par Philippe Waechter, Chef économiste chez Ostrum AM
Les nouvelles estimations de l’Insee sur l’allure de la conjoncture en France en 2020 jusqu’au mois de juin traduisent un rapide rattrapage post-confinement. Cela se traduit par une contraction de l’activité moindre que ce qui avait été envisagé pour l’ensemble de l’année 2020. En conséquence, le profil de l’économie française pour 2021 et après est nettement revu à la hausse. Toutes les questions ne seront pas réglées, notamment sur l’emploi, mais les évolutions projetées suggèrent moins de persistance du choc sanitaire que ce qui avait été anticipé.
Dans sa note de conjoncture, l’Insee actualise l’évolution des données françaises pendant et après le confinement. Les données supplémentaires disponibles modifient l’allure de la conjoncture française pendant le confinement. La note permet surtout d’appréhender le profil de l’économie après la sortie du confinement.
J’avais évoqué dans un post du 3 juin (Quelle trajectoire pour l’économie française ?) le profil que pourrait avoir l’économie française en 2020 et puis pour les prochaines années conditionnellement aux hypothèses faites pour 2020.
Dans cette note, j’actualise les profils du post précédent pour tenir compte des nouvelles informations publiées par l’Insee.
Le profil de l’économie française en 2020
L’Insee a révisé à la hausse l’allure de l’économie française pendant le confinement. Au mois de mars, l’économie française fonctionnait, en moyenne à 85% de ses capacités, en avril à 71%, en mai à 78% et en juin à 88% (compte tenu du choc particulier qui a touché l’économie française, et les autres aussi, l’Insee calcule le niveau d’activité en pourcentage de celui de 2019).
Ce profil est bien plus élevé que celui qu’avait évoqué l’Insee dans sa note précédente. A titre indicatif, l’institut indiquait alors que l’économie tournait à 67% en début de mois et à 79% en fin de mois, il indique désormais que la moyenne était à 78% sachant que le début du mois de mai était encore en confinement, probablement un peu au-dessus de 70%. Cela implique que le chiffre de la fin du mois est bien supérieur à celui de 79%.
La reprise est donc bien plus rapide que ce qui était anticipé et cela se voit par l’accélération entre avril et juin. C’est ce qui permet de valider une contraction toujours forte mais plus réduite qu’attendue du PIB au 2ème trimestre. Celui ci ne se contracterait que d’environ 17% contre 20% attendu précédemment.
A partir du chiffre calculé à fin juin, j’ai dessiné 4 rayons possibles jusqu’à la fin de l’année. Soit la convergence vers 100% des capacités s’opère à la fin de l’année 2020, soit l’activité reste au niveau actuel de la fin juin autour de 90, soit la convergence se fait à 100 à la mi-novembre qui était l’hypothèse compatible avec la prévision du gouvernement avec les données antérieures. J’ai gardé un rayon qui converge à 100 à la mi-juillet pour avoir un point de repère à court terme.
On constate que la pente de l’activité après le confinement est forte et que le rattrapage est rapide. L’enjeu après la sortie du confinement portait sur la pente du rayon de l’activité. Plus elle est forte, plus le rattrapage est rapide. C’est l’enjeu de la politique économique et des incitations à dépenser l’épargne accumulée pendant le confinement.
Si la convergence à 100 s’opère à la fin de l’année, l’activité se contracterait d’environ -9%. Si elle est reste à 90, le repli serait de -11.5% et si la convergence a lieu au milieu du dernier trimestre, le repli se situerait entre 8 et 8.5%. En cas de convergence très rapide l’activité se réduirait entre 6.5 et 7%.
Les hypothèses faites sont compatibles avec une contraction d’environ 17% au deuxième trimestre tel qu’évoqué par l’Insee. Au regard des profils sur l’année, le rebond du 3ème trimestre serait spectaculaire lui aussi mais dans l’autre sens. Selon les rayons choisis, le PIB progresserait entre 14 et 18.5% avant de ralentir au dernier trimestre.
C’est ce profil saccadé qu’il faut conserver à l’esprit: deux premiers trimestres négatifs avec une très forte contraction au cours du printemps puis les deux trimestres suivants, une croissance positive avec un rattrapage très rapide durant les mois d’été.
Pour la suite, le profil de 2020 est important. Plus le rattrapage est fort en 2020, plus l’acquis de croissance sera élevé à la fin de 2020 pour 2021. (sur les mesures de la croissance et la notion d’acquis voir mon post: Note Technique sur la Mesure de la Croissance)
Projections en 2021 et après
Si la convergence se fait à 100 en décembre, l’acquis pour 2021 à la fin 2020 serait de 7.2%. Si elle se fait à 90 en décembre alors l’acquis serait de 1.7%. Si la convergence se fait à 100 à la mi-novembre, l’acquis serait de 8.3%.
Je fais l’hypothèse, en 2021 et après, d’une croissance proche de sa tendance d’avant récession (je reprends le constat des années 1994 et 2010 qui ont été des années post récession sans effet de rattrapage (voir Quelle trajectoire pour l’économie française ?). J’ai rajouté, en 2021, ce taux de croissance tendanciel, 1.4%, à l’acquis.
On obtient le graphe ci dessous. Le profil plus fort en 2020 permet d’avoir des trajectoires plus élevées que dans le post du début du mois de juin. Si la convergence est à 90 en décembre, la retour sur le PIB de 2019 s’opérera en 2027. Si c’est à 100 en décembre, le PIB de 2019 sera atteint en 2022 et si c’est l’hypothèse d’une convergence plus rapide, 100 à la mi novembre, alors le PIB de 2019 sera touché dès 2021.