par Bastien Drut, Responsable de la stratégie et des études économiques chez CPR AM
Pour la Fed, il va désormais être question de retoucher progressivement le narratif sur le marché du travail car le taux de chômage se trouve désormais au-dessus de sa prévision de fin d’année 2024. Ce rapport commence à se rapprocher de « l’affaiblissement inattendu du marché du travail » que Jerome Powell avait mentionné comme une raison possible d’accélération du calendrier de baisses de taux.
L’enquête auprès des entreprises est décevante
- Le rapport indique 206 000 créations d’emplois non-agricoles en juin mais des révisions à la baisse des chiffres d’avril et mai de respectivement 57 000 et 54 000. Ce ne sont donc que 125 000 emplois supplémentaires décomptés dans ce rapport.
- Sur les 12 mois qui ont précédé juin 2024, la dernière estimation disponible des créations d’emplois est inférieure dans 9 cas à la première estimation.
- Pris en non désaisonnalisé, le rapport indique 547 000 créations d’emplois, ce qui en fait le plus mauvais mois de juin depuis 2015.
- Le nombre agrégé d’heures travaillées ne progresse que de 0,1% sur le mois. Sur les 3 derniers mois, il ne progresse que de 0,3% en annualisé : c’est faible !
- Le nombre d’emplois dans l’intérim continue sa nette tendance à la contraction, ce qui montre bien que la demande de travail s’essouffle.
- Au niveau sectoriel, on notera que 40% des emplois créés en juin proviennent du secteur « services à la santé et à l’éducation ». Une dynamique forte est à l’œuvre dans le secteur de la santé et des centres de santé en particulier. Cela indique aussi qu’à l’exception de ce secteur, les créations d’emplois sont très faibles.
- En ce qui concerne les salaires, la progression du salaire horaire moyen est de 0,3% sur le mois de juin. En variation 3 mois annualisée, la progression est de 3,6%. Pour les non-cadres, la variation 3 mois annualisée est de 3,5%. Au-delà du bruit des publications successives, la tendance est très clairement à la décélération pour les salaires. Le salaire hebdomadaire moyen ne progresse que de 2,4% en variation 3 mois annualisée, l’un des chiffres les plus faibles post-covid.
L’enquête auprès des ménages est mauvaise sans être catastrophique
- Le nombre de personnes se disant employées augmente de 116 000 en juin. Il n’y a donc pas de très gros écart avec l’enquête auprès des entreprises ce mois-ci. Mais sur les 12 derniers mois, l’écart entre les créations d’emplois et l’augmentation du nombre de personnes disant travailler est de 2,4 millions : cela n’a pas de sens économique.
- Le nombre de chômeurs augmente de 162 000 en juin, ce qui est significatif. Le taux de chômage remonte à 4,1% en juin, au plus haut depuis novembre 2021 et se trouve désormais au-dessus de la prévision de fin d’année 2024 réalisée par les membres du FOMC (4%).
- Le nombre de personnes se disant employées à temps plein baisse pour le 2ème mois consécutif.
Ce rapport sur l’emploi est une nouvelle fois décevant et médiocre, sans toutefois être catastrophique. Il confirme qu’au-delà des publications successives, la tendance des salaires est très clairement à la décélération et que le chômage est sur une tendance haussière. Pour la Fed, il va désormais être question de retoucher progressivement le narratif sur le marché du travail car le taux de chômage se trouve désormais au-dessus de sa prévision de fin d’année 2024. Ce rapport commence à se rapprocher à « l’affaiblissement inattendu du marché du travail » que Jerome Powell avait mentionné comme une raison possible d’accélération du calendrier de baisses de taux.