par Vincent Boy, Analyste marché chez IG France
Les indices américains ont progressé une nouvelle fois alors que les mauvaises nouvelles continuaient d’affluer. Les compagnies aériennes sont au bord du gouffre, la banque mondiale abaisse ses perspectives de croissance en Chine et en Asie au niveau global et le nombre de cas aux Etats-Unis progresse plus vite que n’importe quel autre pays dans le monde.
La Banque Mondiale (World Bank) anticipe maintenant un taux de croissance du PIB des marchés émergents entre 2,1% et -0,5%, tout en précisant que des estimations restent difficiles étant donné le rapide changement de la situation. Ces perspectives sont à comparer à une croissance du PIB de 5,8% observé en 2019.
Par ailleurs la Banque Mondiale anticipe désormais une croissance entre 2,3% et 0,1% en Chine pour cette année alors que la seconde économie mondiale a enregistré une croissance de son PIB de 6,1% en 2019. Malgré cela et la mise à l’arrêt de la plupart des économies du monde, la Chine publiait ce matin un PMI manufacturier au plus haut depuis septembre 2017. Il faut revenir en mai 2012 ensuite pour observer un PMI aussi élevé en Chine.
Malgré la rapide accélération de l’épidémie aux Etats-Unis, qui dépasse de loin l’Italie maintenant et comptent pour 1/3 des nouveaux cas au niveau mondial, les marchés continuent de progresser. En effet le soutien à 2000Mds$, qui pourrait ne pas être suffisant selon l’administration américaine, fait espérer un rapide retour de l’activité mais les prolongations de confinement en Europe et les incessants retours en arrière du président américain, laissent présager d’une épidémie qui devrait durer.
En revanche les marchés préfèrent se raccrocher à l’espoir de voir un retour de la croissance aussi rapide que la baisse est apparue même si de plus en plus d’entreprises menacent de licencier en masse et que d’autres précisent qu’elles seront à cours de liquidités dans les semaines ou mois à venir.
En effet de nombreuses aides ont été décidées au niveau mondial mais cela ne suffira pas à sauver tout le monde et de nombreux secteurs qui comptent une multitude de petites entreprises ne s’en sortiront pas, comme les restaurants, les cafés et les petits commerces en général et cela va conduire à une explosion du chômage et des défauts de remboursement de prêts bancaires à la chaine.
Du coté des grosses sociétés, les compagnies aériennes sont à l’agonie et demandent que les aides soient versées d’urgence, le secteur automobile pourrait avoir du mal à retrouver son niveau d’avant l’épidémie, voire celui d’avant la guerre commerciale Etats-Unis/Chine, d’autant plus que le secteur à un besoin massif d’investissements dans les années à venir du fait du changement structurel du secteur en termes d’énergies et de technologies utilisées.
Du côté des GAFA, bien que les investisseurs continuent de suivre ces mastodontes, notamment car ils possèdent une montagne de cash leur permettant de survivre à ce genre de crises, certains doutes commencent à s’installer. Par exemple, Apple précise que la production reprend doucement son cours mais que la demande pour ses produits pourrait être en forte baisse, le conduisant à décaler la sortie de ses nouveaux produits.
Amazon commence à subir des grèves dans ses entrepôts au niveau mondial, du fait des conditions de travail qui ne sont pas sûrs en cette période d’épidémie et alors que des cas de coronavirus ont été recensé dans 19 entrepôts de la société aux Etats-Unis. Au-delà de ces tensions sur les salariés, la baisse de la demande de produits en ces temps de crise et les problèmes de livraisons pourraient mettre à mal les performances du groupe.
Ainsi dans les semaines à venir et avant les résultats officiels des entreprises au niveau mondial pour le T1, nous serons particulièrement attentifs à la communication des sociétés et notamment aux Etats-Unis. Les premières faillites et mises en procédure de sauvegarde pourraient être annoncées rapidement ce qui devrait causer une seconde vague de chute des indices, alors que bien que les marchés financiers soient en hausse depuis la semaine dernière, ils restent toujours fébriles quant aux perspectives d’une reprise rapide de la croissance économique.