par Louis d’Arvieu, Gérant chez Amiral Gestion
Le Japon n’inspire guère les investisseurs. Les premiers arguments souvent évoqués sont d’ordre macro-économique, avec notamment le problème démographique. Mais aussi celui de performances boursières à long terme plus faibles que celles des autres grandes zones – même si ces dernières années la tendance s’est améliorée – ou celui d’une gestion conservatrice des bilans. Faut-il y voir des inconvénients insurmontables ? Ce n’est pas notre avis.
Côté démographie, la population décroît effectivement de l’ordre de 0,12% par an depuis son point haut de 128 millions de personnes atteint en 2008. Le gouvernement nippon s’est emparé du sujet en initiant plusieurs actions notamment au niveau de sa politique d’immigration. Bien que limitées, ces mesures ont quand même permis aux étrangers d’atteindre 1,8% de la population en 2019, un plus haut historique ! Dans ce contexte, la parade pourrait provenir de la productivité des travailleurs. Las ! Elle est sensiblement en dessous de la moyenne de l’OCDE. Mais là aussi, le gouvernement tente d’intervenir en poussant de nouvelles méthodes d’organisation du travail et des mesures pour dynamiser l’investissement dans les nouvelles technologies. En ce qui concerne ces dernières, le gouvernement travaille sur de nouvelles incitations fiscales qui devraient voir le jour dès cette année. Une aubaine pour certaines entreprises comme Avant Corp, qui aide les sociétés à externaliser certains processus comptables. Cette transformation est indispensable dans un pays où il se vend toujours plus de 1,7 million de fax par an, et où de nombreux sites de production s’appuient sur des systèmes d’exploitation tel que Windows 95 !
En ce qui concerne la relative morosité des performances boursières, nous ne voyons pas cela comme une fatalité mais bien plutôt comme une opportunité. Car de fait, les bilans des entreprises sont maintenant extrêmement solides et les valorisations attrayantes. Un terrain de jeu idéal pour le stock-picking : plus de 300 entreprises ont vu leur bénéfice par action multiplié par 10 ou plus sur la dernière décennie. Le travail de recherche est, en outre, facilité par une richesse boursière unique au monde : plus de 3.700 entreprises sont cotées et cette cote est principalement composée de petites et moyennes entreprises dont la liste s’allonge chaque année d’une centaine de noms.
Enfin, du côté de la gestion très conservatrice des bilans, on constate de réels changements, notamment parce que le Japon est aujourd’hui le premier terrain de jeu des activistes en Asie tandis que les investisseurs locaux, sous la pression du gouvernement, se sont organisés pour proposer régulièrement des résolutions en assemblée générale.
Néanmoins l'activisme traditionnel visant à imposer à court-terme la primauté absolue de l'actionnaire y échoue régulièrement. L’entreprise japonaise reste avant tout une entité sociale, dont les actionnaires ne sont, à juste titre, perçus que comme une des parties prenantes de l'entreprise, à l’opposé donc des théories de Milton Friedman.
Raison pour laquelle il nous a paru particulièrement judicieux d'y développer notre stratégie d'engagement qui consiste à nouer des relations privilégiées avec les dirigeants des entreprises dans lesquelles nous investissons pour exercer une influence amicale et de long-terme d'abord centrée sur le développement de l'entreprise. C'est ainsi que nous pensons créer les conditions d'une performance durable pour nos investissements japonais, à l’encontre des idées reçues.