par Maryse Pogodzinski, Economiste chez Groupama AM
Un mois après la sortie du confinement, l’activité économique française continuerait de se redresser mais resterait très dégradée, d’après la dernière note de conjoncture de l’INSEE publiée le 18 juin. Selon les derniers indicateurs dits à « haute fréquence (*)» et à partir des remontées directes d’entreprises et de fédérations professionnelles disponibles et utilisées par l’INSEE, la perte d’activité se limiterait à 12% en juin par rapport à son niveau d’avant crise, soit trois fois moins qu’au début du confinement (graphique 1 de l’INSEE).
(*) Indicateurs à « haute fréquence » i.e. indicateurs sur la mobilité des personnes, les transactions de cartes bancaires, la consommation d’énergie…
La reprise économique depuis la mi-mai est très nette, après un mois d’avril qualifié de « pire mois » selon l’INSEE, que l’économie française ait connu. L’économie aurait donc touché son point bas en avril et l’activité serait désormais proche de 90% par rapport à une situation dite « normale ». Compte tenu de ces nouvelles estimations, la contraction du PIB au 2ème trimestre serait de 17%, selon l’INSEE (versus -20% dans la précédente note de conjoncture du 27/05) après -5.3% au 1er trimestre. L’INSEE ne communique toujours pas sur un chiffrage annuel de la croissance en 2020, mais mentionne que ce serait la plus forte récession depuis la création des comptes nationaux français en 1948. Pour rappel, notre estimation de croissance pour 2020 est de -12%, proche de la dernière mise à jour du gouvernement dans le cadre du Projet de loi de finance rectificative du 10 juin, avec une baisse du PIB de 18% au 2ème trimestre.
En conséquence, un rebond mécanique sera très visible au 3ème trimestre après l’effet de la « réouverture » de l’économie (nous anticipons une croissance du PIB de +14% au T3), suivi par des rythmes de croissance plus modérés mais toutefois élevés par rapport au potentiel sur les trimestres suivants. Cela dit, le retour au niveau d’activité d’avant-crise ne s’effectuera pas avant 2022 (cf. graphique 2).
Source : INSEE, Banque de France, Calculs Groupama AM pour les deux graphiques
La violence du choc rend difficile l’appréciation des répercussions durables sur l’économie :
- Le choc a été très hétérogène selon les secteurs d’activité et les « cicatrices » seront plus profondes pour certains secteurs durement touchés, comme par exemple l’automobile et les transports aériens
- Les répercussions des protocoles de sécurité affecteront la productivité du travail, dont on ne connait pas encore l’évaluation
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Plus important encore, il reste beaucoup d’interrogations sur le comportement des ménages et des entreprises :
- Les entreprises en matière d’investissement (capital & humain) : l’endettement des entreprises s’est accru pendant la crise, notamment des crédits de trésorerie (atteignant quasi 26 mds d’euros en avril selon la Banque de France). Cette hausse soudaine de l’endettement pourrait peser sur les perspectives d’investissement et sur l’emploi (gel d’embauche voire même mise en place de plans de licenciements).
- Les ménages en matière de consommation : ces derniers ont globalement constitué pendant le confinement une épargne dite « forcée » (un total de 60 mds d’euros selon la Banque de France) ; le taux d’épargne des ménages atteint quasi 20% au 1er trimestre. Cette épargne forcée pourrait se transformer en épargne de précaution et ne pas revenir dans l’économie réelle, en raison du fort niveau d’incertitudes économiques et sanitaires. Les craintes sur l’évolution du chômage sont en forte hausse d’après l’enquête de l’INSEE auprès des ménages, notamment après la perte d’un demi-million d’emplois au 1er trimestre.