des spreads depuis mars, tous les indices affichent de solides performances pour le 1er semestre. L’IG EUR et l’IG US gagnent 4,4% et 3,8%. Les indices à fort bêta ont surperformé les autres indices : le HiVol EUR affiche un gain de 16,6%, le Crossover EUR gagne 16,2% et l’HY US s’adjuge 8,7% (mais affiche la meilleure performance depuis mars avec un gain de 16,8%). La surperformance de l’HiVol sur l’IG montre que les cycliques ont surperformé les financières et les défensives dans le resserrement3. La performance du HY US est d’autant plus surprenante que le portefeuille sous-jacent a subi 13 défauts depuis le début de l’année.

Mais le carry apporté par les niveaux élevés de spreads et l’effet de gain en capital dû au resserrement de ces spreads ont plus que compensé les défauts.

Notre modèle de prime de risque4 indique que la diminution des spreads résulte davantage d’une baisse de cette prime (principalement liée à la composante de volatilité mesurant l’aversion au risque) que d’une réelle amélioration en termes de défauts anticipés.

Sur les marchés cash, la hausse est encore plus marquée. Selon les indices obligataires de Merrill Lynch, le crédit EUR gagne 10,2%, l’US IG est en hausse de 13,5% et l’HY US affiche un impressionnant 37,3%. La surperformance du cash vient essentiellement de la surprime de liquidité mesurée par la base négative entre les spreads cash et CDS. La crise de financement sévère causée par le défaut de Lehman Brothers en septembre 2008 a gelé les marchés de crédit et entrainé une forte hausse de cette base (en termes absolus). Mais l’amélioration des conditions de liquidité – avec des volumes record d’émission sur le marché primaire et une tendance au dégel des marchés secondaires – s’est traduite par une réduction de la base. Par exemple, la base sur le portefeuille du CDX IG est actuellement à -100pdb contre -250pdb en janvier. Pour l’US HY, un autre facteur explique la surperformance des obligations. Il s’agit d’une différence structurelle entre les indices de référence cash et CDS5 rendant les indices synthétiques plus sensibles aux défauts.

Que faut-il attendre pour le second semestre ?

Nous pensons que le crédit continuera de bénéficier de facteurs techniques très positifs pour le second semestre. Les fonds de crédit corporate ont enregistré d’importantes souscriptions au 1S09. Les investisseurs ont été attirés par les valorisations du crédit qui apportaient des rendements plus élevés que les emprunts d’Etat avec moins de volatilité que les marchés d’actions. L‘appétit considérable pour le crédit a été alimenté par l’avalanche de nouvelles émissions offrant des concessions très élevées par rapport aux marchés secondaires. Plus récemment, les concessions se sont réduites (20 pdb actuellement contre 60 pdb en début d’année) mais les nouvelles émissions restent bien accueillies, confirmant que l’intérêt des investisseurs ne faiblit pas. Cette tendance devrait perdurer car certains investisseurs ont tendance à allouer leurs actifs en suivant les performances.

En termes d’offre, les volumes d’émission devraient ralentir dans la seconde partie de l’année, ce qui pourrait s’avérer positif pour le crédit si la demande reste forte. La plupart des émetteurs IG ont déjà assuré leur refinancement pour les maturités de 2009 voire de 2010. Par ailleurs, un grand nombre d’émissions au 1S09 étaient opportunistes, dans le sens où de nombreuses entreprises ont voulu profiter de la réouverture du marché primaire dans un contexte économique incertain.

En outre, nous nous attendons à ce que les entreprises restent focalisées sur les réductions de coût plutôt que sur l’investissement ou les fusions et acquisitions. Ainsi, le volume d’émission pourrait chuter de moitié au 2S09, aux alentours de 300 mds USD pour l’IG US contre 600 mds USD au 1S09. Le ralentissement devrait être moins marqué en Europe où les entreprises dépendent davantage du financement bancaire qui est actuellement très limité, les banques étant toujours peu disposées à détendre leurs conditions de crédit. Un total d’environ 270 mds EUR a été émis au 1S09 et le volume d’émission pourrait à nouveau dépasser les 200 mds EUR au 2S09. L’activité pourrait être tirée par les émetteurs ayant eu jusqu’ici un accès limité au marché. Ainsi, le marché primaire HY aux Etats-Unis devrait rester actif car il a redémarré plus tardivement. Les signatures CCC pourraient toutefois toujours avoir du mal à se placer sur le marché. Le marché européen du HY, rouvert encore plus récemment, devrait gagner en activité si la demande se maintient.

Le principal facteur négatif pour le crédit reste la détérioration des fondamentaux qui dure depuis plusieurs mois. Selon Moody’s, le taux de défaut HY mondial atteint 10,7% en juillet, ce qui est déjà au-dessus du sommet observé lors de la précédente récession (2001-02).

Les pics de défauts sont difficiles à prévoir mais l’Histoire nous enseigne que les points hauts interviennent en général quelques mois après la fin de la récession. Le sommet des défauts devrait donc avoir lieu entre la fin 2009 et la mi-2010. Moody’s prévoit un plus haut à 12,2% au 4T09. Le timing n’est pas irréaliste mais son niveau – comparable à la récession de 1991-92 – paraît optimiste. Cependant, Moody’s prévoit une reprise trop rapide selon nous. L’agence estime que le taux de défaut baissera à 4,4% en juillet 2010. Ce scénario suppose une amélioration forte des fondamentaux de crédit qui semble aujourd’hui peu probable. Soulignons que si le taux de défaut HY en Europe reste bas à 6,7%, il devrait augmenter rapidement dans les mois à venir avec un pic autour de 12-15% selon les agences de rating.

En outre, les valorisations de crédit, qui ont longtemps intégré des scénarios de défaut catastrophiques, sont devenues moins attrayantes. Les taux de défauts implicites dans les prix de CDS restent supérieurs aux pires crises historiques mais le coussin est désormais très limité. Néanmoins, avec la base négative, le cash conserve de la valeur, notamment aux Etats-Unis.

Conclusions

Nous pensons que le crédit continuera de bénéficier de facteurs techniques dans les prochains mois, avec une demande forte faisant face à un moindre volume d’émissions. Néanmoins, nous sommes prudents sur le HY en raison de la détérioration des fondamentaux et favorisons l’IG. En outre, nous privilégions les obligations par rapport aux CDS car les valorisations de CDS paraissent moins attrayantes.

NOTES

  1. Voir notre Commentaire Spécial de Juin 09 : « Bénéficier de la base négative entre le crédit cash et les CDS »
  2. Au 31/07/2009
  3. L’Itraxx HiVol est un indice dans lequel les cycliques sont surreprésentés par rapport à l’Itraxx Main
  4. Voir notre Commentaire Hebdomadaire n°444 5 Le CDX.HY est un portefeuille équi-pondéré de 100 noms alors que la plupart des indices cash HY sont de larges portefeuilles pondérés selon la taille de marché.