par François-Xavier Chauchat, Membre du Comité d’Investissement, responsable du cadrage macroéconomique et de l’allocation d’actifs chez Dorval AM
Pour l’économie mondiale, le rééquilibrage de l’offre et de la demande sera la grande affaire des trimestres à venir. Ce rééquilibrage prendra du temps. Pour le moment, le déséquilibre fait monter les prix et limite la croissance, essentiellement dans l’industrie. A une tension sur l’appareil productif typique des sorties de crise (comme en 2010/11), s’ajoutent des caractéristiques inédites. La première provient des politiques du « quoi qu’il en coûte », qui a produit un dynamisme exceptionnel de la demande en sortie de confinement. La deuxième tient à des pénuries de toutes sortes, dont le manque de semi-conducteurs, des déficits de main d’œuvre, et surtout l’insuffisance des stocks de matières premières énergétiques (gaz naturel en Europe, charbon en Chine, etc.). La troisième est liée à la transition énergétique en cours, qui est peut-être en partie responsable de la volatilité des prix, ce qui interroge sur sa gestion et sur son impact économique à moyen terme.
Malgré ces problèmes, il ne faut pas exagérer les risques pour la croissance mondiale. La maîtrise du variant Delta va contribuer à remettre de l’ordre dans les chaînes de production, en particulier en Asie. Et surtout, elle va accélérer la reprise du tourisme, des loisirs et des transports, secteurs à forte intensité d’emploi. De plus, des contre-mesures ont été mises en place pour limiter les effets de la crise de l’énergie : protection du pouvoir d’achat des ménages en Europe, réimportation de charbon australien en Chine, etc. Enfin, la transition énergétique stimule l’investissement public et privé, ce qui devrait plus que compenser ses effets négatifs.
Face aux hausses de prix, les grandes banques centrales maintiennent logiquement que la politique monétaire n’a pas à répondre à un choc d’offre. La Réserve fédérale a cependant déjà annoncé qu’elle allait bientôt ralentir ses achats d’actifs. L’amélioration du marché du travail est la raison majeure pour cet ajustement, mais les investisseurs se demandent si le contexte tendu des prix ne joue pas aussi un rôle. Il existe donc un léger doute sur la fonction de réaction de la Fed, ce qui rend les investisseurs parfois un peu nerveux.
Sur des marchés qui ont déjà largement anticipé la reprise mondiale depuis le début de l’année et où les anticipations de taux d’intérêt remontent, ces incertitudes – auxquelles s’ajoutent les problèmes de l’immobilier chinois – pèsent logiquement. Le positionnement des investisseurs a cependant beaucoup changé depuis quelques semaines, ceux-ci devenant plus prudents, ce qui devrait diminuer l’impact des éventuelles mauvaises nouvelles. De plus, les PER des actions ont nettement rebaissé depuis le début de l’été, avec des PER 2022 proches de 15 en Europe, par exemple. Enfin, la prime de risque des actions par rapport aux obligations resterait attractive même si les taux remontaient significativement. Avec une économie mondiale qui reste dynamique, notre scénario central demeure donc modérément positif pour les marchés des actions.