par Ulrike Kastens, Economiste Europe chez DWS
Les taux d'inflation dans la zone euro augmenteraient-ils si des coûts de logement pour les propriétaires-occupants étaient introduits ? Nous en doutons. Selon nous, ce sont les salaires qui feront la différence dans le prix des services.
L'inflation de la zone euro prend-elle enfin son envol ? Cela ne semblait pas en bonne voie il y a peu de temps encore, lorsque les taux d'inflation inférieurs à 1 % étaient la norme. Aujourd'hui, nous espérons une tendance au moins modérée à la hausse. Attention, il ne s'agit pas de prix erratiques ou difficiles à contrôler, comme ceux de l'énergie (qui se forment sur le marché mondial), de l'alimentation (qui dépendent des conditions météorologiques) ou même des loyers (qui dépendent des dispositions réglementaires ou des pénuries d'approvisionnement). Il s'agit plutôt des salaires, qui jouent un rôle important dans le prix des services (hors loyers). Ceux-ci augmentent à un rythme annuel de plus de 2,5 % depuis 20181, ce n'est donc qu'une question de temps avant que les entreprises ne répercutent la pression salariale sur les consommateurs. Bien que les dépenses en services ne représentent qu'un tiers du panier utilisé pour déterminer l'inflation, elles ont considérablement réduit les risques de perte d'inflation. Pour la Banque centrale européenne (BCE), cela confirme que sa politique monétaire a un impact – bien que lent – sur les évolutions inflationnistes.
En revanche, les taux d'inflation "perçus" varient considérablement. La BCE se demande elle aussi si la consommation actuelle de biens et de services reflète correctement la pression réelle sur les prix. Sa revue stratégique est censée s'attaquer à ce problème. Les loyers jouent un rôle important dans cette quête. Dans l'indice des prix à la consommation de la zone euro (IPC), leur poids n'est que de 6,5 %. En Espagne, où le taux d'accession à la propriété est de 77 %, les loyers ne représentent que 3,1 %. Les coûts engendrés par l'accession à la propriété (achat, rénovation, intérêts) ne sont pas inclus dans le calcul de l'inflation.
Alors pourquoi ne pas inclure dans l'indice des prix les coûts de logement des propriétaires occupants, comme cela se fait aux États-Unis ? En supposant que les loyers et les logements occupés par leur propriétaire représentent également 33 % du panier de biens et services dans la zone euro, le taux d'inflation aurait fluctué beaucoup plus depuis 2010 et aurait été, dans certains cas, de 0,2 à 0,5 point de pourcentage supérieur au taux indiqué. De 2011 à 2013, en revanche, il aurait été plus faible. Et en moyenne, il aurait produit une valeur similaire. Un tel indice reflèterait donc mieux la réalité des prix pour les consommateurs, mais il n'aurait pas nécessairement conduit à une politique monétaire différente au cours de la dernière décennie.
NOTE
- Source: Bloomberg Finance L.P. du 17/02/2020