par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez Amplegest
A mesure que les dernières statistiques confirment la résilience de l’activité américaine et que l’inflation reste au-dessus des objectifs de la Réserve Fédérale, les perspectives de baisses des taux d’intérêt sont repoussées dans le temps. Certains évoquent même aujourd’hui l’absence d’assouplissement monétaire en 2024. Nous ne partageons pas ce pronostic même si nous n’attendons plus que 2 ou tout au plus 3 baisses de taux au second semestre. La situation européenne est différente tant sur le plan de la croissance que sur celui des prix. D’où une question légitime sur une possible décorrélation des politiques monétaires des deux côtés de l’Atlantique.
La croissance américaine du premier trimestre 2024 s’affiche à +1,6% ce qui pourrait laisser croire à un début de ralentissement. Mais ce chiffre est en trompe l’œil car il intègre un effet stocks de -0,4% et un effet commerce extérieur de -0,9%. La croissance interne du pays est encore vigoureuse, particulièrement dans les services, alors que la consommation de biens n’a pas contribué. Le marché de l’emploi ne donne aucun signe de faiblesse à ce stade. Nous estimons toutefois que l’effet retardé de la hausse des taux va finir par peser sur l’activité et que l’économie américaine va perdre de sa superbe au cours des prochains mois.
Ce ralentissement attendu est nécessaire pour contrer des pressions inflationnistes toujours persistantes. Nous avons même constaté un léger rebond sur les dernières statistiques de prix. La remontée actuelle du pétrole pourrait contribuer défavorablement à court terme aux chiffres d’inflation. Mais c’est surtout la variable salaires que surveille la Réserve Fédérale. Ils se maintiennent autour de +4% et ne donnent pas de signes récents d’accélération. Les prix de l’immobilier et des loyers sont également à surveiller, car forts contributeurs de l’indice général d’inflation. La pénurie de logements ne plaide pas pour une décrue prochaine.
Face à ce constat d’une économie résiliente et d’une inflation résistante la Réserve Fédérale modifie son tempo. La baisse des taux envisagée en juin semble désormais exclue. Si notre scénario de ralentissement progressif se matérialise un premier assouplissement monétaire devrait intervenir à l’automne, suivi d’un ou deux autres d’ici à la fin de l’année. La Banque Centrale restera pragmatique mais n’oubliera pas les effets collatéraux récents sur les banques régionales.
La situation européenne n’est pas comparable avec une croissance atone, même si elle donne des signes de frémissement, et une inflation assez proche des 2% souhaités. La Banque Centrale Européenne a donc plus de latitude pour débuter son cycle d’assouplissement monétaire. Nous attendons une première baisse des taux en juin. Ce début de décorrélation des politiques monétaires doit toutefois être relativisé et ne sera pas durable dans le temps. Nous croyons davantage à un mouvement progressif et lent de baisses des taux avec un léger décalage en faveur de l’Europe.
Du côté de la Chine on remarque un rebond récent de l’activité, autour de +6%. Tout indique que la Chine est entrain d’accélérer progressivement. L’inflation chinoise est toujours très faible ce qui laisse toute latitude aux autorités monétaires et budgétaires pour accompagner et entretenir cette croissance économique.
Nous restons toujours investis pleinement en actions dans nos portefeuilles dynamiques et neutres dans nos portefeuilles équilibrés et modérés. La séquence actuelle de publication des résultats des sociétés pour le premier trimestre apporte un peu de volatilité aux portefeuilles mais se révèle à ce stade plutôt favorable.