Par Carsten Brzeski, Chief Economist chez ING
C’est lors d’une rencontre virtuelle ce 18 mai entre Berlin et Paris que plus de précisions sur les intentions franco-allemandes quant à la relance en Europe après la crise du Covid 19 ont été dévoilées. L’instrument principal sera un fond de 500 milliards d’euros qui a quelques caractéristiques redistributives susceptibles de rassurer un peu les marchés. Le Conseil Européen des 18 et 19 juin devra statuer sur cette proposition : il ne reste que quelques semaines au tandem franco-allemand pour convaincre, et éviter que son projet ne passe à la même trappe que la proposition espagnole d’avril.
La proposition franco-allemande présentée ce 18 juin est une étape importante vers un Fonds de relance de l'UE. D'un point de vue économique, le plat principal de la proposition est un fonds de relance de 500 milliards d'euros. Ce fonds est censé être temporaire, financé par l'UE au moyen d'emprunts sur les marchés par la Commission Européenne et fera partie du prochain budget pluriannuel (CFP) de l'UE (2021-2027). Le financement devrait être concentré en début de période afin d'apporter un soutien suffisant à un stade avancé. Il y aura un plan de remboursement obligatoire réparti sur plusieurs budgets de l'UE. Le fonds fournira une impulsion budgétaire directe sous forme de subventions et les fonds iront aux secteurs et aux régions de l'UE les plus touchés par la crise. Ces mesures s'ajoutent à l'enveloppe de 540 milliards d'euros déjà annoncée et conçue par l'Eurogroupe. Nous avons déjà fait valoir que si la crise est symétrique, la reprise sera probablement asymétrique. C'est pourquoi un fonds spécifique à la phase de reprise est actuellement à l'étude par les responsables politiques.
Les partisans du partage des charges entre pays aimeront l'idée mais n'apprécieront sans doute pas la taille (jugée trop petite) du fonds et s'inquiéteront du moment de son déblocage, car le CFP ne doit commencer qu'en 2021. Les opposants au partage des charges n'apprécieront pas l'émission commune de dette, le fait que la relance se fasse par le biais de subventions et non de prêts et s'inquiéteront d'un précédent malgré la nature temporaire du fonds.
Par conséquent, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que le fonds de relance ne voit potentiellement le jour. La balle est actuellement dans le camp de la Commission européenne, qui travaille sur une proposition pour le fonds. Cette proposition est attendue pour le 27 mai. On peut s'attendre à ce que cece pèse lourd dans les préparatifs de la Commission. Mais on s'attend à ce que certains pays désapprouvent la proposition, qui doit faire l'objet d'une décision unanime des États membres. Il est donc préférable de prendre cette proposition comme point de départ, et non comme fin des discussions.
Les écarts entre les rendements à 10 ans italiens et allemands ont considérablement diminué depuis l'annonce. Mais en fin de compte, c'est l'Europe. Il n'y a donc aucune raison de se réjouir avant d'avoir passé des nuits blanches, d'avoir modifié les propositions et d'avoir trouvé des compromis au mois de juin. Néanmoins, la proposition rapproche le Fonds de relance et, à une époque où une reprise asymétrique semble probable et où le rôle éventuel de la BCE dans une phase de reprise est incertain, on peut comprendre que la proposition franco-allemande soit reçue positivement par les marchés.