Chine : gare à l’illusion

Le récent rapport “Global Trends 2025” du National Intelligence Council (NIC), qui compile les données des services de renseignement américains, a

Le récent rapport “Global Trends 2025” du National Intelligence Council (NIC), qui compile les données des services de renseignement américains, a retenu l’attention parce qu’il évoque clairement le déclin des Etats-Unis et la montée en puissance de la Chine et de l’Inde. “Le système international sera pratiquement méconnaissable d’ici 2025 du fait du développement des puissances émergentes, de la globalisation de l’économie, du transfert historique de richesses de l’Ouest vers l’Est et de l’influence croissante des acteurs non gouvernementaux”, écrivent les auteurs du rapport. Le mouvement qui est décrit ici est largement partagé par des experts des relations internationales et de l’économie.

Mais on peut se demander si la crise économique actuelle ne va remettre en cause certaines évolutions. Car le rapport du NIC a nécessité plusieurs années de travail et sa publication semble intervenir à contre-temps. D’ailleurs les rédacteurs font preuve de prudence. Prenons un exemple : la Chine. Le rapport relève que peu de pays sont destinés à avoir autant d’impact que l’Empire du milieu sur la marche du monde au cours des 15 à 20 prochaines années. “Si les tendances actuelles se poursuivent, la Chine aura la deuxième économie du monde et sera une puissance militaire de premier ordre. Elle pourrait aussi être le premier pays importateur de ressources naturelles et un plus grand pollueur qu’aujourd’hui”, écrivent les auteurs. Beaucoup de ces prévisions se vérifieront certainement. Sauf peut-être celle sur la puissance économique. La crise actuelle montre que contrairement à ce que certains ont cru un moment il n’y a pas de “découplage” entre les pays émergents et le monde industrialisé. Ceci est particulièrement pour la Chine. “L’atelier du monde”, pour reprendre le cliché bien connu, a bâti son développement sur les exportations. Que se passe-t-il quand ses principaux marchés sont en récession comme c’est le cas aujourd’hui pour les Etats-Unis et l’Europe ?

La machine se grippe. La croissance du Produit intérieur brut (PIB) de la Chine a atteint 9% en rythme annuel au troisième trimestre contre 10,1% au deuxième. Ce ralentissement a surpris les économistes qui tablaient pour la plupart sur un taux proche de 10% et devrait se poursuivre. Les plus pessimistes pensent maintenant que la croissance chinoise pourrait descendre autour de 6%. Pour le régime communiste de Pékin, ce serait une catastrophe tant il a besoin d’une économie robuste pour éviter une crise sociale. Car, on l’oublie trop souvent, seuls 300 à 400 millions de Chinois, vivant essentiellement sur la côte, profitent du développement sur une population de 1,3 milliard d’habitants. Selon certaines estimations, quelque 20 millions de travailleurs pauvres passent de province en province en quête d’un travail pour avoir un revenu de subsistance. Cette masse permet aux industriels d’avoir un coût du travail à peu près nul et donc d’être particulièrement compétitifs sur le marché mondial. Mais que se passerait-il si ces 20 millions de travailleurs se retrouvaient désoeuvrés ? N’oublions pas que les révoltes rurales sont particulièrement nombreuses en Chine (certains spécialistes parlent de 10.000 par an). Il n’est pas rare que des ouvriers et paysans affamés tentent de manifester dans de grandes villes comment Shanghaï et Canton. L’agitation sociale est la hantise du pouvoir. C’est la raison pour laquelle les prévisions à long terme sont à prendre avec précaution s’agissant de la Chine.

Dans l’Inde voisine, le développement a été moins spectaculaire mais, selon des experts, il est davantage accepté car la démocratie, bien qu’imparfaite, permet à des contre-pouvoirs d’exister. Récemment, le géant Tata a dû transférer l’usine de production de la voiture à bas coût Nano qui était installée à Singur, dans le Bengale occidental, à la suite de violentes manifestations des paysans qui se plaignaient d’avoir été spoliés de leurs champs. Rien de tel en Chine où toute manifestation est vite réprimée et où la liberté d’expression n’existe pas.

Alors la Chine, deuxième économie de la planète en 2025 ? Les dirigeants chinois en rêvent. Ils prévoient même que d’ici 2050 leur pays aura le PIB par tête d’habitant égal à celui de la première puissance économique actuelle. Mais pour y parvenir, il faudra d’abord traverser la crise économique actuelle et garantir la stabilité politique et sociale. Rien ne dit que la Chine y parviendra.