par Frédéric Buzaré, responsable de la gestion actions chez Dexia AM
Bien qu’elle soit réputée défensive la stratégie de gestion des dividendes n’est pas sortie indemne de la crise des marchés des actions. Les craintes entourant les perspectives bénéficiaires des entreprises ont semé le doute et le scepticisme sur l’évolution des dividendes.
Au début de l’année 2009 le marché des swaps de dividendes anticipait ainsi une baisse de près de 50 % des dividendes des actions européennes comme indiqué ci-dessous dans le graphique de gauche. Pourtant il est important de préciser qu’au cours des dernières récessions (comme celles de 1974 ou de 1981), l’ampleur de la baisse fut plutôt de l’ordre de 15 à 20 %. La baisse des dividendes lorsqu’elle survient a tendance à être de surcroît concentrée sur un nombre limité de secteurs (télécommunications en 2002, banques en 2009).
Au cours des derniers mois les anticipations de dividendes se sont normalisées progressivement dans le sillage de la révision à la hausse des estimations de bénéfices. Mais le marché des swaps de dividendes anticipe toujours une baisse des dividendes en 2010 alors que les profits devraient progresser de plus de 20 %. L’effet traumatique le plus frappant de la crise est reflété sur les anticipations à moyen terme comme en atteste ci-dessus le graphique de droite. Sur la période 2010-2018 les dividendes sont attendus stable, ce qui nous paraît bien trop pessimiste.
Autant au début de l’année 2009 les craintes entourant la profitabilité des entreprises pouvaient être plus que fondées, autant anticiper désormais une quasi stagnation des dividendes au cours des prochaines années apparaît très exagéré. Les entreprises ont su traverser cette crise tout en maintenant un niveau élevé de profitabilité et devraient bénéficier d’une reprise économique progressive même si cette dernière doit s’avérer modeste dans un premier temps. De nombreuses entreprises ont fait un travail en profondeur sur les coûts afin d’abaisser leur « point mort » opérationnel et bénéficier ainsi d’un effet de levier significatif. Aussi les anticipations de dividendes devraient continuer de progresser au cours des prochains mois pour revenir en territoire positif pour les dividendes 2010 et retrouver un rythme de croissance plus normal (2-2,5 %) pour ceux à moyen terme.
Perspectives pour 2010
Toutes les conditions nous semblent réunies pour voir la stratégie de gestion des dividendes tirer son épingle du jeu en 2010 en tant que classe d’actifs. En 2009 les investisseurs ont concentré en priorité leur intérêt sur les valeurs cycliques, les valeurs massacrées au détriment du dividende alors que ce dernier est un déterminant essentiel de la performance des actions sur de longues périodes. L’année dernière, la recherche systématique du dividende faisait courir un risque de sous performance relative. Ce risque s’estompe au fur et à mesure que l’attrait des investisseurs pour le beta disparaît et que les conditions économiques se normalisent.
Entre septembre 2003 et fin 2005 le style de gestion « dividende » avait d’ailleurs surperformé. Plus que jamais les investisseurs sont à la recherche de rendements dans un environnement de faible taux d’intérêt et de croissance économique amorphe. Les opportunités sur le marché du crédit ne sont plus aussi évidentes et un bon nombre de titres, notamment dans les télécommunications et les services aux collectivités, offrent un rendement de l’action largement supérieur à celui du crédit. Ainsi le rendement de l’action France Telecom est le double de celui d’une obligation à 5 ans. Cette recherche du rendement ne se fait pas pour autant au détriment du risque. Aujourd’hui, bon nombre de rendements de dividende supérieurs à 5 % dans les secteurs de l’énergie, de la santé ou des télécommunications sont largement assurés par la génération de cash flow et ne s’opèrent pas au détriment de la solidité de la structure financière.
La gestion des dividendes n’est en aucun cas un style d’investissement « miracle » mais conduit à une certaine discipline d’investissement et à se poser de bonnes questions. De plus ce style d’investissement doit être géré de façon dynamique. Nous distinguons plusieurs catégories au sein de la stratégie de gestion des dividendes : les titres à dividende élevé, les titres à forte croissance du dividende, les actions dont le dividende est supérieur au rendement du crédit et enfin les dividendes résurgents, c'est-à-dire les sociétés qui reversent un dividende après l’avoir suspendu ou supprimé. Pour cette année 2010, nous ne nous limiterons pas aux dividendes les plus élevés. Ceux-ci sont paradoxalement souvent les plus risqués car ils ne sont que le reflet d’un doute des investisseurs quant à leur pérennité.
Notre attention va se porter en priorité sur deux types de dividendes. D’une part un fonds de portefeuille constitué par des dividendes de qualité, supérieurs à la moyenne du marché, et d’autre part des sociétés qui ont la capacité de faire croître leur dividende au cours des 3 prochaines années.