Etats-Unis : une croissance tirée par le cycle des stocks

par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management

L’indice ISM manufacturier a rebondi pour retrouver ses niveaux du mois d’octobre, grâce au bon comportement des commandes intérieures favorisées par le cycle des stocks. En revanche, l’ISM non-manufacturier reste faible, indiquant une demande intérieure en berne, handicapée par le désendettement marqué du secteur privé, sur un rythme annuel de plus de 15 points de PIB au 3e trimestre.

En fait, après avoir financé la bulle du crédit, les investisseurs privés non-résidents forcent les agents privés américains à se désendetter : ne faisant plus confiance aux Etats-Unis pour continuer à s’endetter, ils se retirent de tous les marchés de dette américains sur un rythme de 2% du PIB par an, après en avoir été acheteurs nets à hauteur de 5% du PIB par an avant la crise. Mais, la réduction de la dette est aussi devenue indispensable. Un nombre significatif de ménages sont en faillite potentielle, ayant un actif inférieur à leur dette : en effet, les encours de crédits hypothécaires représentent les 2/3 de la valorisation actuelle du parc immobilier américain détenu par les ménages, record absolu, contre seulement 40% début 2008.

La consommation devrait alors être faible dans les prochains mois, affectée par la reconstitution du taux d’épargne, par la poursuite des suppressions d’emplois dans le secteur privé, ainsi que par la forte remontée ponctuelle de l’inflation à plus de 3% en raison des prix énergétiques.

Zone euro : l’activité se redresse, mais la reprise est encore loin

La croissance consolide au 4e trimestre, tirée par le cycle des stocks et l’extérieur. Elle devrait cependant s’affaiblir au début de cette année, une fois les effets des mesures exceptionnelles de relance et le rebond technique lié au cycle des stocks dissipés. L’investissement devrait rester déprimé en 2010, en raison des surcapacités et de la contraction toujours prononcée des crédits aux entreprises. De plus, la rentabilité se dégrade sous l’impact de l’accentuation des pressions déflationnistes : en dépit de la hausse des cours des matières premières, les perspectives de prix de vente des industriels se détériorent et l’inflation sous-jacente, à 1% pour l’ensemble de la zone euro, enregistre des baisses très sensibles dans les principaux pays comme la France et l’Allemagne.

Les entreprises vont alors poursuivre les suppressions d’effectifs qui affecteront la consommation. Dès le 4e trimestre, la consommation est mal orientée pour l’ensemble de la zone euro, même si elle augmente fortement en France : l’arrêt de la prime à la casse dès octobre a provoqué une forte correction baissière du marché automobile en Allemagne alors que la perspective de sa réduction au début de cette année a été à l’origine de l’envol des nouvelles immatriculations en France, avant une baisse sensible dès janvier.

La consommation devrait davantage corriger au 1er trimestre sous l’impact de la hausse de l’inflation à 2% à court terme due à l’énergie.

Japon : le retournement de la consommation est proche

La croissance au 3e trimestre a été révisée fortement à la baisse de +1,2% à +0,3%, en raison de la demande intérieure et plus particulièrement des dépenses des entreprises. Les stocks ne gonflent plus la croissance que de 0,1 point au lieu de 0,3 et les dépenses d’investissement ont réduit la croissance de 0,4 point après une estimation précédente de +0,1 point. La dégradation des perspectives d’activité est notable, notamment pour les petites entreprises et le secteur non-manufacturier. Elle annonce probablement un retournement marqué de la consommation, après l’épuisement des mesures budgétaires en sa faveur : les pertes de pouvoir d’achat salarial se sont aggravées, s’élevant sur un an à 4% en novembre au lieu de 3% le mois précédent. Les pressions déflationnistes, toujours aussi vives, devraient même s’intensifier tant par la demande intérieure qu’extérieure.

La dégradation de la compétitivité due à l’appréciation du taux de change effectif du yen, qui a renoué avec ses plus hauts historiques touchés en 1998, pousse les industriels japonais à baisser leurs prix de vente. Dans ces conditions, il n’est alors pas étonnant que le gouvernement japonais veuille adopter une politique de change destinée à rendre le yen faible.