par John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud
La robotique n’est pas une notion nouvelle et ne fait plus partie depuis un certain temps du domaine de la science-fiction. Cependant, ce sujet est de plus en plus délaissé (à tort) car considéré comme trop vaste et trop complexe. Je me propose cependant aujourd’hui de « défricher » cette thématique d’investissement forte afin d’y voir plus clair. Synthèse et analyse.
a. Les faits
Le coronavirus a mis en avant plusieurs éléments importants et notamment celui de la dépendance des entreprises à l’être humain (voir Point f le revers de la médaille ?). Le retour « à la normale » de l’économie va pousser la thématique de la robotique et de l’automatisation ce d’autant plus qu'il existe un besoin croissant d'améliorer l'efficacité de la production dans plusieurs secteurs.
Avec la pénétration croissante des technologies de l'information dans l'industrie manufacturière et l'explosion de l'Internet industriel des objets (IIoT), le secteur de la robotique, déjà bien établi, entre dans un nouveau cycle de croissance à long terme qui devrait alimenter la demande de bon nombre des entreprises.
Cependant, s’il est assez évident que la demande est bien présente, il est difficile pour un investisseur de s’y retrouver tellement l’univers de la robotique est vaste.
b. Une question de cycles
Avant de passer en revue les différentes parties de la robotisation, il convient tout d’abord de signaler que nous nous trouvons aussi face à un investissement cyclique. En effet les dépenses des entreprises dans leur rénovation ou leur agrandissement sont fortement dépendantes des cycles économiques.
On imagine en effet que les dépenses en capital d’expansion (par opposition avec les dépenses en capital de maintenance) tendent à progresser lors des phases d’expansion et à baisser lors des phases de contraction.
Ainsi, si on constate une croissance continue des demandes en robotique, il faut intégrer le fait que celle-ci se fait par cycle. Ensuite, il faut aussi rappeler que ce n’est pas parce qu’une entreprise est automatisée qu’elle ne subit pas les affres d’un retournement économique.
Un constructeur automobile ne peut par exemple pas vendre plus de voitures alors que la demande n’est pas au rendez-vous.
c. Un marché dicté par la Chine
L'Asie (et la Chine en particulier) est le moteur de la demande en matière de robotique et d'automatisation. Selon la Fédération internationale de robotique (IFR), l'offre de robots a quadruplé au cours des années qui ont suivi la dernière baisse annuelle de l'offre mondiale en 2012.
Les entreprises chinoises achètent environ 37 % des unités vendues dans le monde, et le reste de l'Asie (y compris le Japon) en achète environ 33 %. La part de l'Europe dans les unités d'automatisation achetées s'élève à environ 18 %, et les États-Unis représentent à peu près les 12 % restants.
La plus forte croissance de la robotique devrait aussi venir de la Chine puisque la densité de robots (nombre de robots installés par employé) est encore faible par rapport à celle des autres grands pays industrialisés.
Enfin, signalons que le gouvernement chinois, dans son treizième plan quinquennal (2016-2020) a mis l'accent sur la modernisation de son parc industriel via un investissement massif dans les robots. Selon ce plan, d'ici 2049 les usines chinoises devront être les plus sophistiquées du monde, devant celles de l'Allemagne, du Japon ou des États-Unis.
d. Quels sont les différents groupes qui constituent la robotique ?
Comme je l’indiquais en préambule, il y a bien évidemment plusieurs groupes qui constituent la thématique de la robotique. On en distingue 4 en particulier.
– La fabrication de la robotique et l’automatisation
Il convient tout d’abord de rappeler que selon la définition, la robotique est un sous-ensemble de l’automatisation industrielle. Ensuite, une entreprise peut être présente seulement dans le segment de l’automatisation ou dans la robotique et l’automatisation (voire le processus d’automatisation).
- Automatisation : Mitsubishi Electric
- Automatisation et processus d’automatisation : Siemens, Schneider Electric
- Robotique, automatisation et processus d’automatisation : ABB
- Processus d’automatisation : Honeywell International
- L’amélioration de l’offre de produits aux clients existants.
Cette catégorie comprend les petites entreprises qui utilisent la robotique et l'automatisation intelligente pour améliorer leur offre de produits aux clients existants. D’habitude de petite taille, elles se focalisent sur un seul segment contrairement aux majors. Ces entreprises se concentrent sur l'amélioration de certains aspects de la robotique et de l'automatisation industrielle en développant et en commercialisant des choses comme les systèmes de vision, les capteurs numériques, les capteurs de contrôle de mouvement et la compression vidéo.
Si les robots doivent remplacer l'activité humaine dans le processus de fabrication, les machines devront se comporter davantage en tant que telles.
- Laser industriel : IPG Photonics
- Système de vision machine : Cognex
- Imagerie digitale et capteurs : Teledyne Technologie
- Les entreprises de logiciels industriels de d’IIoT
L'internet industriel des objets (IIoT) se définit comme étant le processus par lequel des capteurs basés sur le web sont utilisés pour créer des données et des informations qui aideront les entreprises à mieux gérer leurs actifs physiques (un capteur sur une turbine pour déterminer quand elle aura besoin d'être réparée ou remplacée). La pénétration des outils logiciels de l'IIoT et de la numérisation va certainement connaître la plus forte croissance dans la robotique.
Toutes les grandes entreprises d'automatisation ont leurs propres solutions logicielles industrielles ou des partenariats avec d'autres grandes entreprises. Par exemple, Siemens et Rockwell Automation dominent le marché des contrôleurs logiques programmables (PLC), et Siemens possède son propre logiciel de gestion du cycle de vie des produits (PLM), tandis qu'ABB est partenaire de Dassault Systemes et Rockwell de PTC.
– La robotique intelligente
Il existe un sous-ensemble croissant d'entreprises utilisant l'automatisation et la robotique intelligentes afin d'améliorer ou de développer de nouvelles solutions pour les clients. Tout le monde a entendu parler des entreprises telles que le fabricant d'appareils électroménagers iRobot ou même Intuitive Surgical et son système chirurgical robotisé révolutionnaire da Vinci.
Certaines «vieilles» entreprises comme Deere bénéficient de l'adoption massive de ses solutions d'agriculture de précision basées sur l'IdO (internet des objets). Grâce aux solutions télématiques, informatiques et matérielles embarquées de Deere, les agriculteurs peuvent mieux gérer leurs opérations en bénéficiant d'une assistance numérique pour guider et diriger le matériel.
e. Quelles sont les nouvelles tendances ?
Il y a plusieurs tendances qui se dessinent dans la robotisation, et notamment :
- La programmation : Les robots deviennent plus intelligents. La programmation et l'installation des robots deviennent beaucoup plus faciles. Des capteurs numériques combinés à des logiciels intelligents permettent des méthodes d'enseignement direct, dites de programmation par démonstration.
- La collaboration : Grâce à leur capacité à travailler en tandem avec les humains, les systèmes robotiques modernes sont capables de s'adapter à un environnement en rapide évolution. La gamme d'applications collaboratives proposées par les fabricants de robots ne cesse de s'étendre. Actuellement, les applications d'espace de travail partagé sont les plus courantes. Le robot et le travailleur opèrent l'un à côté de l'autre, accomplissant des tâches de manière séquentielle.
- Le passage au numérique : Les robots communiquent maintenant entre eux. La "OPC Robotics Companion Specification", développée par un groupe de travail conjoint du VDMA et de l'Open Platform Communications Foundation (OPC), définit une interface générique standardisée pour les robots industriels afin de les connecter à l'Internet industriel des objets (IIoT).
f. Un revers de la médaille ?
Le débat fait rage depuis des années pour savoir si l’arrivée massive des robots va accentuer le niveau des personnes sans emploi dans le monde. Cependant, à y croire l’OCDE, il n’y aurait pas autant de risque que cela. Un rapport de l’organisation publié il y a exactement une année sur l'emploi reste serein sur l'impact réel de l'automatisation et de l'intelligence artificielle.
L'Organisation ne croit pas à l'émergence d'un chômage de masse. Mais les gouvernements doivent revoir leur politique de formation et d'accompagnement à la recherche d'emploi.
En moyenne et toujours selon ce rapport, 32 % des emplois dans les pays de l'OCDE pourraient voir une grande partie de leurs tâches être automatisées. De nouveaux emplois différents remplaceront cependant ceux qui sont détruits.
Pour l'OCDE, il ne fait aucun doute que les gouvernements doivent repenser leur approche du travail et des emplois. Si l'on n'agit pas rapidement, de nombreux individus, notamment les moins qualifiés, resteront en retrait du marché de l'emploi.
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Cependant, ce que l’on peut noter est que la robotisation à un effet négatif sur l’inflation. L'adoption de robots intelligents fait baisser sans cesse le coût de la main-d'œuvre. En réduisant leurs dépenses, les entreprises peuvent maintenir leurs bénéfices et même réduire leurs prix dans une économie mondiale fortement concurrentielle.
g. Synthèse
La nécessité d'améliorer la productivité, en particulier à la lumière du ralentissement de la croissance du PIB, va de plus en plus entraîner des investissements dans la robotique et l'automatisation. Cependant, les entrepreneurs (et les investisseurs) devront être capables de surmonter les hauts et les bas du cycle économique. C’est malgré tout un investissement à long terme extrêmement intéressant.