par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez Amplegest
Cette année 2020 sera analysée dans le futur comme l’une des plus atypiques et des plus mouvementées de l’ère contemporaine.
Les voyants étaient au vert en début d’année avant l’arrivée d’un cygne noir en février sous forme de crise sanitaire mondiale provoquant une récession brutale et un krach financier. Une reprise rapide, concentrée sur certains secteurs, et enfin l’arrivée d’un vaccin en novembre furent les autres faits marquants de l’année. Tout ça en quelques mois… Il était vraiment nécessaire de garder ses nerfs et d’éviter une vision trop courte… Le grand vainqueur de ces douze derniers mois est sans conteste la Chine qui a retrouvé une croissance supérieure à celle d’avant la pandémie, suivie des Etats-Unis dont la résilience est surprenante, alors que l’Europe est pour le moment la principale victime de cette séquence.
Aujourd’hui nous basculons vers 2021 avec des convictions et quelques interrogations
La première conviction est le maintien en 2021 de politiques monétaires et budgétaires très expansionnistes, d’autant plus nécessaires que la crise sanitaire devrait durer au moins jusqu’au printemps. L’absence d’inflation autorise ce biais accommodant. Toutefois, nous attendons un rebond progressif et modéré des prix dans la seconde partie de l’année.
La deuxième conviction est celle d’une reprise forte de l’économie mondiale une fois la pandémie vaincue. On pourrait même être surpris de la vigueur du rebond, alimenté par les liquidités abondantes, par une consommation forte liée à l’utilisation progressive de l’épargne accumulée et par une reprise du secteur des services. Le premier trimestre pourrait encore souffrir de certaines restrictions de circulation liées au virus, mais nous sommes beaucoup plus optimistes pour la suite.
La troisième conviction est celle d’une Europe qui reprend enfin le chemin de l’expansion grâce à une coordination nouvelle et par la fin (provisoire ?) de dogmes qui devenaient totalement contre productifs. Face à une Chine toute puissante et à des Etats-Unis qui restent dans la course, l’Europe a intérêt à mettre de côté ses divergences et se concentrer sur ses forces. Nous pensons que cette crise aura au moins servi à faire sauter un certain nombre de verrous qui handicapent l’Europe depuis trop longtemps.
Face à ces convictions quelques interrogations subsistent qui conditionneront également cette nouvelle année. Tout d’abord l’arrivée d’une nouvelle administration aux Etats-Unis est toujours un enjeu important. La poursuite d’une politique budgétaire expansionniste et d’une politique monétaire accommodante ne fait pas de doute. Mais comment Joe Biden réussira-t-il à réconcilier un pays profondément fracturé ? Comment fera-t-il évoluer la politique commerciale américaine après des années de conflit ? Comment gèrera-t-il le système de santé américain ? Wait and see, 2021 apportera les premières réponses à toutes ces questions.
La deuxième interrogation, que nous avons déjà évoquée lors d’un précédent point, est la possible émergence de crises sociales de grande ampleur. La crise sanitaire a accentué certaines inégalités et le sentiment d’élites coupées du peuple est générateur de flambées sociales soudaines. Les gouvernements devront gérer ce risque, probablement en distribuant toujours davantage.
Enfin, la dernière interrogation, à plus long terme, est de savoir comment les Etats gèreront l’explosion des déficits et des dettes. Cette question devra bien être traitée lorsque nous serons débarrassés de cette crise sanitaire.
2020 restera donc une année éprouvante et anxiogène. Paradoxalement, les marchés, en dépit d’une volatilité très élevée, finissent l’année sur une note plus positive. La faiblesse des taux d’intérêt, la probable reprise économique et le rebond attendu des bénéfices des sociétés donnent une tendance favorable pour les prochains mois même si la valorisation élevée des actifs risqués rend les marchés vulnérables à toute mauvaise surprise.