par Michel Martinez, stratégiste chez Amundi Asset Management
La baisse rapide de l’euro observée depuis le début de la crise grecque tombe à point nommé. Elle devrait permettre de compenser les effets négatifs du durcissement des politiques budgétaires pour la zone euro prise dans son ensemble. Cependant, tous les pays de la zone euro ne sont pas égaux devant cette baisse. En particulier, la baisse de l’euro ne résoudra pas les déséquilibres des balances courantes des pays d’Europe du Sud. Ces pays devront réaliser d’importantes réformes structurelles pour gagner en compétitivité.
L’euro à 1.20 compense le durcissement budgétaire
Depuis octobre dernier, l’euro est passé de 1.5$ à 1.23$ (-20%). En termes de taux de change effectif (vis-à-vis de l’ensemble des partenaires commerciaux), la baisse de la monnaie unique est moindre mais elle est significative (-12%). Malgré cette baisse rapide, l’euro est désormais proche de sa moyenne historique (depuis 1993) en taux de change effectif réel. De même, la plupart des modèles économétriques suggèrent que la parité euro-dollar se situe autour de 1.20, niveau qui constitue notre cible à 6 mois. Dans notre scénario, l’euro perdrait donc près de 10% de sa valeur en 2010 par rapport à 2009.
Cette baisse de l’euro apporte une bouffée d’oxygène au moment où les pays de la zone euro sont contraints les uns après les autres à pratiquer des politiques d’austérité. Selon nos estimations, le durcissement des politiques budgétaires représentera un peu plus de 1 pp de PIB en 2010 et 2011 pour l’ensemble de la zone euro et devrait retrancher entre 0.5 et 0.75 pp de croissance. Nos calculs montrent qu’une baisse de 10% du taux de change de l’euro compensera intégralement l’effet sur la croissance de ces politiques budgétaires restrictives. Selon les modèles macro-économétriques (OCDE, Nigem, BCE…), toutes choses égales par ailleurs, le PIB augmente de 0.7 pp de PIB pendant 2 ans et l’inflation augmente de 0.7% à 1%.
Certains pays sont plus égaux que d’autres
Les pays de la zone euro ne bénéficient pas également de la baisse de l’euro. En effet, les échanges avec les autres pays de la zone constituent une part importante de l’ensemble des exportations. Et un pays (imaginaire) qui exporterait uniquement vers la zone euro ne profiterait quasiment pas de la baisse de l’euro. A titre indicatif, les exportations de l’Allemagne vers la zone euro représentent 42% du total de ses exportations.
L’ordre de grandeur est comparable pour la Grèce, l’Irlande, l’Irlande et l’Italie. Mais ce poids atteint 60% en Espagne et au Portugal ! Par ailleurs, les balances commerciales donnent une meilleure image du degré de dépendance vis-à-vis de la zone euro (voir graphique). En 2009, le déficit courant grec représentait 10% du PIB, dont les 2/3 vis-à-vis de la zone euro. Les trois quarts du déficit courant portugais porte sur la zone euro. L’ensemble de ces éléments suggère que les principaux gagnants de la baisse de l’euro seront l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande ou la France. Mais les pays d’Europe du Sud (Portugal, Grèce ou Espagne) en tireront peu de bénéfices.
Résoudre les problèmes de compétitivité interne
Les déficits extérieurs des pays d’Europe du Sud (Grèce, Portugal, Espagne) résultent avant tout d’un excès d’endettement interne, privé et ou public. Ces dernières années, ces pays ont dépensé plus que ce qu’ils recevaient du reste du monde. Ce n’est pas un mal en soi lorsque des déficits extérieurs ont pour contrepartie des investissements productifs qui viennent renforcer la productivité future. Mais dans le cas présent, les déficits courants ont surtout alimenté des dépenses de fonctionnement ou des achats immobiliers. Pour ces pays, l’enjeu sera de rétablir l’équilibre entre l’investissement et l’épargne. A moyen terme, cela signifie une moindre croissance du crédit et de moindres dépenses immobilières.
Nous avons vu qu’une partie significative de ces déséquilibres était interne à la zone euro : ils traduisent un manque de compétitivité relatif des pays d’Europe du Sud (et de l’Irlande) par rapport au reste de la zone euro et en particulier l’Allemagne que la baisse de l’euro ne résoudra pas. Selon la BCE, depuis la création de l’euro, la compétitivité-prix s’est écartée de 20% pour l’Irlande par rapport à l’Allemagne, de 15% pour la Grèce et l’Espagne et de 8% pour le Portugal (4% pour la France).
Pour résorber ces déficits internes à la zone euro, ces pays n’auront d’autre choix que d’inverser cette tendance. Cela passe par une grande flexibilité des salaires et des prix et d’importants gains de productivité. Les gouvernements devront entreprendre des réformes d’envergure pour déréguler les marchés du travail et certains marchés des biens et des services. A court terme, ces évolutions pèseront inévitablement sur la croissance, mais elles n’en sont pas moins indispensables.