Italie : l’écart de compétitivité persiste

par Bénédicte Kukla, économiste au Crédit Agricole

Du fait d’un contexte économique défavorable, la demande domestique reste très faible en Italie (-3,5% en 2009, +0,2% estimé pour 2010). Par conséquent, la croissance de l’économie transalpine va dépendre fortement de la reprise de la demande extérieure. Toutefois, pour bénéficier pleinement de la reprise de la demande mondiale, l’économie italienne doit déjà faire face à ses problèmes de compétitivité.

Le niveau élevé des coûts salariaux unitaires (CSU) en Italie relativement aux autres pays de la zone euro soulève de nombreuses interrogations sur la compétitivité internationale des produits italiens. D’autant que depuis plus de dix ans, avec l’entrée des grands pays émergents exportateurs tel que la Chine, l’Italie a perdu des parts de marché.

Les exportations italiennes ont progressé en volume sur des rythmes plus faibles que celles des autres grands pays exportateurs européens, tels que l’Allemagne et la France. En revanche, les prix des exportations italiennes ont augmenté plus vite qu’ailleurs, ce qui fait que la valeur unitaire des exportations est restée relativement favorable pour l’Italie. Ce phénomène prix versus volume des exportations italiennes peut s’interpréter de différentes façons. Outre l’augmentation des coûts de production, la hausse des prix des exportations peut être synonyme d’une amélioration de la qualité des biens exportés ou de la qualité de la marque « made in Italy ». Cela peut également provenir d’une volonté des entreprises italiennes d’améliorer leur compétitivité hors prix en restructurant leur production vers des produits plus haut de gamme, avec une valeur ajoutée plus élevée.

Le bon positionnement de la valeur des exportations italiennes relève-t-il donc d’un choix stratégique des entreprises italiennes ? Le choix étant de restructurer la valeur de leurs exportations en se positionnant sur le haut de gamme. Ou met-il en exergue la faiblesse de la compétitivité-coût des exportations italiennes ?

La hausse de la valeur des exportations italienne, un choix stratégique ?

Plusieurs facteurs, bien que difficilement mesurables, peuvent indiquer si la bonne performance de la valeur des exportations est liée à une amélioration de la compétitivité hors prix :

  • Une montée en gamme des produits exportés avec notamment une teneur plus importante en valeur ajoutée locale et en technologie.
  • Le développement des exportations des services (les prix des services augmentant plus rapidement que les biens).
  • La hausse de l’investissement direct étranger (IDE) vers l’Italie (l’IDE augmentant la capacité des entreprises à produire et donc à exporter). L’IDE est également une importante source de technologie et de savoir-faire.

La performance de l’Italie dans ces trois catégories n’est pas très concluante. La spécialisation technologique de l’Italie n’est pas encore avérée1. Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, l’Italie a augmenté ses exportations de produits manufacturés de haute technologie de 3 points de pourcentage (contre 4 points d’amélioration en moyenne sur la période pour l’UE15). Les produits de hautes technologies constituent 9% du total des exportations manufacturées contre 15% pour l’UE15, et 16% en France. Les exportations des services italiennes n’ont pas spécialement bien performé même dans le secteur clé du tourisme. Sur la même période, l’Italie n’a pas attiré énormément d’investissement étranger.

Au total, la montée en gamme des exportations réduit progressivement l'écart de compétitivité de l’Italie par rapport aux autres grands pays exportateurs européens, sans toutefois l’annuler.

Plus d’emplois et mieux d’emplois

Des réformes importantes sur le marché des biens et sur le marché du travail en Italie ont permis de gagner en flexibilité, ce qui laisse penser que des gains de productivité ont pu être ainsi réalisés. Cependant, faire des calculs de productivité (volume de production par unité de travail ou de capital) est difficile dans le cas de l’Italie dans la mesure où le secteur informel, qui échappe aux statistiques, contribue parfois de manière importante à l’activité productive. Mais dans tous les cas, les coûts salariaux unitaires ont tendance à croître plus vite que la moyenne de la zone euro, ce qui n’est pas bon pour la compétitivité du pays.

Par ailleurs, le tissu industriel italien est principalement constitué de petites et moyennes entreprises qui n’ont pas toujours la taille critique pour pouvoir exporter et ne bénéficient pas suffisamment d’économies d’échelle. Les budgets alloués en R&D qui permettent d’innover restent comparativement faibles (0,6% du PIB pour les entreprises italiennes en 2008, 1,8% pour les entreprises allemandes, et 1,4% pour les entreprises françaises)2. Ce maillage de PME-PMI, quoique ayant comme atout la flexibilité, n’est pas toujours propice à une bonne diffusion de l’innovation, un élément pourtant catalyseur de gains de productivité.

Il est possible de produire plus en favorisant la productivité (croissance intensive) mais également en développant l’emploi (croissance extensive). Or le taux de participation dans le marché du travail est structurellement bas en Italie par rapport au reste de la zone euro (59% de la population active a un emploi en Italie contre 67% en moyenne dans l’EU). Seule la catégorie des hommes entre 25 et 54 ans est comparable à la moyenne de la zone euro. Les efforts doivent se concentrer ainsi sur les populations, féminine ou plus âgées, qui ne participent pas assez (ou de manière peu visible) à l’activité productive. Il est vrai que les régimes fiscaux et de prestations sociales, sans compter les facteurs socio-culturels, sont peu incitatifs même si des réformes comme celles des retraites devraient progressivement favoriser l’emploi des séniors.

Par ailleurs, pendant la crise, le gouvernement italien a mis en place un système de complément salarial (CIG) au profit des salariés à temps partiel pour préserver l’emploi et donc le capital humain. Ce programme qui a joué un rôle d’amortisseur indispensable fait craindre que la nécessaire réallocation de la main-d'oeuvre vers les secteurs les plus productifs ne prenne du retard et, de ce fait, continue d’hypothéquer la future compétitivité internationale de l'Italie.

Moins bien que la moyenne, mais mieux que ses voisins du Sud

A court terme, la reprise économique chez les principaux partenaires commerciaux de l’Italie (i.e. les pays de la zone euro) devrait permettre un redressement des exportations, mais le rythme de cette reprise devrait continuer de souffrir du manque de compétitivité évoqué ci-dessus. De plus, le retard d’ajustement du marché du travail risque de peser.

L’emploi ne s’est en effet pas autant ajusté que ne le suggère le fort recul de l’activité (-1,4 % en moyenne durant les trois premiers trimestres de 2009, contre -5,1 % pour le PIB en 2009). Il ne s’agit pas dans ce cas d’un phénomène singulier puisque une tendance similaire est observée un peu partout en Europe et devrait donc surtout pénaliser la compétitivité du pays hors zone-euro.

Cependant, contrairement à ses voisins du Sud de l’Europe, l’Italie peut se targuer d’avoir une vraie base manufacturière avec une vraie image de marque « made in Italy », notamment dans le secteur du textile et de l’habillement. La progressive montée en gamme et la réorientation des exportations vers des marché dynamiques (notamment l’Asie et l’Europe de l’Est) devraient permettre à terme de stimuler le commerce extérieur.

Ainsi, si les perspectives de croissance restent morose (0,4% en 2010 et 0,7% en 2011, contre 0,9% et 1,2% respectivement pour l’ensemble de la zone euro) sur fond de montée du chômage et de faiblesse de la demande domestique, l’Italie devrait faire mieux que la plupart de ses voisins du Sud de l’Europe aux prises avec des ajustements structurels plus récents mais aussi plus brutaux.

NOTES

  1. Pour en savoir plus sur la compétitivité et la productivité en Italie, voir IMF country report No. 09/45, février 2009.
  2. Pour en savoir plus sur le rôle des PME dans le R&D en Italie, voir OECD : Economic Surveys : Italy, Supporting Regulatory Reform, juillet 2009.

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