Une trêve estivale sous haute tension

par Laurent Gonon, CIO et Warin Buntrock, Deputy CIO des gestions chez BFT Investment Managers

Après une réaction de sidération déclenchée par la déclaration de guerre commerciale de l’administration américaine début avril, les indices boursiers ont rapidement regagné le terrain perdu. Depuis plusieurs mois, les investisseurs sont soumis à un stress continu. Presque chaque semaine, une nouvelle admonestation en provenance de Washington ou de nouvelles tensions géopolitiques comme le bombardement des installations nucléaires iraniennes, viennent s’ajouter à la longue liste des nouvelles potentiellement dévastatrices pour l’économie mondiale. Pour autant, les investisseurs gardent leur sang-froid et cherchent plutôt des points d’entrée pour se repositionner à bon compte ou renforcer leurs expositions actions. Depuis le 2 avril, qualifié « jour de libération » par le nouveau président américain, l’indice MSCI World en USD a rebondi en effet de 11,2% (au 9/7/2025). Est-ce que les marchés sont devenus complaisants ? Quelles peuvent être les raisons de ce sang-froid des marchés ?

L’impact économique des tarifs douaniers est limité pour le moment

Alors que le 9 juillet, jour à partir duquel la suspension des droits de douane devait prendre fin, est passé, le flou sur la politique commerciale américaine et le niveau définitif des tarifs douaniers qui seront appliqués à partir du 1er août reste entier. Alors que les économistes sont divisés sur l’impact final des tarifs douaniers sur la croissance et l’inflation, les marchés estiment que le scénario le plus probable sera que le niveau final des droits de douane s’affaisse à un niveau acceptable pour ne pas perturber outre mesure l’activité.

Pour la zone euro, l’impact semble plus modéré qu’outre-Atlantique. Le consensus estime que chaque hausse de 10 % des droits de douane amputera la croissance de 0,4 points de pourcentage. Les effets de second tour sont très difficiles à évaluer.

La résistance de l’économie américaine surprend jusqu’à présent. Les données « dures » sortent quasiment toutes meilleures qu’attendues, alors que les enquêtes pointent une dégradation de la confiance des ménages et des entreprises. Le stimulus fiscal de la « Big Beautiful Bill » fraîchement votée pourra éventuellement compenser au moins partiellement l’impact négatif sur l’activité des droits de douane. L’inflation surprend également. Malgré un niveau de droits de douane effectivement appliqué de 16 % (source Yale Lab), la dynamique des prix ne s’emballe pas. 

Détente des conditions financières grâce à la baisse des taux des banques centrales

De nombreuses banques centrales et notamment la BCE ont baissé leurs taux directeurs sur un rythme rapide.

Une exception notable est la Réserve fédérale qui a suspendu ses baisses de taux depuis le début de l’année pour s’assurer, malgré les fortes pressions de l’administration américaine, que la guerre commerciale ne fasse pas déraper les prix aux Etats-Unis. Les marchés continuent pourtant d’anticiper la reprise du cycle de détente monétaire, notamment en 2026. Le taux effectif des Fed funds, actuellement à 4,33% devrait baisser d’ici l’automne 2026 à 3,25%.

Un risque de surréaction en été à cause de l’assèchement de la liquidité

En été, la faiblesse des volumes et le manque de liquidité peuvent provoquer des surréactions à la moindre mauvaise nouvelle. Si les décrochages violents pendant les mois de juillet et août ne sont pas rares, leur origine est très variée et souvent due à un choc externe aux marchés financiers. L’été n’est pas, en soi, un facteur spécifique pouvant déclencher des corrections boursières.