Ainsi donc une bulle spéculative autour des sociétés de l’Internet 2.0 serait en train d’éclater ?
Ainsi donc une bulle spéculative autour des sociétés de l’Internet 2.0 serait en train d’éclater ? Il s’est même trouvé quelqu’un, en l’occurence un journaliste du site d’informations boursières Breaking Views (repris par Le Monde en France), pour annoncer : “De toute façon, la vogue du Web 2.0 semble véritablement à bout de souffle”. Pas moins.
Cette sentence définitive est liée à deux événements intervenus voici peu. Premier événement, un investisseur russe, Digital Sky Technologies, a pris une petite participation dans Facebook pour 200 millions de dollars sur la base d’une valorisation de l’entreprise de 10 milliards de dollars. En 2007, Microsoft était entré sur la base de 15 milliards. La valeur est donc diminuée d’un tiers. Quelle affaire ! Ceux qui font mine de se lamenter sur cette évolution oublient que nous vivons une crise économique d’ampleur – la plus grave depuis la fin de la Seconde guerre mondiale – et que les indices boursiers occidentaux ont chuté de 30% à 50% en moyenne l’an dernier.
Le second événement est la décision de MySpace, qui appartient au groupe News Corp de Rupert Murdoch, de supprimer 500 emplois, soit une réduction d’un tiers de l’effectif. La raison ? Un contrat publicitaire de 900 millions de dollars sur trois ans avec Google arrive à échéance l’an prochain et il est improbable que le moteur de recherche accepte de le reconduire dans les mêmes conditions. Comme dans le même temps la croissance des revenus publicitaires sur l’Internet ralentit, il faut ajuster sa structure de coût à la baisse. C’est la base de toute gestion saine d’entreprise.
Ceux qui évoquent, pour s’en réjouir, l’éclatement d’une bulle spéculative ou la mort programmée du Web 2.0 devraient se pencher sur l’histoire récente. Une bulle s’est formée à la fin des années 1990 autour des valeurs Internet comme Netscape, AOL, Amazon, eBay, Yahoo ! Les investisseurs ont parié sur ces start-up parce qu’elles généraient une nouvelle activité et, surtout, qu’elles apportaient une nouvelle approche. Bien sûr, nombre d’entre elles ont disparu. Face à l’offensive de Microsoft avec son Internet Explorer installé dans quasiment tous les ordinateurs personnels de la planète, Netscape a été racheté par AOL. Quant à AOL, il a profité d’une valorisation hallucinante pour avaler le vénérable Time Warner. Mais, profitant de l’éclatement de la bulle, les dirigeants de Time Warner ont repris la main et AOL, désormais simple filiale, sera placée en bourse dès que ce sera possible.
Certains ont pu penser que la chute de quelques stars de l’Internet signerait la fin de l’Internet. Pas besoin d’être un grand spécialiste pour constater qu’en dépit de la crise boursière du début des années 2000 nombre de start-up ont grandi et font partie désormais du paysage industriel. Amazon a révolutionné le commerce en ligne avec son site permettant d’acheter des livres, des disques, des logiciels et se lance depuis peu dans le commerce de contenus numérisés. Bien que marginalisé par l’arrivée de Google, Yahoo ! demeure un acteur de poids de la recherche et de la publicité sur l’Internet. eBay demeure une place de marché exceptionnelle que même les entreprises utilisent. Même si les valorisations boursières ont baissé, ces sociétés sont restées et demeurent prospères. Mieux, elles ont permis à la population de s’approprier en un temps record le réseau Internet.
Qu’en est-il du Web 2.0 ? Il s’agit d’un prolongement naturel de l’Internet que l’on pourrait appeler première génération. Jusqu’à une époque récente, les internautes allaient sur des sites pour obtenir des informations et ils pouvaient parfois envoyer un commentaire. Bien sûr, certains pouvaient créer des blogs ou des sites permettant d’échanger des fichiers, musicaux notamment. Mais, grosso modo, on restait dans un modèle pyramidal traditionnel. L’information venait d’en haut. Avec le Web 2.0, c’est la volonté de la base qui compte. D’où le succès de sites comme MySpace, Facebook, YouTube, DailyMotion. Ces sites sont des plateformes et les internautes peuvent se l’approprier comme bon leur semble. Le cas de Twitter est révélateur. Cette plateforme de micro-blogging permet aux opposants iraniens d’informer le monde de ce qui se passe en Iran depuis la dernière élection présidentielle très contestée. Il s’agit d’un outil extraordinaire alors que les journalistes de la presse traditionnelle ont dû mal à entrer en Iran.
Evidemment, on peut se poser la question du modèle économique. Twitter gagnera-t-il un jour de l’argent ? Certainement. Mais sous une forme qu’on ne voit pas encore très bien. Il est probable que cet outil sera racheté par un grand groupe de télécoms ou de l’Internet pour permettre aux abonnés d’échanger de courts messages. Notons que YouTube a été racheté par Google pour offrir aux utilisateurs une plateforme vidéo. Il y a des fonctionnalités qui ne peuvent être rentabilisées que dans le cadre d’une intégration à un système plus vaste. Quant à Facebook et MySpace, forts de leur base d’utilisateurs, il n’y a aucun doute qu’ils trouveront une solution pour générer des recettes, qu’elles soient publicitaires ou autres.
La question des modèles économiques est importante sur l’Internet mais ce qui compte davantage c’est l’intérêt de la fonctionnalité. Si un site apporte une innovation vraiment importante, cette innovation sera rentabilisée d’une manière ou d’une autre. Le Web 2.0 permet à des centaines de millions d’Internautes de s’approprier l’Internet. C’est donc une innovation majeure et il n’y aucune raison qu’elle s’essoufle.