par Ad van Tiggelen, Stratégiste Senior chez ING IM
Les récessions économiques à double creux sont extrêmement rares : celle de la période 1980-1982 en est le seul exemple manifeste dans l'histoire de l'après-guerre. Mais cela n'a pas empêché les marchés financiers d'avoir récemment un accès de nervosité face au risque d'un double creux.
Bien que la plupart des économistes considèrent cette issue comme très improbable, les investisseurs semblent sceptiques. Et vu le potentiel des marchés financiers de créer leur propre réalité économique, le manque de confiance des investisseurs n'est pas non plus sans risque. En tout cas, l'incertitude est grande et cela vaut la peine d'examiner quelques filets de sécurité.
Le dernier double creux a eu lieu lorsque le monde développé est passé de l'environnement très inflationniste des années 1970 à la croissance plus équilibrée des décennies suivantes.
Aujourd'hui, le monde développé se trouve face à une autre période de transition : l'inflation modeste des dernières décennies semble se transformer en une tendance plus déflationniste, avec des risques de déflation. Cette transition, causée en partie par les énormes plans de réduction de dette des gouvernements, n'a aucun point de comparaison historique. Par conséquent, il est surprenant que la plupart des économistes soient tellement convaincus que la reprise actuelle suivra des parallèles historiques normales, avec une relance du secteur manufacturier qui sera automatiquement suivie par une accélération de la croissance de la consommation.
Malgré les craintes d'un double creux, nous observons que, durant le premier semestre de 2010, les actions cycliques chères se sont en général mieux comportées que les actions défensives bon marché. Parmi ces dernières, les secteurs des télécommunications et des services aux collectivités se sont révélés les plus décevants, malgré leurs rendements sur dividendes exceptionnellement élevés. En Europe, les entreprises de ces deux secteurs offrent souvent des rendements sur dividendes compris entre 6 et 8%. Cela est d'autant plus remarquable que ces entreprises ont en général des bilans « investment grade » décents et ne doivent, dès lors, payer qu'un rendement de 3,5 à 4% sur leurs obligations d'entreprises. Ainsi, elles offrent deux fois plus de rendement sur leurs actions que sur leurs obligations, ce qui n’a pas de précédents dans l'histoire.
Les rendements sur dividendes élevés et les modèles de gestion relativement défensifs de ces deux secteurs devraient fournir aux investisseurs un filet de sécurité (une « police d'assurance ») en cas de double creux économique. Toutefois, il est probable que ces secteurs seront au moins capables, également dans le cas d'une reprise économique constante, de se maintenir à la hauteur de l'ensemble du marché boursier, vu l'attrait croissant de leurs dividendes dans un contexte où l'inflation et les taux d'intérêt sont susceptibles de rester à un bas niveau pendant une plus longue période.
On peut se demander si le marché boursier ne nous signale pas implicitement que les politiques de dividendes des sociétés de télécommunications et de services aux collectivités ne sont pas durables et qu'il faut s'attendre à des réductions de dividendes. Il faut dire que, dans certains cas, cela pourrait arriver.
Certaines sociétés de services aux collectivités sont de plus en plus soumises à des risques de mesures réglementaires (telles que des augmentations d'impôts) prises par des gouvernements accablés de dettes, qui cherchent à tirer de l'argent de ce secteur. De plus, le secteur des télécommunications est confronté à un environnement à croissance lente ou nulle, où le déclin des recettes « voice » ne peut être totalement compensé par la croissance des recettes « data ». Dès lors, ces deux secteurs font face à des difficultés qui peuvent forcer certaines sociétés à annoncer de modestes réductions de dividendes à l'avenir, une tendance qui sera compensée (en partie) par d'autres sociétés qui peuvent encore augmenter leurs dividendes. Ainsi, pour les secteurs dans leur ensemble, il ne faut pas s'attendre à des réductions substantielles de dividendes.
L'évolution de BP dans le secteur du pétrole a une fois encore souligné la nécessité d'une diversification, parmi les investisseurs. Il en va de même pour les investissements dans les services aux collectivités et les télécommunications. Pour les investisseurs qui veulent acquérir une exposition à ces valeurs relativement sûres en des temps incertains, il est sage de prendre en considération les fonds sectoriels.