par Raymond Van Der Putten, Senior Economist chez BNP Paribas
Les élections législatives allemandes ont été remportées de justesse par le SPD (sociaux-démocrates) dirigé par le ministre des Finances, M. Olaf Scholz. Selon les résultats préliminaires, le parti a obtenu 25,7% des voix. L’union de la CDU/CSU (démocrates-chrétiens) conduite par M. Armin Laschet, le Premier ministre de Rhénanie-Westphalie, a terminé deuxième avec 24,1 % des voix. Ce sont les pires résultats du parti depuis l’après-guerre. En revanche, le parti des Verts s’en est plutôt bien sorti en doublant quasiment son score par rapport aux élections générales de 2017pour atteindre 14,7% des suffrages, devenant ainsi la troisième force politique du pays. La prochaine étape est la formation d’une coalition qui devra obtenir le soutien de plus de 50% des délégués au Bundestag. Le SPD et la CDU/CSU ont tous deux indiqué qu’ils étaient disposés à former un nouveau gouvernement.
En tant que chef de la plus grande formation au sein du Bundestag, M. Scholz devra d’abord déterminer s’il est en mesure de former une coalition majoritaire. Une grande coalition entre le SPD et la CDU/CSU étant exclue, il devrait se tourner vers les Verts et le FDP (libéraux) pour entamer les négociations. Les programmes des Verts et du SPD sont très proches. M. Scholz pourrait avoir plus de mal à convaincre le FDP, lequel a exprimé sa préférence pour les partis de l’Union. Pourtant, le FDP sait très bien que former une coalition avec l’Union et les Verts sera difficile. En 2017, des pourparlers similaires ont échoué.
Les négociations entre le SPD, les Verts et le FDP risquent d’être longues et difficiles. M. Scholz doit non seulement convaincre ses partenaires de coalition, mais aussi son propre parti, au sein duquel il est considéré comme conservateur. En 2019, le couple Walter Borjans-Saskia Esken, jugé comme étant le plus à gauche, a battu M. Scholz et sa partenaire Klara Geywitz dans la course à la double direction du SPD.
Si M. Scholz parvient à former une coalition, l’accent de sa politique sera probablement mis sur la transition énergétique. Les graves inondations dans l’ouest du pays cet été ont, une fois de plus, souligné l’importance d’investir davantage dans la prévention des inondations et la réduction mondiale des émissions de CO2.
Le SPD est susceptible d’assouplir les réformes du marché du travail. Il a déjà annoncé sa volonté d’augmenter le salaire minimum à 12 euros de l’heure (contre 10,45 euros actuellement). Par ailleurs, le parti pourrait souhaiter ralentir le relèvement de l’âge de la retraite, qui devrait atteindre 67 ans d’ici 2029.
Le nouveau Bundestag décidera du budget pour 2022. Alors que la crise de la Covid-19 s’atténue et que le soutien à l’économie est progressivement réduit, la discussion sur le rétablissement de la discipline budgétaire est susceptible de revenir au premier plan. Le gouvernement sortant, dans lequel M. Scholz était ministre des Finances, prévoyait de respecter à nouveau le frein à l’endettement dès 2023, comme le prévoit la constitution du pays. M. Scholz a certainement retenu la leçon de la crise de la Covid-19 : grâce à un budget sain, le gouvernement fédéral a pu soutenir généreusement l’économie dans la crise, sans détérioration dramatique des comptes publics.
Au niveau européen, les politiques de la nouvelle coalition ne seront pas très différentes de celles instaurées par la précédente. Chaque chancelier allemand agira en premier lieu pour ce qu’il considère être dans l’intérêt du pays. L’Allemagne devrait défendre un retour aux règles budgétaires européennes pour inspirer confiance dans l’euro. Le soutien aux autres pays ne peut être accordé qu’à condition de mettre en œuvre des réformes structurelles.