par Jean-Christophe Caffet et Cédric Thellier, économistes chez Natixis
Conformément aux attentes, la zone euro enregistre un second trimestre consécutif de croissance négative (-0,2% T/T entre juillet et septembre, performance identique à celle affichée au deuxième trimestre) et entre donc en récession technique. En glissement annuel, l’activité ralentit nettement, passant de 1,4% au T2 à seulement 0,7% au T3.
Si le détail des composantes n’est pas encore disponible, la contraction de la demande est néanmoins probablement imputable à l’investissement, résidentiel et productif, et au commerce extérieur. La consommation devrait quant à elle avoir légèrement rebondi après le recul de 0,2 point enregistré au trimestre précédent.
A l’échelle nationale, l’économie française a surpris à la hausse (cf. ci-après), affichant une croissance positive, tandis que les trois autres grands pays affichent une contraction de leur activité : En Allemagne, le recul du PIB est marqué (-0,5%), fortement pénalisé par le commerce extérieur. En Italie, la récession est également prononcée avec une contraction de -0,5% ce trimestre, probablement expliquée par une nouvelle contraction de la consommation privée et de l’investissement. En Espagne, la progression du PIB a été négative pour la première fois depuis 1995 (-0,2% T/T), avec un fort recul des dépenses des ménages et de l’investissement résidentiel.
Après la nette contraction observée au deuxième trimestre (-0,3% T/T), le PIB a progressé de 0,1% pendant l’été, permettant à l’économie hexagonale d’éviter de justesse la récession (au sens technique du terme). En glissement annuel, la croissance perd toutefois 0,6 pt à 0,6%, un plus bas depuis le deuxième trimestre 2003.
Principal moteur de l’économie française, la consommation des ménages a clairement bénéficié de la baisse des prix du pétrole (-25% pour le baril de Brent libellé en euro entre début juillet et fin septembre). Après un premier semestre de stagnation, les dépenses des ménages ont en effet progressé de 0,2% T/T (0,5% en GA), tirant à elles seules le chiffre de croissance agrégé. Les dépenses de consommation publique ayant également sensiblement augmenté (+0.5% T/T), la demande intérieure a pu contribuer positivement à la croissance pendant l’été (+0.2 pt de PIB) malgré le recul de l’investissement total (-0.3% T/T).
A cet égard, les évolutions récemment observées sont pour la plupart confirmées :
- En ligne avec le cycle immobilier, l’investissement des ménages continue de reculer (-1,6% T/T, -3,7% en GA).
- En ligne avec le cycle électoral (élections municipales de mars 2008), l’investissement public (réalisé aux trois quarts par les collectivités locales) recule pour le deuxième trimestre consécutif (-0.5% T/T, -0,7% en GA)
- En revanche, l’investissement des entreprises non financières a légèrement rebondi (+0,3% T/T, +1,3% en GA), suggérant que l’investissement productif pourrait moins reculer que ce que nous prévoyions précédemment (cf. contreparties au plan de sauvetage bancaire).
Enfin, et de manière plutôt surprenante, le commerce extérieur n’a pas pénalisé la croissance au troisième trimestre. Alors que les chiffres publiés mensuellement par les douanes françaises suggéraient (au mieux) une stabilisation des exportations, celles-ci ont progressé de près de 1,9% pendant l’été. Les importations sont en revanche ressorties en ligne avec nos prévisions (+1,9% T/T).
Quel scenario pour les trimestres à venir dans la zone euro ?
La récession devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, avec un nouveau recul de l’activité attendu au quatrième trimestre (probablement -0,1% T/T). La chute des permis de construire et des marchés boursiers suggère que la contraction de l’investissement productif et résidentiel se poursuivra. La forte désinflation à venir, liée au repli des prix des matières premières, devrait soutenir la consommation des ménages, même si la détérioration progressive du marché du travail et la probable remontée du taux d’épargne dans un contexte de crise du crédit limiteront ce soutien.
Parallèlement, l’évolution du commerce mondial fait peser un fort risque baissier sur notre prévision de croissance globale en T4, actuellement de -0,1% T/T. Au total, la progression du PIB en zone euro devrait se limiter à 1,1% cette année et probablement proche de 0,2% en 2009.
Dans ce contexte, la BCE assouplira encore sa politique monétaire, avec une nouvelle baisse de 50 pb dès la prochaine réunion le 4 décembre. A cette occasion, elle révisera fortement ses prévisions de croissance pour l’an prochain et révèlera également ses premières vues pour 2010, avec sans doute une réaccélération de l’activité et de l’inflation : une information décisive pour envisager le point bas du taux refi que nous voyons pour l’instant à 2,50% au mois de mars 2009, avec une probabilité non négligeable pour un assouplissement plus marqué.
Néanmoins, nous ne souscrivons pas au scénario déflationniste que semblent intégrer les marchés à l’heure actuelle.