par Philippe Waechter, Chef économiste chez Ostrum AM
La BCE a abaissé de 10bp son taux de dépôts à -0.5% et maintiendra l’ensemble de ses taux au niveau actuel ou plus bas tant que l’inflation ne convergera pas vers 2%. Dans les prévisions de la BCE, l’inflation sera à 1.5% en 2021. Dès lors, les taux courts resteront au niveau actuel au moins jusqu’en 2022.
La BCE a décidé aussi de relancer le Quantitative Easing (QE) à hauteur de 20 milliards à partir du 1er novembre prochain. Cela s’est déjà traduit par un repli spectaculaire du 10 ans italien.
Cette mesure de QE va accentuer la répression financière. L’objectif est de pousser l’ensemble de la structure des taux pour tous les pays en territoire négatif, Italie comprise. Cela peut durer au delà de ce que l’on imagine. L’objet de la répression financière est de réduire l’incitation à épargner et d’accroître celle à dépenser pour infléchir l’activité à la hausse.
Le souhait de la BCE est que la politique budgétaire change et soit plus active pour que les mesures prises soient plus efficaces et plus rapidement. Il répète cependant cela depuis le début de son mandat.
La BCE va réduire son taux de dépôt à -0.5% avec l’adoption d’un système qui modulera ce taux selon le type de réserve. Les excès de réserves seront rémunérées à 0% et les autres à -0.5%.
Le TLTRO est allongé à 3 ans et le taux sur chaque opération sera le taux du refinancement principal sur le reste du temps de cette tranche du TLTRO. Compte tenu de la longueur du TLTRO et des anticipations évoquées plus haut sur l’inflation, le taux applicable pourrait être en moyenne au taux de dépôts sur la durée de l’opération pour les banques dont les prêts excèdent la référence de prêt définie par la BCE.. Cela veut dire que pour les banques ayant un excès de liquidités, elles peuvent avoir intérêt à prêter et à placer ses prêts en réserves excédentaires. Cela renforcera le secteur bancaire.
La répression financière mise en place par la BCE implique que les taux d’intérêt pour toutes les maturités et pour tous les pays sont bas et négatifs pour une très très longue période.
Les acteurs de l’économie sont habitués à des taux d’intérêt bas et le changement de comportement sera limité. L’impact macroéconomique à la hausse sera dès lors très limité. Le signal de la BCE pourrait aussi être interprété comme reflétant une situation particulièrement dégradée accroissant ainsi l’inquiétude des ménages et des entreprises, au risque d’avoir un effet négatif sur la conjoncture. Le secteur bancaire plus robuste sera-t-il suffisant pour contrecarrer cet effet ? C’est une inconnue aujourd’hui.
Les prévisions de croissance sont revues à la baisse à 1.1% en 2019, 1.2% en 2020 et 1.4% en 2021. Un choc externe pourrait faire basculer la zone Euro en récession. Pour l’instant la BCE estime très réduite cette probabilité.
Cela renforce néanmoins la nécessité d’une politique budgétaire efficace et proactive pour sortir de l’actuelle trappe à la liquidité qu’il y ait ou pas récession.
Au regard de l’absence de volontarisme des gouvernements pour avoir une politique budgétaire coordonnée, la position de Draghi est associée à un pari fort sur l’avenir au risque de devenir un vœu pieux.
Bon courage Christine Lagarde !