par Kirsty Clark, Investment Specialist dans l'équipe Actions de M&G
Le Fonds monétaire international (FMI) a émis un avis sans équivoque : le "Grand Confinement" entraînera le ralentissement économique le plus important depuis la Grande Dépression. A quand peut-on espérer un retour à la normale ?
Les investisseurs espèrent une reprise en forme de V
Compte tenu de l'ampleur des mesures de relance budgétaire et monétaire lancées à l’échelle mondiale, les marchés pourraient bien rebondir et voir une reprise en "V" se concrétiser. Les investisseurs en actions se préoccupent du moyen terme et espèrent que l'ampleur des mesures soutiendra les entreprises pendant le second semestre de l'année, permettant une croissance économique et des bénéfices plus importants que prévu à partir de 2021. Cet optimisme s'est traduit par le rebond d'avril, les actions mondiales ayant regagné une partie du terrain perdu en février et mars.
Une reprise en "V" suppose un retour plutôt rapide à la normale après la levée des mesures de confinement, et que la production perdue pendant la récession soit entièrement récupérée pendant le rebond – avec des chaînes d'approvisionnement qui fonctionnent comme avant (ou qui s'adaptent rapidement), des consommateurs qui reprennent leurs anciennes habitudes peu après la levée des restrictions, et des employés prêts et capables de retourner au travail pour fournir des produits et des services.
La possibilité d’une reprise en U ou W
Il existe une incertitude profonde quant à la viabilité de larges pans de l’économie : l’ensemble des entreprises sont confrontées à des difficultés majeures pour survivre à cette crise pour laquelle il n’existe toujours pas solution et dont la stratégie de sortie est encore incertaine.
Il est fort probable que certaines des industries telles que le tourisme, l'hôtellerie et les compagnies aériennes/aérospatiales, subiront des dommages structurels à plus long terme. Dans leur cas, une reprise en "U" prolongée devient une vraie possibilité.
Le risque d'une reprise en "W" n'est pas non plus totalement improbable. L'optimisme récent des investisseurs, qui ont vu les marchés récupérer une bonne partie des pertes de cette année, pourrait rendre les valorisations vulnérables à une réévaluation. Si les données historiques démontrent que les marchés à la hausse continuent sur la même trajectoire, l'expérience qui a suivi la Grande Dépression pourrait donner à réfléchir : après le krach de 1929, le marché boursier américain s'est redressé de plus de 40 % par rapport à son plus bas niveau de novembre 1929 au cours du premier trimestre de 1930, avant de rechuter de 80 %. Il a fallu attendre septembre 1954, soit 25 ans après le krach, pour qu'elle retrouve ses sommets de 1929. Pour les investisseurs optimistes, ce scénario peut sembler improbable aujourd'hui, mais il n'est pas inconcevable.
La levée des restrictions sera probablement progressive afin d'éviter les risques sanitaires et économiques d'une deuxième vague d'infections. Singapour connaît une résurgence des cas de virus, tout comme certaines parties de la Chine. Il est certain que pour les marchés développés, la levée des mesures de restrictions pourrait se faire par tâtonnements plutôt qu’en suivant un schéma bien défini. Dans tous les cas, toutes les sorties de crise ne se valent pas.
Chine : le retour à un semblant de normalité
S’il n'y a pas de signaux clairs sur la nature et la trajectoire de la reprise mondiale, certains chercheurs se tournent vers la Chine pour obtenir des indications sur les perspectives d'autres régions une fois le confinement levé. On estime que l'économie chinoise fonctionne actuellement à environ 80 % de sa capacité. Toutefois, malgré l’effort des autorités pour un retour à la normale, la Chine est confrontée à une deuxième vague d'infections, avec une épidémie concentrée dans la ville de Suifenhe, au nord-est du pays, du fait de l'arrivée de ressortissants chinois en provenance de Russie. Retrouver un semblant de normalité économique tout en empêchant un nouveau pic d'infection sera un exercice délicat que les autres pays et régions surveilleront de près.
Etats-Unis : la baisse de la consommation
Les dernières données économiques en provenance des États-Unis ont été plus sombres encore que ce que l'on craignait. Le PIB américain a chuté à un taux annualisé de 4,8 % au cours du premier trimestre de l'année, soit la contraction trimestrielle la plus rapide depuis 2008. La consommation domestique, principal moteur de la croissance économique américaine, a diminué (-7,6 %), ce qui représente la plus forte baisse depuis 1980. Etonnamment, les soins de santé ont représenté environ 40 % de cette baisse de la consommation (des opérations chirurgicales lucratives mais non urgentes ayant été annulées ou reportées), tandis que les transports, les loisirs, les services de restauration et l'hébergement ont également connu de fortes baisses.
Secteur des services : plus touché que lors des précédents ralentissements
Parmi les principaux contributeurs au PIB mondial, le secteur des services a été beaucoup plus touché par la crise du COVID-19 que lors des ralentissements précédents.
Pour qu'une reprise s'installe, il faudra que l'activité connaisse une accélération significative. Les pays qui ont pris des mesures rapides et évité d'imposer des restrictions sévères, comme Taïwan, ou qui semblent avoir efficacement contenu le virus, comme c'est le cas de la Chine, sont les mieux placés pour une reprise rapide de l'activité. En Chine, les magasins de détail ont réouvert dans la plupart des villes et 98% des grandes entreprises ont repris leur activité. L'indice PMI des services généraux de Caixin China est passé d’un point bas record de 26,5 en février à 43 en mars 2020.
Dans les pays où certaines restrictions restent en place (en particulier dans le monde développé, devenu l'épicentre du virus), l'efficacité des décideurs politiques à relancer la production et la demande de manière durable sera essentielle pour maintenir la reprise mondiale à mesure que ces restrictions commenceront à être levées.