par Stéphane Monier, Directeur des Investissements chez Lombard Odier
• Le Congrès américain soutient le plan de relance pandémique avec des aides supplémentaires aux chômeurs et aux petites entreprises
• Les mesures de soutien mises en œuvre par la plus grande économie du monde sont les plus élevées au monde en pourcentage du PIB
• Nous tablons sur une plus grande coordination entre les politiques fiscale et monétaire l'année prochaine
• Les prix des actifs financiers reflètent en grande partie le nouveau plan de relance. L'évolution des marchés sera désormais tributaire de l'équilibre entre le déploiement des vaccins et les restrictions à l'activité économique.
Les législateurs américains ont trouvé un accord sur un nouveau paquet de mesures de soutien chiffrées à USD 900 milliards, destiné à empêcher une deuxième récession provoquée par la pandémie. Le pays en avait besoin. Les principaux membres du parti démocrate et le président élu Joe Biden promettent déjà des mesures de soutien supplémentaires.
Avec ce plan de relance, les législateurs reconnaissent que de nouvelles mesures sont impératives pour soutenir la fragile reprise alors que la pandémie fait toujours rage. Les contaminations ont atteint un niveau record et le nombre de décès est à son plus haut depuis six mois. Au moment où nous écrivons ces lignes, le pays enregistre plus de 17,8 millions de contaminations, avec un nombre total de 318'000 décès dus au virus, dont 2'571 recensés le 20 décembre.
Les dégâts infligés à l'économie américaine par la pandémie seront sévères. Le Fonds monétaire international table sur une contraction du PIB réel de -4,6% en 2020. Toutefois, à mesure que les vaccins seront déployés l'année prochaine, nous estimons que l'économie américaine renouera avec ses niveaux d'avant la crise au cours du second semestre, avec une croissance annuelle du PIB de +4,6%. L'épargne des ménages aura également un impact positif en donnant une impulsion aux dépenses des consommateurs l'année prochaine. Exprimée en termes du revenu disponible, cette épargne a connu une ascension fulgurante durant la pandémie, passant de moins d'un dixième à un tiers. L'activité économique des Etats-Unis, mesurée par la moyenne de huit indicateurs de haute fréquence, est restée relativement stable au cours des six derniers mois et s'inscrit aujourd'hui à 87% de son niveau d'avant la pandémie (graphique 1, cf doc joint).
Le nouveau plan de relance du Congrès vise à répondre aux problématiques les plus urgentes de l'économie américaine. Au bout de plusieurs mois de négociations bipartisanes, les législateurs se sont mis d'accord sur un « Paycheck Protection Program » (plan de protection des salaires) représentant USD 284 milliards de prêts aux petites entreprises, sur des aides d'USD 82 milliards pour les écoles et sur des mesures d'aide aux locataires d'USD 25 milliards, rallongeant par ailleurs l'interdiction d'expulsion. Le plan inclut également un paiement direct pouvant aller jusqu'à USD 600 par personne, ainsi qu'une augmentation des allocations chômage d'USD 300 par semaine. Le marché du travail américain a subi un choc cette année. Le taux de chômage a grimpé en flèche, passant de 3,5% fin 2019, son plus bas niveau depuis cinquante ans, à 14,7% en avril 2020, son plus haut niveau depuis la Grande Dépression des années 1930. A mesure de la réouverture de l'économie cette année et grâce à un premier plan de relance, la loi Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act (CARES), le taux de chômage est retombé à 6,7% en novembre.
Le Congrès avait approuvé ce premier plan de relance Covid-19, à hauteur d'USD 2'200 milliards, en mars. Il s'agissait alors du plus grand programme budgétaire jamais envisagé aux Etats-Unis. Reflétant la sévérité de la crise, il représentait près de 12% du produit intérieur brut du pays pour 2019. Aucun autre pays au monde n'avait mis en place un tel soutien en faveur des personnes affectées par la pandémie (graphique 2). Malgré des mois d'impasse politique empêchant le Congrès d'approuver les nouvelles mesures de relance, la loi CARES, finalement adoptée en mars, s'est avérée suffisante pour soutenir l'économie tout au long de la pandémie.
Alors que le cabinet Biden se prépare à entrer en fonction le 20 janvier, les Démocrates envisagent déjà de nouvelles mesures de soutien. Chuck Schumer, chef des démocrates au Sénat, s'attend à un projet de loi « plus robuste » l'année prochaine, en vertu d'un plan Covid-19 conçu pour soutenir les ménages, l'emploi et l'économie.
Coordination fiscale et monétaire
La politique monétaire extrêmement accommodante de la Réserve fédérale (Fed) constitue un soutien de poids à l'économie. Il ne fait nul doute qu'elle le restera tout au long de 2021 et au-delà. La banque centrale ayant entériné le ciblage de l'inflation, les hausses de taux préventives semblent désormais encore moins probables.
Dans un environnement de taux d'intérêt très bas, le soutien budgétaire devrait avoir un impact plus conséquent sur la reprise économique. Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve fédérale choisie par M. Biden comme secrétaire d'Etat au Trésor, pourrait renforcer la coordination entre les politiques budgétaire et monétaire en 2021. Madame Yellen connaît les limitations de la politique monétaire et elle est ainsi bien placée pour mettre en œuvre une politique budgétaire plus importante pour l'économie réelle.
Les nouvelles mesures de soutien à l'économie constituent certes une évolution positive mais elles interviennent après une longue période de négociations politiques. De ce fait, les marchés financiers les reflètent en grande partie, comme en témoignent les réactions initiales des marchés boursiers et obligataires.
Cependant, il convient de souligner que le plan de relance renforce l'attrait des actifs risqués, dans la mesure où il soutient l'économie réelle. Nous maintenons notre surpondération des actions américaines, qui sont exposées aux perspectives de croissance à long terme des secteurs des services de communication, des technologies de l'information et de la santé. Dans le cadre de notre positionnement de portefeuille, nous avons renforcé notre exposition aux actions, notamment en relevant l'allocation aux petites capitalisations qui profiteront du rebond conjoncturel.