par Eric Bertrand, Directeur Général Délégué, Directeur des gestions chez OFI Invest AM
Si Vladimir Poutine, par l’invasion de l’Ukraine en février 2022, avait sorti l’Europe de son confort sécuritaire, c’est bien Donald Trump qui provoque un sursaut européen d’une ampleur inégalée depuis 2012. En effet, coup sur coup, Ursula Von der Leyen annonce un plan de 800 milliards d’euros au niveau européen pour la défense, et surtout, l’Allemagne – en amont de la formation de son nouveau gouvernement CDU/SPD – annonce un plan de 500 milliards d’euros sur 10 ans pour ses infrastructures, et en outre des investissements en défense en s’affranchissant de la limite constitutionnelle de 0,35 %(2) avec les votes de l’ancien parlement ! L’ampleur et la vitesse de la réaction européenne au nouveau positionnement géopolitique des États-Unis, qui passent d’allié à partenaire commercial, apportent une bouffée d’oxygène dans une zone qui semble vouloir prendre son destin en main.
La réaction des marchés européens a été significative, et probablement excessive dans un premier temps. Les taux d’intérêt long terme allemands ont bondi de 40 points de base et, dans le même temps, un panier constitué de valeurs de la défense qui progresse de 65 % depuis le début de l’année. La volatilité continuera d’être importante et les incertitudes élevées dans les semaines à venir alors que les droits de douane entre l’Europe et les États-Unis n’ont pas encore été renégociés. Mais cette nouvelle donne nous conduit à renforcer les actions européennes à moyen terme, en profitant de tout trou d’air pour se repositionner compte tenu du chemin déjà parcouru.
Du côté des Banques Centrales, la visibilité de la Réserve fédérale américaine (Fed) reste faible et, si nous continuons à penser qu’elle baissera autour de deux fois ses taux directeurs cette année, elle ne devrait pas agir à court terme. Toutefois, certains indicateurs de confiance et de consommation marquent le pas, faisant peser un risque sur le volet de la croissance. Le taux 10 ans américain l’a bien anticipé avec une baisse de 25 points de base sur le mois de février. Le risque nous semble se transférer d’une Fed assouplissant moins sa politique monétaire sous l’effet de craintes sur l’inflation vers une Fed devant agir plus pour soutenir sa croissance.
Du côté européen, la Banque Centrale Européenne (BCE) a baissé ses taux directeurs de 0,25 % comme attendu et devrait continuer d’assouplir sa politique monétaire dans les prochains mois. Toutefois, les différentes annonces devraient alimenter sa réflexion, en particulier sur la poursuite du « Quantitive Tightenning »(3). Les taux longs allemands, et par ricochet européens, devraient évoluer dans une fourchette plus élevée qu’auparavant avec la hausse de la prime de terme. Nous pensons cependant qu’à court terme la tension observée constitue un point d’entrée tactique et renforçons ainsi les taux euro.
NOTES
(1) Rendre à l’Europe sa grandeur.
(2) En Allemagne, cette règle limite les nouveaux emprunts de l’État fédéral à 0,35 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’année.
(3) Le « Quantitative Tightening » de la BCE est une politique monétaire visant à réduire la liquidité en circulation en diminuant les réinvestissements des actifs arrivant à maturité.