par Richard Halle, Gérant du Fonds M&G (Lux) European Strategic Value chez M&G Investments
Depuis un certain temps déjà, nous avons mis en évidence l’écart de valorisation important entre les segments « value » et « croissance/qualité » du marché. Début 2020, nous avions émis l’idée que les moteurs de cette dispersion extrême pourraient s’estomper et que la décennie à venir pourrait être celle des actifs « bon marché ».
Ce dont nous étions à peu près sûrs, c’est que lorsqu’une rotation de style se produirait, elle serait sans doute particulièrement brutale et de grande ampleur. En novembre, la validation des vaccins a été saluée par l’optimisme du marché et de nombreux observateurs se sont demandés s’il pourrait s’agir du catalyseur tant attendu d’une rotation de style.
La perspective d’un retour à la normale signifie que le marché peut à nouveau envisager l’avenir ; elle pourrait également fortement stimuler l’activité économique et, en fin de compte, marquer le début d’un nouveau cycle économique, avec un effet positif sur le style « value », car nombre des actions les moins chères sur le marché se trouvent actuellement au sein des secteurs cycliques.
Si nous devions assister cette année à une reprise économique, à un environnement inflationniste et à une hausse des rendements obligataires, la rotation du marché pourrait être extrême, selon nous. Nous en avons eu la preuve en novembre 2020, avec le rebond des valeurs cycliques à la suite des nouvelles encourageantes concernant les vaccins.
Des valorisations excessives
Nous estimons que les valorisations des valeurs de croissance phares sont clairement excessives et décorrélées des performances des entreprises sous-jacentes, les fameux fondamentaux.
Si nous pensons que la récente rotation sectorielle induite par les vaccins a été le catalyseur d’un rebond du style « value », ce n’est pas la seule raison qui pourrait expliquer la poursuite de cette tendance à long terme. L’écart de valorisation entre les titres « value » et les valeurs de croissance se creuse depuis un certain temps ; cependant, ces deux dernières années, nous avons constaté une grande divergence entre les styles, même sur une base sectorielle neutre, ce qui élimine effectivement l’impact des caractéristiques sectorielles.
Ce récent écart de valorisation supplémentaire nous semble difficile à justifier comme le résultat d’un changement structurel, et nous pensons qu’il faudra sans doute plus qu’une évolution du sentiment pour l’inverser.
Nos inquiétudes concernant l’extrême dispersion des valorisations sur le marché pourraient être injustifiées et les valeurs de croissance pourraient continuer à dominer le marché. Toutefois, nous pensons que les investisseurs sont quelque peu complaisants quant aux risques potentiels auxquels certaines de ces valeurs pourraient être confrontées. À la lumière de certaines des valorisations extrêmement élevées que nous observons, nous pensons que nous pourrions assister à une répétition de l’effondrement des très populaires actions dites Nifty Fifty dans les années 1970, ou de l’éclatement de la bulle Internet en 2000.
Le style de croissance a dominé le marché pendant si longtemps et l’écart s’est tellement creusé entre les actions bon marché et les actions chères que, sur une base rendement/risque, une rotation en faveur du style « value » nous semble probable à un moment donné.
Cette rotation en faveur du style « value » fera probablement face à quelques difficultés à l’avenir. Toutefois, il existe de nombreuses opportunités intéressantes à long terme parmi les actions bon marché et délaissées – en particulier pour les entreprises présentant un bilan solide – au sein de différents secteurs, contribuant ainsi à la diversification.
Après plus d’une décennie compliquée pour ce style de gestion, beaucoup de nos pairs ont abandonné. Selon nous, ce contexte et l’influence croissante de la gestion passive ont contribué au biais important sur le marché en faveur des valeurs de croissance. Selon Morningstar, seuls 14 % des actifs au sein des fonds actions mondiales ont une composante « value ». Si cela a constitué un frein pour nous, nous estimons aussi que notre engagement en faveur du style « value » signifie que nous sommes bien placés pour bénéficier d’une rotation de style, si elle se produit.
Eviter les pièges « value » par un filtrage rigoureux
Au sein de l'équipe gestion « value » de M&G, nous avons toujours été fermement convaincus que ce style de gestion a le potentiel pour générer d’excellentes performances, à condition de s’imposer un processus de filtrage rigoureux permettant d’éviter les pièges « value » (value traps) et de s’autoriser un horizon d’investissement approprié.
Notre processus simple et reproductible, qui associe un filtrage strict des valorisations et une analyse fondamentale rigoureuse, est capable d’identifier des opportunités intéressantes dans la sphère « value » et de réduire les risques associés à l’investissement dans des actions bon marché et délaissées.
En tant que gérants « value », la situation actuelle constitue une opportunité du genre de celles que l’on ne rencontre qu’une fois dans une carrière. Il a fallu attendre longtemps avant que le style « value » ne revienne sur le devant de la scène, mais nous avons bon espoir que notre patience soit récompensée et qu’il prospère à nouveau.