par Eric Bertrand, DGA et Directeur adjoint des gestions chez OFI AM
L’action des grandes banques centrales devrait empêcher toute remontée incontrôlée des taux dans un contexte macroéconomique bouleversé par la crise du Covid-19.
La diffusion de la pandémie au niveau mondial a, dans un premier temps, plongé les marchés dans une phase de capitulation. Mais la réaction des pouvoirs publics et des banques centrales a donné aux investisseurs des raisons de croire au rebond. Nous sommes actuellement entrés dans une troisième phase marquée à la fois par des fondamentaux économiques catastrophiques (recul du PIB mondial de 3% attendu en 2020 avant un rebond de 5,8% en 2021) et une abondance inédite de liquidités. Nous privilégions un scénario central en U avec une sortie graduelle de la crise et une reprise très progressive de l’activité.
Le choc conjoncturel est tel que les volumes de dette nécessaires pour financer les plans de soutien à l’économie nécessiteront des taux durablement proches de zéro. En zone euro, le Bund se stabilise autour de -0,5% au niveau du taux de dépôt de la BCE. Christine Lagarde s’emploiera à éviter toute remontée des taux mais elle devra surtout éviter que les spreads entre les Etats européens n’augmentent dangereusement. Au niveau politique, les tensions commencent à réapparaître alors que le dernier arrêt de la Cour de Karlsruhe, mettant sous surveillance la politique monétaire de la BCE, fait planer une menace sur la future capacité de réaction de la banque centrale en cas d’aggravation de la crise.
Un « filet de sécurité » pour les titres Investment Grade
Les programmes d’achats d’actifs engagés par les banques centrales constituent des montants colossaux en proportion des PIB dépassant largement les niveaux atteints lors de la période 2009-2018. Un élément qui explique en partie la bonne résistance des marchés face à l’aggravation de la conjoncture et l’absence de remontée des taux. Cette tendance devrait perdurer. Les investisseurs n’attendent pas de mouvements significatifs sur les taux courts qui devraient rester à des niveaux proches de zéro, pendant une longue période. De leur côté, les mouvements sur les taux longs resteront « capés » par les achats des banques centrales dont l’action reste déterminante pour éviter tout emballement sur les marchés obligataires.
Sur les marchés du crédit, les écarts de rendement entre les titres de qualité (compartiment Investment Grade) et les emprunts d’Etat se sont réduits au cours des dernières semaines. Avec des banques centrales acheteuses de titres Investment Grade et des Etats à la rescousse de fleurons nationaux souvent bien notés, ce segment offre un « filet de sécurité » appréciable pour les investisseurs, notamment sur la partie courte (1-3 ans) disposant de davantage de visibilité. Sur le compartiment High Yield (titres moins bien notés), le choc a été plus violent, dans le sillage des marchés actions, mais les mesures prises par les banques centrales ont permis une baisse des tensions. Ce compartiment reste attractif au vu des rendements générés. Il faudra bien entendu surveiller l’évolution des taux de défaut mais le marché anticipe déjà un scénario très négatif qui pourrait offrir ainsi des points d’entrée.
Compte tenu de la volatilité actuelle, il est préférable de détenir ses titres Investment Grade et/ou High Yield dans une optique de long terme pour pouvoir profiter du rendement offert sur toute la période de l’investissement. Quant aux dettes des marchés émergents, elles peuvent constituer des opportunités intéressantes, malgré une plus forte volatilité (effet devises, pétrole) et l’absence de soutien implicite des banques centrales de premier rang (Fed, BCE etc.).