par Alexandra Estiot et Jean-Luc Proutat, économistes chez BNP Paribas
La communauté européenne ne laissera tomber ni la Grèce, ni l’euro. Pour la première fois, les décisions prises lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du 21 juillet 2011 donnent à l’Etat hellène les véritables chances de son redressement. Elles renforcent aussi les instruments de la coopération financière en zone euro. Nous reprenons ci-dessous, les points clés d’un accord essentiel.
– Extension du soutien public. Un nouveau programme de soutien public à la Grèce est décidé, qui portera sur 109 milliards d’euros et sera assuré conjointement par le FESF (Fonds européen de stabilité financière) et la Commission européenne. A cela devrait s’ajouter la contribution du Fonds monétaire international (30 à 40 milliards d’euros). En parallèle, les conditions financières appliquées à la Grèce sont assouplies : allongement à 15 ans minimum et 30 ans maximum de la maturité des prêts, assorti d’un moratoire de dix ans. Réduction des taux d’intérêt de 4,5% à 3,5% en moyenne, soit un coût proche de celui auquel se finance le FESF. Le Portugal et l’Irlande bénéficieront des mêmes aménagements.
– Engagement du secteur privé. Le secteur financier privé soutiendra financièrement la Grèce. L’engagement s’effectue sur une base du volontariat; il ne devrait donc entraîner ni « événement de crédit » ni déclenchement de CDS (Credit Default Swap) sur la dette grecque. La proposition, qui émane de l’IFI (Institut de la finance internationale) indique une participation substantielle : 135 milliards d’euros sur la période 2011-2019. Elle recouvre le rollover ou l’échange de titres contre des obligations à 15 ou 30 ans à des conditions nettement plus favorables que celles du marché. Les différentes opérations de transformation du portefeuille de dette aboutissent à une perte en valeur actuelle nette de 21%. La participation du secteur privé est par ailleurs strictement limitée au cas grec. L’Eurogroupe est clair sur ce point (la Grèce appelle une solution « exceptionnelle et bien spécifique ») ; il réaffirme l’engagement solennel des Etats membres de la zone euro à honorer leur signature. – Buy Back. Un programme de rachat de la dette grecque (buy back) est parallèlement mis en place pour lequel les détails manquent encore. Le FESF financerait l’Etat hellène pour que celui-ci puisse racheter sa propre dette sur les marchés à un prix décoté. La réduction de dette qui en découlerait est estimée à 12 milliards d’euros.
– Soutien aux banques grecques. Le plan d’aide pallie l’éventualité d’un classement en « défaut partiel » de la dette grecque par les agences de notation. Afin de pouvoir continuer à se refinancer auprès de la BCE, les établissements les plus exposés, essentiellement les banques grecques, verraient la qualité de leurs collatéraux réhaussée par des garanties publiques. Une enveloppe de 20 milliards d’euros leur est par ailleurs réservée s’il s’avérait nécessaire de les recapitaliser.
– Upgrade de la dette grecque ? Les agences de notation sont susceptibles de classer en « défaut partiel » les titres faisant l’objet d’un échange de dette. Néanmoins, une fois l’opération réalisée, une remontée de la note attachée à la dette grecque (actuellement fixée CCC par Standard and Poor’s) est considérée comme possible.
– Plan de relance. Fussent-ils allégés, les engagements financiers de la Grèce ne seront pas honorés sans un réveil de l’activité économique. C’est un point clé, qui différencie par exemple l’Irlande (où le retour des investissements directs étrangers entraîne celui de la croissance) de la Grèce, toujours en récession (en 2011, le PIB se contracte pour la troisième année consécutive, d’au moins 4%). Le plan d’aide s’attaque donc au volet recettes. Il prévoit des engagements d’investissements via les fonds structurels européens, ainsi qu’une assistance technique au programme de privatisations.
– Renforcement des instruments de la stabilité financière. Le FESF, plus tard le MES (Mécanisme Européen de Stabilité), voit ses attributions étendues. Il est désormais autorisé à intervenir sur le marché secondaire de la dette souveraine, comme le souhaitait la Commission. Même si les modalités d’intervention sont strictement encadrées (elles nécessitent l’accord des Etats et l’avis technique de la BCE), il s’agit d’un pas de plus vers la solidarité financière au sein de l’UEM. La réaction positive des marchés (cf. première page) est d’ailleurs largement reliée à ce point précis du plan. Le FESF est aussi l’instrument par lequel passeront les éventuelles recapitalisations d’établissements financiers, prêts aux gouvernements ainsi que les garanties apportées aux programmes d’échanges de dettes.