La guerre est déclarée dans les couloirs de l’immeuble de la Banque centrale européenne (BCE).
La guerre est déclarée dans les couloirs de l’immeuble de la Banque centrale européenne (BCE). Le président actuel, Jean-Claude Trichet, dont le mandat s’achève l’année prochaine, vient de lancer une attaque d’une rare violence contre le président de la banque centrale allemande (Bundesbank), Axel Weber, considéré comme le favori à sa succession.
Le tort d’Axel Weber ? Il critique depuis plusieurs mois le programme de rachat d’obligations d’Etat mis en œuvre par la BCE pour aider certains pays fragilisés de la zone euro et défendu par Trichet qui assure qu’il continuera aussi longtemps que nécessaire. Pour l’Allemand, cette stratégie n’est pas seulement risquées mais elle est aussi inefficace.
Trichet a choisi de donner une interview au quotidien italien La Stampa pour remettre les pendules à l’heure : « Il y a une seule monnaie ; il y a un conseil des gouverneurs ; une seule politique monétaire et un président qui est le porte-parole du conseil des gouverneurs ». Pour faire bonne mesure, il souligne que la déclaration de Weber ne reflète pas l’opinion du conseil des gouverneurs, qui a approuvé « à une écrasante majorité » la décision de continuer de racheter les obligations d’Etat.
Si l’on prend les chiffres bruts, Trichet a raison. Mais, selon des habitués de la BCE, Weber est soutenu par ses homologues des Pays-Bas, Nout Wellink, et du Luxembourg, Yves Mersch, sans oublier le chef économiste de la BCE, Jürgen Stark, même si ce dernier se montre publiquement solidaire de Trichet. Soit des représentants de pays attachés au respect de la discipline budgétaire.
On pourrait s’étonner que la question du rachat des obligations d’Etat provoque de tels débats : après avoir racheté 60 milliards d’euros au cours des deux premiers mois du programme, la BCE n’a acheté que pour 9 millions d’euros début octobre et rien lors de sa dernière opération.
Mais tout le monde comprend que ce n’est pas ce qui est vraiment en jeu. Le sujet est l’identité du futur président de la BCE. Weber fait figure de favori pour succéder à Trichet mais il a contre lui le fait de représenter l’Allemagne.
Or, Berlin se montre particulièrement rigide dans la gestion des crises comme on l’a vu depuis le printemps avec la Grèce. Quand on lui demande de participer à un plan d’aide, le gouvernement allemand dit d’abord « Nein » et quand il comprend que ses intérêts sont en jeu (les banques allemandes sont ainsi très exposées sur la Grèce), il accepte mais le prix à payer est beaucoup plus élevé.
Weber a aussi contre lui le fait d’être un monétariste pour qui la seule mission de la BCE doit être la lutte contre l’inflation, comme stipulée dans le Traité de Maastricht. Mais tout le monde voit bien que cela ne suffit plus. Non seulement la zone euro a une croissance économique plus faible que dans les autres grandes zones (Etats-Unis, Chine et même Amérique du Sud) mais elle est aussi devenue la variable d’ajustement de la politique de changes.
L’euro monte contre le dollar, contre le yen, contre la livre sterling et les dirigeants politiques et économiques restent les bras croisés alors que cela induit une perte de compétitivité des produits européens sur les marchés internationaux.
Les critiques de Trichet contre Weber seraient donc plus acceptables s’il proposait des solutions originales pour remettre la zone euro sur les bons rails. Or, les deux hommes ne sont pas si éloignés que cela en matière de politique monétaire.