par Christopher Dembik, Responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank
La première vague de COVID-19 a été la contamination géographique de l’Asie vers le reste du monde et a provoqué une crise de panique sur les marchés en raison du coût économique élevé suite au virus.
La deuxième vague ne fait que commencer. Les interruptions des chaînes d’approvisionnement se font sentir à l’échelle mondiale, en particulier pour les entreprises étrangères qui dépendent des PME chinoises. La dernière enquête ISM des États-Unis révèle que les personnes interrogées ont du mal à se procurer certaines pièces et matériaux à cause des ruptures affectant leurs chaînes d’approvisionnement. Le choc sur l’offre est désormais visible et il touche de nombreux secteurs (électronique, alimentaire, boissons, tabac…) et entraînera des retards de production importants pendant au moins plusieurs semaines.
La troisième vague pourrait provoquer une contraction du marché du crédit en raison d’un durcissement des conditions de financement qui pénaliserait principalement les PME. La pénurie de financements disponibles et les ruptures des chaînes d’approvisionnement concourent à accentuer la pression sur le secteur privé. À ce stade, il est très difficile d’estimer le risque de défaillance et le coût économique potentiel qui y est associé. Cela étant, au regard des réactions des banques centrales, il est clair que les responsables politiques font tout leur possible pour éviter que les tensions de marché actuelles se transforment en crise de liquidité. La plupart des observateurs estiment que les PME pourraient se retrouver en difficulté financière trois mois après l’apparition de COVID-19 si les conditions de marché ne se normalisent pas. Une course contre la montre est engagée car cela fait déjà deux mois que la crise a commencé.
Au cours des dernières semaines, presque toutes les grandes puissances économiques ont connu un durcissement des conditions de financement ou du moins des risques sérieux qu’il se matérialise.
Aux États-Unis, l’indice Bloomberg Financial Conditions s’est replié à un niveau que l’on n’avait plus vu depuis décembre 2018, lorsque les marchés actions et les marchés de crédit avaient fortement dévissé, obligeant la Réserve fédérale à modifier le cours de sa politique monétaire (cet épisode est connu sous le nom de « Powell Pivot»).
Au vu des attentes actuelles du marché, les contrats futures sur taux d’intérêt prévoient un nouveau cycle d’assouplissement après la récente baisse en urgence des taux, qui pourrait faire tomber le taux de référence en dessous de 0,6 % d’ici le début de l’année prochaine. Cela pourrait pousser d’autres banques centrales du G7 à suivre le mouvement de manière « coordonnée ». La Réserve fédérale pourrait devoir intervenir à nouveau en juin si l’économie n’est pas remise sur la bonne voie.
Dans la zone euro, la BCE envisage des mesures ciblées pour apporter un soutien d’urgence aux PME européennes. Une baisse des taux, que le marché considère comme acquise (la probabilité de 10 points de base est de 100 % en avril), semble exclue pour le moment. Les observateurs de la BCE ont souligné le fait que les mesures de financement ciblées en faveur des PME n’ont rien de nouveau. Il y a même un antécédent : en 2011, la BCE a lancé le programme de créances privées supplémentaires (« additional credit claims » – « ACC » en anglais), qui permet aux banques centrales nationales de l’Eurosystème d’accepter en garantie certaines créances qui ne sont pourtant pas conformes aux normes de qualité de crédit définies par la BCE. La spécificité de cette mesure réside dans le fait que les pertes résultant des ACC ne sont pas mutualisées mais supportées uniquement par la banque centrale nationale qui les accepte. La BCE pourrait annoncer cette opération spéciale lors de sa prochaine réunion, qui aura lieu le 12 mars.
En Chine, le risque de défaillance des entreprises est logiquement plus élevé en raison de l’impact négatif considérable de COVID-19 et des mesures de mise en quarantaine sur l’activité économique. Seulement un tiers des PME, qui représentent environ 60 % du PIB chinois, ont repris leurs activités. Les entreprises ayant des activités en Chine sont confrontées à de nombreuses difficultés, dont une pénurie de main-d'œuvre, des interruptions de transport et un encours de dette arrivant à maturité élevé. Selon Bloomberg, l’encours de dette privée arrivant à maturité s’élève à 944 milliards de dollars en Chine continentale et son équivalent « offshore » s’élève à 90 milliards de dollars. Avant l’épidémie, l’encours de dette privée était déjà une préoccupation pour de nombreux investisseurs. Selon les dernières données, la dette totale des entreprises chinoises est proche de son plus haut niveau historique, soit 150 % du PIB chinois, tout comme le ratio du service de la dette du secteur privé, qui ressort à 19,3 %. Les interventions de la Banque populaire de Chine ont permis de réduire la pression sur le coût du refinancement et de faire baisser les taux d’intérêt des obligations d’entreprise, mais le risque d’un resserrement de la liquidité reste d’actualité. Cela étant, le nombre officiel de faillites d’entreprise devrait être limité en Chine, car le gouvernement a encouragé les institutions financières locales à annuler les créances douteuses afin de réduire le ratio des prêts non performants (« non-performing loans » – « NPL » en anglais). Il sera donc difficile d’évaluer l’impact exact de la troisième vague de COVID-19 sur l’activité économique chinoise.