par Catherine Stephan, économiste chez BNP Paribas
La progression du chômage est restée faible, en Allemagne, au regard de la contraction du PIB observée depuis la fin de 2008 (-6,3 % en glissement annuel au premier semestre 2009). Selon les données publiées par l’Office fédéral du travail, le taux de chômage s’est établi à 8,1% en octobre, en repli de 0,1 point par rapport au mois précédent. Le nombre de chômeurs a néanmoins augmenté de 241 000 depuis octobre 2008 (il approchait alors 3,2 millions, après avoir atteint 5,1 millions en mars 2005), dont de 192 000 depuis le début de l’année. L’emploi est, également, orienté à la baisse depuis novembre 2008 (123 000 postes ont été détruits).
Confronté à l’effondrement de l’activité à la fin de 2008, le gouvernement allemand a assoupli les conditions de recours au chômage partiel. Il prend, désormais, en charge la moitié des cotisations de sécurité sociale, la totalité si le salarié suit une formation. La durée durant laquelle les entreprises peuvent bénéficier des aides de l’Etat est progressivement passée de 12 à 18 mois en novembre 2008 à 24 mois à partir de juillet 2009. Ces diverses mesures ont permis de contenir la hausse du chômage (1,433 million de personnes bénéficiaient du dispositif de chômage partiel en juin 2009, contre seulement 39 000 en août 2008).
La relative bonne tenue du marché du travail allemand face à la crise récente doit également beaucoup aux réformes menées au cours des années 2000. Durant le dernier cycle de croissance de l’économie allemande, de 2005 à 2008, le PIB a progressé de 11%, en cumulé, et 1,4 million d’emplois ont été créés. Le taux de chômage a reculé de presque 4 points, de près de 12%, en moyenne en 2005, à 8% en 2008, après avoir atteint un point bas cyclique en novembre 2008, à 7,6%. Lors du cycle de croissance précédent (1999-2001), le taux de chômage n’était pas passé au-dessous de 9,2%, alors que le PIB avait augmenté de 8%.
Cependant, l’Allemagne se retrouve, aujourd’hui, confrontée à la forte progression du nombre d’emplois précaires et à un déficit démographique qui est structurel.
Les effets des réformes du marché du travail au cours des années 2000
Du début des années 1990 à 2005, la difficulté à résorber le chômage est illustrée par la hausse du NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment, taux de chômage compatible avec une inflation stable), passé de 6,5% début 1991 à 8,7% à l’automne 2005. Il a ensuite diminué, revenant à 8,2% au deuxième trimestre 2009.
La courbe de Beveridge (qui relie le nombre de chômeurs au nombre de postes vacants) met, également, en évidence une meilleure allocation du travail à partir du milieu des années 2000 qui a permis de réduire le taux de chômage structurel. Plus le marché du travail est efficace, plus, pour un même niveau de vacances d’emplois, le chômage est faible parce que les appariements entre les offres et les demandes de travail sont rapides. Entre 2005 et 2006, le nombre de chômeurs a augmenté alors que le nombre de postes vacants est resté stable. En revanche, depuis lors, le nombre de postes vacants diminue en même temps que le nombre de chômeurs.
Le taux de chômage de longue durée a diminué…
Les réformes Hartz ont, également, profondément modifié le marché du travail allemand. Si la part du chômage de longue durée (12 mois et plus) dans le chômage total reste importante, tout en diminuant (près de 53,4% en 2008, après 57,3% en 2006 selon l’OCDE), le nombre de personnes sans emploi depuis plus de 12 mois a, quant à lui, très nettement reculé entre 2006 et 2008 (-35%)1.
Durant le dernier cycle de croissance de l’économie allemande (2005-2008), des personnes exclues du marché du travail, parfois moins qualifiées, ont pu retrouver un emploi, mais les réformes menées à partir de 2005 (Hartz IV) ont largement contribué à réduire le chômage de longue durée.
La diminution du montant des indemnités, la réduction de la durée de versement, de 32 à 12 mois, ainsi que les politiques de suivi ont, en effet, incité les personnes sans emploi à retourner le plus rapidement sur le marché du travail.
L’objet des allocations chômage était auparavant de maintenir le niveau de vie d’une personne sans emploi, pas de lui offrir une aide de secours. Depuis 2005, l’ensemble des revenus et du patrimoine du foyer est désormais pris en compte pour estimer l’aide accordée au chômeur (des aides pour le transport et les enfants sont consenties). Les personnes en difficulté, en mesure de travailler, bénéficient d’un nouveau système d’allocation II (Unemployment Benefit II). Celle-ci est attribuée au chômeur, qui n'a pas droit à l'assurance chômage (Unemployment Benefit I) ou qui ne peut plus y prétendre, et remplace également l'ancienne l'aide sociale.
Les politiques de suivi varient en fonction de la capacité des personnes sans emploi à pouvoir retourner rapidement sur le marché du travail, mais les exigences à leur égard se sont fortement accrues. Elles doivent rechercher activement un emploi et ont l’obligation d’accepter celui qui est censé leur convenir. Dans le cas contraire, elles sont soumises à des sanctions financières. Enfin, elles doivent participer à des programmes de formation (qui peuvent aussi être organisés par des sociétés privées) qui évaluent leur volonté de trouver un emploi et enrichissent leurs compétences. La durée de ces programmes de formation varie de quelques jours à douze semaines, période durant laquelle elles ne sont plus comptabilisées au nombre des chômeurs.
Depuis 2005, les agences pour l’emploi doivent, également, atteindre des objectifs chiffrés, qui diffèrent pour chaque type d’agence, même si elles disposent d’une certaine autonomie pour y aboutir. Par ailleurs, si une agence publique n’est pas parvenue à l’issue de six semaines à trouver un emploi à une personne au chômage, celle-ci pourra recourir à une société privée, rétribuée en cas de succès. Des aides à la création d’entreprises sont également consenties. Enfin, les entreprises reçoivent des aides lorsqu’elles recrutent un salarié exclu du marché du travail depuis longtemps ou qui est susceptible d’avoir une productivité affaiblie. L’aide est au maximum égale à 50% du salaire ; l’entreprise ne doit pas avoir licencié pour recruter le chômeur de longue durée et ne pas l’avoir employé durant les quatre dernières années.
Les chômeurs de longue durée sont, enfin, de plus en plus incités à exercer des emplois à durée déterminée, intérimaire ou à temps partiel, qui peuvent être désormais proposés par les agences d’emploi publiques.
… grâce, notamment, à un plus grand recours aux contrats à durée déterminée et aux emplois intérimaires…
Les Allemands ont désormais de plus en plus recours au travail intérimaire et aux contrats à durée déterminée. La loi Hartz de 2003 a permis de réduire les limites à la durée des contrats. Les contrats à durée déterminée et ceux régissant le travail intérimaire peuvent être d’une durée de deux ans, et de quatre ans si l’employeur développe de nouvelles activités. La seule exigence vise à garantir un salaire identique pour ceux qui sont soumis à différents types de contrat ou de s’associer à un accord entre employeurs et salariés.
Selon les données d’Eurostat, la part des salariés bénéficiant d’un contrat intérimaire est ainsi passée de 12,4% en 2001 à 15,2% fin 20062. Certes, elle a reculé depuis lors. Certains employeurs ont privilégié les contrats à durée indéterminée, mieux à même de motiver les salariés et d’accroître leur productivité lors de la dernière phase de croissance (2005-2008). En outre, les emplois en intérim ont été les premiers à subir les effets de la crise. Au total, la part des salariés bénéficiant d’un contrat intérimaire était de 14,9% à la fin 2008 (16% dans la zone euro).
… et au travail à temps partiel
Les contrats à temps partiel ont connu un important essor durant les années 2000. Selon les données d’Eurostat, la part de l’emploi à temps partiel dans l’emploi total était de 25% au dernier trimestre 2008 (19,6% dans la zone euro) mais à peine de 19% en 2001 (près de 15% dans la zone euro). Le nombre de travailleurs à temps partiel a ainsi augmenté de 55% entre 1998 et 2008 (à 10 millions). Des mesures d’assouplissement ont été prises dès le début des années 2000. De nouveaux types de contrats ont, en effet, été créés, les « jobs à 1 euro », les « mini-jobs » et les « midi-jobs », qui peuvent s’appliquer à tout type de personnes et destinés à couvrir des activités secondaires et dans des secteurs non marchands. Un « mini-job » est rémunéré au maximum 400 euros par mois et les « midi-jobs » entre 400 et 800 euros par mois. Les cotisations versées au système de sécurité sociale varient en fonction du salaire perçu : nulles pour un salaire de 400 euros, elles passent à 400 euros pour un salaire de 800 euros. La part des « mini-jobs » dans l’emploi total était, ainsi, de 13,8% en 2007 (+ 7 points entre 1995 et 2005). Dans le cadre des « jobs à 1 euro », les salariés sont rémunérés entre 1 et 2 euros de l’heure, en complément de l’allocation chômage.
Cependant, seuls les organismes non lucratifs peuvent recourir à ce type de contrats.
Toutes les tranches d’âge ont enregistré une hausse du travail à temps partiel entre 1998 et 2008. Toutefois, 60% des emplois partiels sont occupés par des personnes de 35-54 ans. L’essor de ces contrats a modifié la structure du marché du travail et a contribué à réduire le taux de chômage. L’usage du temps partiel offre, en effet, davantage de flexibilité aux entreprises, notamment dans le secteur des services qui représente près de 85% des personnes à temps partiel.
Les contrats à temps partiel offrent des revenus faibles et une moindre protection sociale. Ceci s’explique, notamment, par la part prépondérante des emplois peu qualifiés. En 2008, 22% des travailleurs à temps partiel n’avaient pas de qualification professionnelle, contre 13% pour l’ensemble des salariés.
La moitié des salariés à temps partiel cumulent deux emplois de ce type et 23% des travailleurs à temps partiel déclarent ne pas avoir trouvé de travail à temps complet (13% en 1998) ; ils sont 65% dans les Länder de l’Est.
Un mode de fixation des salaires plus flexible
Les réformes du marché du travail ont offert davantage de flexibilité aux entreprises. Elles ont également contribué à modérer la progression des salaires durant les années 2000 en permettant aux entreprises de recourir à un plus large éventail de contrats de travail.
En outre, le mode de négociations salariales a évolué dès la fin des années 1990. Les entreprises ont, en effet, pu négocier certains aménagements pour maintenir ou accroître leur compétitivité.
Ainsi, dans le secteur de la chimie, un « corridor » d’évolution salariale a été mis en place en 1997 et utilisé à partir de 1998. Avec l’accord de l’ensemble des partenaires sociaux, il prévoit de réduire le nombre d’heures travaillées ainsi que les salaires de 10% par rapport aux niveaux fixés lors des accords antérieurs.
Certaines composantes, variables, du salaire peuvent désormais être négociées à la baisse, comme le treizième mois. Dans la banque, une rémunération complémentaire, fonction des profits, a été introduite en 2002. Certaines entreprises ont également augmenté, à partir de 2004, le nombre d’heures travaillées, en réintroduisant la semaine de 39 heures au lieu de 35 heures, sans augmentation de salaires.
En hausse de 4,6% en glissement annuel en 2000 (inflation à 1,5%), les rémunérations versées aux salariés avaient reculé de 0,5% glissement annuel en 2005 (alors que l’inflation était à 1,4%). Le rythme de progression a ensuite accéléré jusqu’en 2008 (+4,2% g.a.), tandis que l’inflation était de 2,7%. La part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de 67,9% en 1993 à 57,6% en 2008. De même, le taux de marge (rapport de l’excédent brut d’exploitation sur la valeur ajoutée), de 31,8% en 1993, était de 41,2% en 2008 (après 41,9% en 2007). La bonne santé financière des entreprises allemandes leur a ainsi permis de soutenir l’emploi durant la phase de croissance (2005-2008), mais également de faire face à la crise récente. Elles ont donc pu conserver des employés avec une formation appropriée, ce qui va leur éviter de procéder à de nouveaux recrutements coûteux lorsque la reprise sera durablement installée.
Radioscopie du marché du travail allemand
Si les réformes du marché du travail ont permis de réduire le taux de chômage et d’accroître le taux d’emploi de l’ensemble des catégories de salariés, les conditions d’accès à l’emploi demeurent diverses.
Le taux de chômage des jeunes est inférieur en Allemagne à celui de la zone euro mais les difficultés vont croissant
Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans a fortement progressé depuis la fin de 2008 ; il était de 10,7% en août 2009 (définition BIT3), après avoir atteint un point bas cyclique en août 2008 à 9,3%. Les entreprises sont, en effet, peu incitées à recruter des personnes peu expérimentées et des jeunes en apprentissage dans un contexte de dégradation du marché du travail. Elles disposent, par ailleurs, de davantage de marges de manœuvre pour ajuster l’effectif de salariés les plus jeunes. Leur période d’essai est, en effet, de deux ans, période durant laquelle une entreprise peut les licencier à tout moment et les réintégrer six mois plus tard.
Le taux de chômage des jeunes Allemands reste inférieur à celui de la zone euro. Celui-ci était de 19,7%, selon la définition du BIT, en août 2009, après avoir atteint un point bas cyclique en mars 2008 (14,5%).
Toutefois, il a tendance à se rapprocher de celui de la zone euro. De plus de 8 points en 2000, l’écart était ainsi de 3,5 points en 2005 et de 5,5 points en 2008.
Le système d’apprentissage est, en effet, de plus en plus délaissé. Il permet aux jeunes d’acquérir une formation professionnelle au sein d’une entreprise, et facilite leur insertion sur le marché du travail.
Cependant, les jeunes semblent de moins en moins privilégier ce cursus au moment où le secteur tertiaire acquiert une importance croissante dans l’économie allemande.
Le système d’apprentissage conduit, par ailleurs, à une très forte spécialisation qui peut nuire à la mobilité et à la reconversion des jeunes lorsqu’un secteur d’activité se trouve en difficulté. Par ailleurs, les entreprises rechignent de plus en plus à supporter le coût d’un apprentissage, même si elles ont souvent la possibilité, à l’issue de leur formation, de rémunérer les apprentis à un salaire inférieur à celui du marché. Enfin, le niveau scolaire des jeunes en Allemagne est inférieur à celui dans la zone euro. Selon les données d’Eurostat, la proportion de jeunes entre 20 et 24 ans et pourvus d’une formation scolaire au moins équivalente à celle du second degré est également supérieure dans la zone euro depuis 2003. Cette proportion était de 71,5% en Allemagne et de 73,5% dans la zone euro en 2005.
Augmentation du taux d’emploi des seniors
Le taux de chômage des plus de 55 ans a commencé à diminuer à partir de la fin des années 1990, mais a connu une baisse importante au cours des années 2000. Selon l’OCDE, estimé à 15,3% en 1997, le taux de chômage, dans la tranche d’âge de 55 à 64 ans, était revenu à 12,7% en 2005 et à 9,7% en 2007.
Depuis 2006, les entreprises ont désormais la possibilité, sans justification, de proposer des contrats à durée déterminée de 5 ans (la durée des contrats temporaires doit normalement être inférieure à 2 ans) pour les personnes de plus de 52 ans et en chômage depuis plus de 4 mois. La durée d’indemnisation des chômeurs de plus de 50 ans a, par ailleurs, été ramenée à 18 mois. Si la personne sans emploi accepte un emploi moins bien rémunéré que le précédent, elle recevra aussi une aide égale à 50% de la différence entre son ancien et son actuel salaire, pour une durée équivalente à celle durant laquelle elle aurait reçu l’allocation chômage. Cette aide est, ensuite, égale à 30% de la différence. Les entreprises, qui emploient une personne de plus de 50 ans et en chômage depuis plus de 6 mois, peuvent également bénéficier durant 36 mois de subventions, comprises entre 30% et 50% du salaire versé.
L’Allemagne a également largement dépassé les objectifs du traité de Lisbonne (fixés en 2007), de porter le taux d’emploi de la classe d’âge des 55-64 ans à au moins 50% d’ici 2010. Selon les données d’Eurostat, le taux d’emploi est passé de près 38% à la fin 2000 (près de 35% dans la zone euro) à presque 57% au deuxième trimestre 2009 (près de 46% dans la zone euro).
Le niveau d’éducation de la génération des « babyboomers », supérieur à celui de la génération précédente, lui a permis de répondre davantage aux besoins du marché du travail. Le gouvernement allemand a aussi adopté diverses mesures incitatives à partir de 2005 et de 2007, dans le cadre du plan « Initiative 50 plus », qui ont largement contribué à soutenir le taux d’activité des seniors et notamment des moins diplômés.
Certaines dispositions qui ont, jusqu’à présent, favorisé le départ anticipé des seniors vont, par ailleurs, être progressivement supprimées. Les salariés de plus de 55 ans peuvent encore recourir à des programmes de travail à temps partiel. Ce système permet à des salariés de plus de 55 ans de réduire leur temps de travail de moitié. Généralement, les personnes concernées continuent à travailler à temps plein pendant cinq ans, puis cessent toute activité et perçoivent une aide jusqu’à leur départ à la retraite, à 65 ans.
L’employeur doit verser, sous forme de prime, 20% du salaire (non soumise aux taxes et cotisations sociales), et 70% du salaire net anciennement perçu. Il doit également payer les contributions retraites sur 80% du salaire d’origine. Les coûts sont remboursés par l’Office fédéral du travail si une personne sans emploi ou un apprenti est embauché en remplacement de la personne en retraite. Or, ce système de travail à temps partiel pour les seniors ne devrait être effectif pour de nouveaux entrants que jusqu’à décembre 2009. Compte tenu de la dégradation du marché du travail, le ministre du Travail et des Affaires Sociales de la précédente coalition prévoyait de prolonger ce dispositif jusqu’en 2014. Il ne pourrait avoir toutefois que peu d’effets sur le taux de chômage à court terme compte tenu du souhait des seniors de travailler à plein temps dans un premier temps et de se retirer ensuite.
Les seniors sont, enfin, d’autant plus incités à rester sur le marché du travail que les conditions de départ à la retraite se sont durcies. L’âge de départ à la retraite devrait ainsi passer progressivement de 65 ans à 67 ans entre 2012 et 2029 (une personne pourra, toutefois, bénéficier d’une pension complète à partir de 65 ans si elle a cotisé durant 45 ans).
L’écart entre le taux de chômage des femmes et celui des hommes est faible
En septembre 2009, le taux de chômage des femmes (définition BIT) s’est établi à 6,9%, celui des hommes à 8,3%. Toutefois, le nombre de femmes sans emploi a augmenté de 1,1% entre novembre 2008 (un point bas) et septembre 2009, alors que celui des hommes bondissait de 15,9% entre octobre 2008 et septembre 2009.
Alors que durant la dernière phase de croissance de l’économie allemande, le taux de chômage des femmes était supérieur à celui des hommes, l’écart s’est inversé à partir de janvier 2009.
En effet, si les femmes ont moins profité de l’essor des secteurs industriels orientés vers l’exportation et du secteur des banques et assurances, dont les postes sont davantage pourvus par des hommes, à l’inverse, l’effondrement de l’activité à partir de la fin 2008 a plus lourdement pénalisé les hommes4. De même, la population active féminine croît à un rythme plus soutenu que celle des hommes depuis le troisième trimestre 2008.
Les femmes (dont près de 85% sont employées dans le secteur des services) occupaient près de 80% des postes à temps partiel en 2008. Le nombre de femmes travaillant à temps partiel a augmenté de 45% entre 1998 et 2008 et de 11,6% entre 2005 et 2008.
Pour les hommes, les postes à temps partiel ont doublé depuis 1998, avec une progression de plus de 27% entre 2005 et 2008. Selon les données d’Eurostat, le taux d’emploi des femmes reste, par ailleurs, sensiblement inférieur à celui des hommes : 66,2% au deuxième trimestre 2009 contre 75,2%. De nombreux obstacles subsistent qui dissuadent les femmes de rester sur le marché du travail. Le manque d’infrastructures adaptées (comme les crèches…) les empêche notamment de conserver une activité professionnelle, après la naissance de leur premier enfant. Ainsi, le taux d’emploi des femmes ayant un enfant était de 67,5% en Allemagne en 2008, mais de 74,4% dans la zone euro.
Le taux de chômage des étrangers reste structurellement supérieur à la moyenne nationale Les étrangers travaillant en Allemagne ont, ainsi, été les premiers à être pénalisés par l’effondrement de l’activité et les ajustements d’effectifs opérés par les entreprises. Ils occupent, en effet, davantage d’emplois en intérim et à temps partiel. Le taux de chômage des étrangers a fortement augmenté à partir de la fin 2008, se hissant de 15% en novembre 2008 à 17,3% en avril 2009. En dépit d’un repli depuis lors, il se situait encore à 16% en octobre 2009.
Le taux de chômage n’a que faiblement augmenté en début d’année dans les Länder de l’Est, mais reste sensiblement supérieur à celui enregistré à l’Ouest Au cours des derniers mois, le chômage n’a que très légèrement augmenté dans l’ex-Allemagne de l’Est, avec une hausse limitée à 0,6% entre novembre 2008, un point bas, et octobre 2009, alors que durant la même période, il progressait d’environ 12% dans les Länder de l’Ouest. Le nombre de salariés bénéficiant du dispositif de chômage partiel a également augmenté dans une moindre proportion dans les Länder de l’Est. Entre août 2008 et juin 2009, le nombre de salariés concernés y a été multiplié par 25 (pour atteindre 175 000 personnes en juin), mais par 38 dans les Länder de l’Ouest (où il concernait 1 244 000 individus en juin). Les entreprises, implantées en ex- Allemagne de l’Est, appartiennent, en effet, davantage au secteur des services et ont, par conséquent, moins souffert de l’effondrement de l’activité manufacturière à partir de la fin 2008.
Alors que l’Allemagne célèbre, cette année, le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, le taux de chômage reste, toutefois, structurellement supérieur en ex-Allemagne de l’Est, malgré une baisse de 6,7 points du taux de chômage entre mars 2005 et novembre 2008 (à 12,7%).
Cette situation trouve en grande partie son origine dans les mesures économiques et sociales décidées au moment de la réunification. Immédiatement après celle-ci, les négociations salariales ont été principalement menées par des syndicats et des employeurs de l'Allemagne de l'Ouest qui souhaitaient une hausse des salaires en ex-Allemagne de l'Est, afin de limiter le flux des travailleurs de l’Est vers l'Ouest, et des entreprises de l'Ouest vers l'Est.
En outre, la mise en place de dispositions réglementaires, assurant la sécurité de l’emploi, dissuadait les entreprises de créer des emplois (les entreprises conservaient les emplois existants, mais n’en créaient pas de nouveaux).
Des subventions ont, par ailleurs, soutenu des entreprises peu rentables et les créateurs d’entreprises disposaient, en retour, de moins de moyens. Compte tenu du niveau des salaires, de la faible productivité et des subventions accordées, les entreprises ont donc investi dans des activités à faible création d’emplois, lesquelles n’incitaient guère les Allemands des Länder de l’Est à acquérir une formation susceptible d’attirer des entreprises créatrices d’emplois. Les jeunes diplômés ont, ainsi, émigré à l’Ouest, tandis que la main-d’œuvre la moins « employable » (peu qualifiée et âgée) est restée en ex-Allemagne de l’Est.
L’Allemagne doit relever un nouveau défi : le déclin démographique
La population active a augmenté à un rythme soutenu en 2005 et 2006 (de respectivement de 3,6% et 1%), puis à un rythme plus modéré à partir de 2007 (+0,5% en 2008), palliant partiellement le déclin de la population. La baisse du chômage à partir du milieu des années 2000 a probablement incité nombre de personnes à rester ou retourner sur le marché du travail. De même, la mise en place de contrats temporaires et à temps partiel a permis de régulariser des emplois, qui auparavant demeuraient dans la sphère de l’économie souterraine. L’accroissement de la population active féminine a ainsi été particulièrement importante (+1,2%, +3,6% et +1,4%, respectivement en 2004, 2005 et 2006).
Par ailleurs, la génération des « babyboomers » présente un taux d’activité plus élevé que celui de leurs aînés grâce un meilleur niveau d’éducation, qui leur permet de répondre aux besoins du marché du travail. Selon l’OCDE, le taux d’activité total (15-64 ans) est ainsi passé de 71,1% en 2000 à 75,6% en 2007.
L’accroissement du taux d’activité ne permettra toutefois pas de pallier le choc de la sortie du marché du travail de la génération du « babyboom » au cours des prochaines années. L’âge de départ à la retraite va être repoussé à 67 ans mais la population allemande, dont la croissance avait commencé à ralentir à partir du milieu des années 1990, s’est contractée de 0,1% chaque année de 2005 à 2007, et ceci en dépit de l’allongement de l’espérance de vie qui a augmenté, passant de 75,3 ans en 1990 à 79,8 ans en 2006. Par ailleurs, au cours de la même période, le nombre de femmes a diminué à un rythme légèrement plus élevé (-0,2% en moyenne annuelle) que la moyenne de la population.
Le taux d’accroissement naturel est, ainsi, négatif depuis trois décennies. Il était de -2,624 en 2008 (+4,599 dans la zone euro). Le taux de fécondité était, en effet, de 1,37 enfant par femme en 2007 (1,33 en 2006, 1,53 pour l’Union européenne à 27) et a peu varié au cours de ces dernières années. Compte tenu notamment du manque d’infrastructures, les femmes peuvent difficilement concilier leurs vies professionnelle et familiale. Elles sont dès lors nombreuses, notamment les plus diplômées, à renoncer à avoir un enfant. L’Allemagne ne recourt que faiblement à l’immigration L’Allemagne, confrontée au déclin démographique, a modifié récemment sa politique d’immigration.
Le gouvernement allemand tente de faciliter l’immigration de diplômés étrangers (physiciens, ingénieurs, professeurs…). Depuis la loi du 1er janvier 2005, les démarches administratives ont été simplifiées5.
Néanmoins, de nombreuses restrictions existent. Les nouveaux immigrants doivent disposer d’une offre d’emploi concrète et un immigrant qualifié, originaire d’un pays extérieur à l’Union européenne, doit prouver qu’une rémunération annuelle de 85 000 euros lui sera versée. Il est par ailleurs dans l’obligation de connaître entre 200 et 300 mots allemands. Les freins à l’immigration restent donc nombreux.
Le nombre d’immigrés (non naturalisés) (hors UE à 27) venus travailler en Allemagne était de seulement 40 324 en 2007 ; il s’agissait, certes, du double du flux de 2006, mais le nombre de travailleurs immigrés a diminué de près 118 500 entre 2000 et 2007. Le taux de migration nette a, ainsi, fortement diminué depuis le début des années 1990. Selon l’OCDE, il était de 3,3 en 2001 (de 1,2 pour l’UE 27) et de 0,5 en 2007 (contre 3,8 pour l’UE 27).
Enfin, l’Allemagne rencontre des difficultés à recruter une main-d’œuvre qualifiée, notamment dans les secteurs des nouvelles technologies.
Les lois Hartz (de concert avec la modération salariale) ont offert davantage de flexibilité aux entreprises et leur ont permis d’accroître leur compétitivité. Ces réformes ont ainsi soutenu la croissance allemande durant ces dernières années, laquelle a également contribué à créer de nombreux emplois. Ainsi, la progression du taux de chômage a été relativement modérée au regard de l’effondrement de l’activité à partir de la fin 2008.
Cependant, la médaille a son revers. Le recul des échanges internationaux à partir de la fin 2008 a mis en évidence la dépendance de l’économie allemande aux exportations, moteur principal de la croissance au cours de ces dernières années.
Les réformes opérées sur le marché du travail, qui ont favorisé l’essor de contrats temporaires et à temps partiel, ont accru la précarité de certains salariés, et la faible progression des rémunérations a, en effet, pesé sur les dépenses des ménages durant ces dernières années. Des mesures d’aides aux ménages et le recul de l’inflation ont, certes, soutenu la consommation privée, mais leurs effets vont graduellement s’estomper, alors que les exportations ne devraient renouer que progressivement avec une croissance forte. Les mesures, proposées par la nouvelle coalition constituée à l’issue des récentes élections législatives, par la CDU/CSU et le parti libéral FDP, pourraient toutefois soutenir la consommation des ménages et consolider la compétitivité des entreprises. Il est en effet prévu d’augmenter les allocations familiales, de réduire l’impôt sur le revenu et de plafonner les cotisations sociales.
Le marché du travail se sera, ainsi, peu dégradé au regard de l’effondrement de l’activité. Les réformes du marché du travail menées durant ces dernières années permettront, par ailleurs, à l’Allemagne de profiter rapidement du retour de la croissance chez ses principaux partenaires commerciaux.