par Benjamin Melman, Directeur des investissements d’Edmond de Rothschild AM
Il n’y aura pas de crise économico-financière en France dans les mois à venir ni de solutions aux problèmes posés par les finances publiques. Aucun des trois blocs n’a de majorité et aucun des deux blocs dont le programme économique inquiétait les investisseurs ne sera en mesure d’attirer d’autres sensibilités pour former une coalition majoritaire. Au mieux, une partie de la gauche pourrait rejoindre le bloc central mais ça serait sa partie modérée et elle serait minoritaire au sein d’une telle alliance. Mais à supposer qu’une grande coalition se forme, il lui sera très difficile de conduire la politique d’austérité nécessaire à ce que la France respecte ses engagements auprès de Bruxelles, et implicitement auprès des agences de ratings. Donc, que la France ait un gouvernement issu d’une grande coalition ou qu’il soit technocratique, il n’y aura pas de majorité pour réduire comme attendu les déficits publics et il n’y aura pas de stabilité politique pour durer. Il faudrait une alliance de plusieurs partis pour gouverner et plus ils sont nombreux, plus l‘alliance est fragile. Enfin, il n’y a aucun parti fondamentalement gagnant à cette élection et chaque bloc était ou va rentrer en phase de recomposition et de redéfinition. La vie politique française est ainsi assise sur des plaques tectoniques elles-mêmes porteuses d’instabilité. La probabilité d’une nouvelle dissolution dans un an semble considérable.
En attendant, la France n’augmentera probablement pas ses déficits publics mais ne les réduira pas non plus. Le pays est à risque de downgrade d’un à deux crans. En effet, l’état des finances publiques pointe davantage un A comme en Espagne qu’un AA- comme aujourd’hui. La France bénéficiait d’un goodwill lié aux réformes structurelles du Président Macron ainsi qu’à la grande stabilité politique du pays, deux facteurs à mettre désormais entre parenthèses. En termes de marchés, le risque est au pire selon nous à l’écartement de l’ordre d’une quinzaine de points de base du spread OAT-Bund, un mouvement plutôt négatif qui n’est pas un game changer non plus.
La France rentre donc dans une phase insatisfaisante, incertaine mais loin d’être critique. Mais plus cette phase sera longue, plus elle risque de devenir critique. En attendant, nous ne modifions pas notre allocation d’actifs, restant neutres sur les actions européennes juste après avoir annulé notre surpondération peu après la dissolution. L’attention se concentre désormais sur les élections américaines qui seront un facteur de volatilité important. Il sera temps de reprendre la mesure du risque français…dans un peu moins d’un an !