par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Le recul très limité du PIB de la zone euro au deuxième trimestre (-0,1% t/t, soit très largement mieux que l’ensemble des anticipations), après -2,5% et -1,8% au cours des deux périodes précédentes, a constitué une excellente surprise. En outre, les croissances française et allemande ont été estimées à plus de 0,3%, signalant une sortie de récession des deux plus importantes économies de la zone. Toutefois, les disparités ont été fortes au sein de la zone euro, avec des reculs du PIB de 0,5% en Italie et de 1% en Espagne et aux Pays-Bas (en dépit, pour ce pays, de liens très étroits avec l’Allemagne et la France).
Ensuite, un certain nombre de mesures budgétaires de soutien à la demande, comme la prime à la casse, qui n’ont pas vocation à être permanentes ont joué un rôle important. En outre, la contribution positive du commerce extérieur net vient pour partie d’une baisse des importations, alors que la progression des exportations, en particulier en Allemagne (où elles auraient renoué avec un rythme oublié depuis trois ans), et semble largement liée à la forte reprise de la demande en provenance des pays émergents (Chine en tête). Celle-ci a d‘ailleurs probablement accéléré la reconstitution des stocks qui ont joué positivement au T2, après avoir pesé sur la croissance au cours des trimestres précédents. Au total, la bonne surprise du T2 ne lève pas les incertitudes de moyen terme, et il convient d’être prudemment optimiste.
Certes, le momentum du T2 devrait se maintenir au cours du second semestre, nous conduisant à envisager une croissance plus forte que précédemment attendu. Ainsi, selon l’enquête menée par Markit Economics auprès des Directeurs d’achat (PMI), après quatorze mois de recul, l’activité se serait stabilisée en août. L’indice composite d’activité a gagné 3 points et s’est inscrit à 50, seuil qui sépare expansion et contraction, au plus haut depuis mai 2008 (51,05) et près de 14 points au-dessus du plus bas historique enregistré en février (36,2). Dans le secteur manufacturier, les composantes relatives à la production (à 50,8) et aux nouvelles commandes sont supérieures à 50 pour la première fois depuis mai 2008, et l’indice PMI synthétique du secteur, à 47,9, est revenu au-dessus de son niveau de juin 2008. Du côté des services, l’embellie est également de mise, avec une quasi-stabilisation de l’activité (la composante correspondante se hissant à 49,5 en août (contre 44,7 en juillet).
Au total, les données publiées aujourd’hui signalent que croissance devrait être solide au T3, et il est désormais permis d’attendre un recul du PIB de moins de 4% en moyenne cette année, Toutefois, des doutes subsistent sur l’ampleur et la soutenabilité de la reprise au cours des prochains trimestres. Ainsi, si la croissance approchait 0,5% en 2010, ce serait en grande partie grâce aux effets d’acquis générés aux deuxième et troisième trimestres 2009.
En effet, le chômage va continuer de progresser (alors qu’à 9,5% en juin, il était déjà au plus haut depuis dix ans), l’ajustement des bilans des agents économiques privés est loin d’être arrivé à son terme, et la faiblesse de la demande va continuer de limiter le pouvoir de fixation des prix des entreprises. La sortie de crise sera très graduelle et une reprise durable ne semble pas envisageable avant le second semestre 2010. Les dernières déclarations de M. Weber (Président de la Bundesbank et membre du Conseil des gouverneurs de la BCE), qui a souligné que le marché du travail pourrait se détériorer jusqu’en 2011, démontrent que la prudence est de mise au sein de la Banque centrale. De son côté, le ministre allemand de l’Economie a estimé que l’offre de crédit pourrait faiblir au début de 2010 – le crédit a d’ailleurs très probablement continuer de ralentir en juillet (les données seront publiées par la BCE jeudi prochain). Dans ces conditions, la BCE va maintenir ses taux d’intérêt à des niveaux très bas pendant une période prolongée, probablement jusqu’à la fin de 2010.
La semaine prochaine sera riche en publications de données économiques américaines, avec, en particulier, la deuxième estimation du PIB au T2, les commandes de biens durables pour juillet et la confiance des ménages, sans oublier les ventes de maisons neuves. Celles-ci devraient avoir progressé de nouveau en juillet, après déjà un bond de 11% en juin. Pour leur part, les reventes (maisons anciennes) ont augmenté pour le quatrième mois consécutif en juillet, bondissant de 7,2% m/m, pour revenir à leur plus haut niveau depuis deux ans, une preuve de plus de la stabilisation en cours sur le marché immobilier, même si la hausse des stocks (compte tenu de la montée des saisies) contribue à maintenir le ratio stocks/ventes à un niveau élevé (9,4 mois). Nous attendons une nouvelle baisse, limitée, de l’indice de confiance du Conference Board pour août à 44. Une reprise solide et durable de la confiance des ménages est dépendante d’une amélioration des conditions sur le marché du travail. Or, si les pertes d’emplois ont commencé de se modérer, elles demeurent massives et nous prévoyons une hausse du chômage jusqu’au milieu de l’année prochaine. En outre, le dernier Senior Loan Officer Survey (juillet) signale que les termes et conditions d’octroi de crédit ont continué de se tendre de mai à juillet pour toutes les catégories de prêts, aux entreprises comme aux ménages. Le PIB devrait renouer avec la croissance dès le troisième trimestre, mais le retour à une croissance durable et soutenue sera lent. Par conséquent, il n’y a pas d’urgence pour des stratégies de sortie des mesures d’assouplissement quantitatif mises en place pour contrer la crise.