Argentine : de plus en plus de « réserves » sur l’avenir

par Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas

  • A cause d’un rythme d’augmentation des dépenses publiques devenu insoutenable au regard des effets de la crise sur les recettes, l’Argentine a affiché son premier déficit public depuis sept ans.
  • Privé d’accès aux marchés internationaux de capitaux, le gouvernement ne dispose plus de leviers de financement pour faire face à ses échéances en 2010.
  • Le gouvernement tente depuis décembre 2009 de s’accaparer une partie des réserves de changes par décret, en dépit du statut d’indépendance de la banque centrale, afin de rembourser sa dette à échoir en 2010. 

par Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas

  • A cause d’un rythme d’augmentation des dépenses publiques devenu insoutenable au regard des effets de la crise sur les recettes, l’Argentine a affiché son premier déficit public depuis sept ans.
  • Privé d’accès aux marchés internationaux de capitaux, le gouvernement ne dispose plus de leviers de financement pour faire face à ses échéances en 2010.
  • Le gouvernement tente depuis décembre 2009 de s’accaparer une partie des réserves de changes par décret, en dépit du statut d’indépendance de la banque centrale, afin de rembourser sa dette à échoir en 2010. 
  • Le succès d’une telle opération ouvrirait la porte à une utilisation systématique des ressources de la nation pour financer les dépenses du gouvernement, au risque de détériorer un climat des affaires déjà médiocre et de compromettre l’échange de dette prévu cette année.

 

La libération du potentiel de croissance de l’Argentine passe nécessairement par une augmentation des investissements productifs et donc une régularisation de sa situation envers ses créanciers, condition sine qua non à un retour sur les marchés internationaux de capitaux.

Depuis son défaut de 2001, l’Argentine vit au ban de la communauté financière internationale. Malgré un échange de dette accepté par 76% des créanciers en 2005, elle doit encore 29 milliards de dollars (dont 9 milliards d’intérêts) à des contreparties privées (« les holdouts ») et 6,5 milliards de dollars au pays membres du Club de Paris. Ces derniers demandent en plus de leur remboursement que l’Argentine se soumette aux exigences de l’Article IV des statuts du FMI, c'est-à-dire, entre autres, la mise à disposition des statistiques officielles aux économistes de l’Institution internationale1. Tant que l’Argentine n’aura pas régularisé sa situation avec ses créanciers, elle ne pourra pas regagner l’accès aux marchés internationaux de capitaux.

Malgré l’ostracisme financier dont elle est frappée, l’économie argentine a connu, durant les années 2003-2008, une période de croissance remarquable, profitant notamment de conditions internationales particulièrement favorables. La crise de 2008-2009, avec le retournement de la conjoncture mondiale, a sérieusement dégradé les finances publiques, rendant encore plus probants les problèmes de liquidité du pays et plaçant le gouvernement dos au mur. Cette situation a conduit à une crise institutionnelle dont l’issue pourrait avoir des conséquences économiques déterminantes, notamment sur la possibilité, réouverte fin 2009, d’un nouvel échange de dette avec les créanciers ayant refusé de participer à celui de 2005.

Des finances publiques ébranlées par la crise ont conduit à une crise institutionnelle…

Sur la période 2003-2008, l’Argentine a connu une croissance spectaculaire de 8,5% l’an en moyenne, portée par un environnement international particulièrement favorable. Cette vigoureuse expansion pouvait laisser penser que l’absence de financement extérieur n’entravait pas le développement économique du pays. L’excédent primaire permettait de couvrir largement le paiement des intérêts sur la dette, tandis que l’excédent courant et la mobilisation de toutes les ressources financières externes du pays permettaient d’alléger notoirement le besoin de financement extérieur. Avec le retournement de la conjoncture opéré en 2008-2009, de nombreux déséquilibres déjà présents mais maintenant plus visibles ont fait surface. En particulier, les finances publiques ont été sérieusement mises à mal, conduisant à un bras de fer entre l’exécutif et la banque centrale pour l’utilisation des réserves de changes.

– Le retournement de conjoncture de 2008-2009 a exacerbé des déséquilibres latents depuis plusieurs années

Le retournement de la conjoncture mondiale à partir de septembre 2008 et l’augmentation subite de l’aversion pour le risque ont fait réapparaître les difficultés structurelles de financement de l’économie argentine. Avec la baisse du prix des matières premières et de la demande mondiale, les exportations se sont réduites même si, parallèlement, la chute encore plus prononcée des importations a permis à la fois de conserver un excédent courant et de générer une contribution positive à la croissance. Mais la fuite massive des capitaux, combinée à la sous-utilisation des capacités de production et aux mauvaises perspectives de croissance, a fortement pesé sur l’investissement. Le chômage a atteint 9,1% cvs au troisième trimestre 2009 contre 7,8% cvs au troisième trimestre 2008. 

L’effondrement des prix des exportations et importations et le recul de l’activité en général ont pesé sur les recettes fiscales de l’Etat qui n’ont enregistré qu’une modeste hausse de 1% en 2009, c'est-à-dire un net recul en termes réels si l’on considère une inflation « officielle » de 7,7%, alors que les recettes totales, en valeur, ont augmenté de 18,5% par rapport à l’année passée, la plus faible augmentation depuis 2003. Cette augmentation provient en grande partie de la hausse des transferts de la part des organismes de sécurité sociale, prouvant une nouvelle fois que le gouvernement argentin tire sur tous les leviers pour boucler son budget. La nationalisation d’Aerolineas Argentinas en septembre 2008 et celle des fonds de pension un mois plus tard traduisaient déjà les contraintes de financement du secteur public qui n’hésite pas à s’approprier les ressources financières du secteur privé, créant ainsi un climat des affaires délétère.

Dans le même temps, les divers transferts sociaux et subventions gouvernementales pour soutenir la demande et maintenir la paix sociale ont poussé à la hausse les dépenses courantes de près de 30% en 2009, ce qui correspond à la tendance de ces dernières années. Le modèle économique des Kirchner repose, en effet, en grande partie sur l’administration des prix de secteurs stratégiques (électricité, gaz, transport) qui font l’objet d’importantes subventions. Depuis 2001, aucun investissement substantiel n’a été réalisé dans le domaine des infrastructures, notamment ferroviaires et électriques, faute de crédits internationaux.

Depuis 2005 (hormis en 2008), les dépenses gouvernementales croissent plus vite que les recettes, alors même que ces dernières augmentaient rapidement jusqu’en 2008. La détérioration des finances publiques en 2009 s’explique non seulement par une moindre progression des recettes mais surtout par le maintien d’un rythme de croissance des dépenses insoutenable. Si la crise de 2008-2009 a eu jusqu’à présent, et du moins en apparence, un impact limité sur les finances publiques argentines, elle a cependant mis à jour une gestion hétérodoxe jusqu’alors « masquée » par des conditions internationales exceptionnelles et une politique de financement de « fond de tiroir ».

Officiellement, le gouvernement a, en effet, annoncé un excédent primaire de 1,4% du PIB en 2009 (contre une prévision gouvernementale de 3,27%) et un léger déficit public de 0,7% du PIB. Mais ce résultat incorpore dans son calcul des revenus exceptionnels, tels que les droits de tirage spéciaux du FMI, les revenus d’intérêts des fonds de pension nationalisés et les transferts d’une partie des profits de la banque centrale. En excluant ces recettes non conventionnelles, le gouvernement afficherait un léger déficit de la balance primaire d’environ 0,2% du PIB, soit un déficit budgétaire de 2,7% du PIB. Dans tous les cas, il s’agit du premier déficit public depuis sept ans.

– Un bras de fer politique au sujet de l’utilisation des réserves de la BCRA

La situation budgétaire de 2009 a placé le gouvernement argentin dans une impasse : privé d’accès aux marchés internationaux de capitaux, il n’a plus assez de ressources ni de leviers de financement supplémentaires pour faire face aux échéances de 2010 et proposer un échange de dette aux détenteurs d’obligations toujours en défaut depuis 2001. Afin d’éviter un plan d’austérité budgétaire dont il ne pourrait pas assumer les conséquences politiques et sociales, le gouvernement a donc essayé de s’accaparer par décret une partie des réserves officielles de changes.

Le 15 décembre 2009 la présidente Cristina Fernandez de Kirchner a annoncé, par un décret « d’urgence et de nécessité », la création du Fonds du Bicentenaire pour le désendettement et la stabilité, doté de 6,6 milliards de dollars provenant des réserves de la banque centrale qui excèdent la base monétaire.

Initialement pressenti pour rembourser le Club de Paris, le fonds devrait finalement et en principe servir à payer la dette argentine arrivant à échéance en 2010. Officiellement, il s’agit donc de rassurer les marchés internationaux sur la capacité de l’Argentine à rembourser ses dettes. Dans les faits, il s’agit purement et simplement d’une violation du principe d’indépendance de la banque centrale.

Immédiatement, le gouverneur de la banque centrale, Martin Redrado, s’est opposé à ce transfert, arguant de l’indépendance de la banque centrale et du non-respect de la procédure légale qui exige un avis préalable du Congrès. Il a demandé dans la foulée une consultation du Congrès. En réponse à ce qu’elle a considéré comme un affront, C. Kirchner a, par l’intermédiaire d’un nouveau décret, ordonné le renvoi de M. Redrado pour manquement à ses devoirs de fonctionnaire public.

Dans un premier temps réhabilité par une juge fédérale, Martin Redrado a été forcé de démissionner le 29 janvier, après plusieurs semaines d’un véritable « feuilleton » institutionnel. Son remplacement par Mercedes Marco Del Pont, une proche de l’exécutif, renforce encore le sentiment de la perte d’indépendance de l’institution monétaire, et de nombreuses voix se sont élevées dans l’opposition comme dans la presse pour dénoncer ce « fait du prince ».

Dans une dernière tentative d’outrepasser les procédures parlementaires, C. Kirchner a pris de court les parlementaires censés statuer sur l’utilisation des réserves. Profitant de la session d’ouverture du Congrès après le congé estival, elle a d’abord annoncé l’annulation du premier décret « d’urgence et de nécessité » par lequel elle ordonnait la création du Fond du Bicentenaire avant d’annoncer deux nouveaux décrets, l’un, ordinaire, prévoyant le transfert de 2,18 milliards de dollars pour le paiement des créanciers multilatéraux, l’autre, « d’urgence et de nécessité », prévoyant le transfert de 4,38 milliards de dollars pour payer les créanciers privés en 2010. Un juge a suspendu l’application de ce dernier décret, mais il semblerait que les fonds aient déjà été transférés au Trésor, ce qui constituerait une nouvelle violation de la procédure légale. La validation du décret reste maintenant soumis à la décision du Congrès au sein duquel C. Kirchner n’a plus la majorité depuis les dernières élections législatives de 2009.

… dont l’issue pourrait avoir des conséquences déterminantes sur l’avenir du pays

La mise à disposition du gouvernement des réserves de la banque centrale pose un certain nombre de problèmes aussi bien juridiques qu’économiques. Au nom de quel principe le gouvernement peut-il justifier l’utilisation de réserves qu’il n’a pas en compte propre pour rembourser ses dettes2? Comment garantir que cette pratique n’ouvre pas la voie à une utilisation systématique de telles ressources pour financer les dépenses courantes de l’Etat ? Les réserves de la banque centrale, qui assure la stabilité de la monnaie, ne risquent-elles pas d’être détournées de leur objet premier et d’exposer le peso à la dépréciation et donc à une inflation plus forte encore ?

– Un besoin de financement à court terme

En faisant l’hypothèse d’un rythme de progression des dépenses publiques équivalant à celui de 20093 (28%) et en comptant sur un redémarrage progressif des recettes fiscales avec le rebond de l’activité et des matières premières ainsi qu’une mobilisation de ressources extraordinaires (profits de la banque centrale, transferts des fonds de pension publics), le gouvernement devrait afficher un déficit public en 2010 de seulement 0,7% du PIB.

Mais l’Argentine aura à faire face au paiement d’environ 13 milliards de dollars au titre du remboursement de sa dette. Sur ce montant, la moitié environ sera financée grâce à des avances de la banque centrale sur ses bénéfices à venir et à des prêts internes au secteur. L’autre moitié correspond peu ou prou au montant des réserves qui pourraient être mis à la disposition du gouvernement.

Le gouvernement souhaite puiser dans les réserves de la banque centrale, mais il n’est pas sûr qu’il y parvienne. Le Congrès, malgré ses divisions, est dominé par l’opposition depuis les législatives de juin 2009 et, normalement, son aval est nécessaire pour que la décision devienne effective. De plus, la crise institutionnelle a montré que l’Argentine possédait une justice indépendante, capable de s’opposer à la gouvernance par décrets de Madame Kirchner. Néanmoins, d’autres moyens permettraient au gouvernement d’obtenir les réserves nationales dans l’hypothèse où le « passage en force » se révélerait inefficace. Parmi les alternatives envisageables, une modification de la charte de la banque centrale n’est pas exclue. Mercedes Marco Del Pont est réputée pour ses orientations « développementistes », c'est-à-dire une participation active directe de l’Etat à la promotion du développement économique à travers, notamment, une politique fiscale et budgétaire accommodante, des taux d’intérêt réels bas et subventionnés, une politique de change favorisant les industries nationales. La banque centrale pourrait donc se rapprocher dans ses statuts d’une banque de développement, avec comme mandat non seulement la stabilité du peso et des prix mais également la promotion de la croissance à court terme.

Dans cette optique, l’utilisation des réserves de la banque centrale par le gouvernement pourrait être légitimée. Dans la pratique, une modification de l’article 20 de la charte permettrait de lever la contrainte de financement de l’Etat par la banque centrale, aujourd’hui plafonnée à 12% de la base monétaire et 10% des recettes fiscales de l’année passée. Cependant, là encore, une modification de cette chartre nécessiterait l’approbation du Congrès. Reste donc à savoir si le pouvoir législatif peut constituer un contre-pouvoir suffisamment puissant pour s’opposer à la volonté du gouvernement.

– Des risques conséquents à moyen terme

En l’absence de financement extérieur, les réserves de la banque centrale constituent pour le gouvernement une ressource financière d’appoint, à la fois très bon marché et abondante. Elles lui permettraient de tenir ses engagements face à ses créanciers, pré requis nécessaire dans l’optique d’un prochain échange de dette, tout en maintenant un niveau de dépense publique très élevé, préservant le gouvernement de mesures d’austérité très coûteuses politiquement. Néanmoins, cette pratique pourrait échouer sur trois écueils.

1/ La banque centrale argentine étant toujours considérée comme indépendante, elle n’a aucune instruction à recevoir du gouvernement et, en contrepartie, les créanciers privés détenteurs d’obligations toujours en défaut depuis 2001 n’ont aucun recours contre elle. Mais, à partir du moment où le gouvernement s’accapare les réserves pour rembourser sa dette, violant alors le statut d’indépendance de la banque centrale, les réserves peuvent faire l’objet d’une saisie par la justice des pays dans lequel elles sont placées, à la demande des créditeurs privés. Ainsi début janvier 2010, le doute sur le statut de la banque centrale, né du renvoi par décret de M. Redrado, a permis au juge américain Griesa de mettre un embargo sur les réserves argentines placées à la FED à la demande de certains créanciers privés. La réhabilitation de l’ex-gouverneur par une juge fédérale a ensuite conduit à la levée de l’embargo dont la menace continue, néanmoins, de planer au-dessus des réserves.

En revanche, en ce qui concerne la dette due à des créanciers multilatéraux, l’utilisation des réserves de changes est tolérée depuis que le Congrès a approuvé une telle pratique pour le remboursement du FMI en 2006. C’est d’ailleurs à la faveur de cette jurisprudence que la justice a dernièrement suspendu l’application du décret relatif au remboursement des créanciers privés et non celui relatif au remboursement des créanciers multilatéraux. Finalement, la saisie des réserves pourrait mettre en péril l’échange de dette prévu pour 2010. En effet, certains créanciers privés n’accepteront pas un échange de dette avec une réduction de capital attendue de l’ordre de 70% alors qu’ils peuvent espérer un plein recouvrement en demandant la saisie des comptes de l’Etat argentin.

2/ L’éventualité d’un détournement des réserves de la banque centrale laisse planer le risque que ces fonds servent à financer dans la durée les dépenses courantes du gouvernement, au-delà des 6,6 milliards prévus pour le remboursement de la dette. Compte tenu de la proximité des élections présidentielles, qui auront lieu en 2011, et de la contrainte de financement du gouvernement, ce risque est même très élevé. Les marges de manœuvre budgétaires supplémentaires permettraient à C. Kirchner et à son mari, qui se présentera certainement en 2011, de continuer à subventionner les secteurs considérés comme stratégiques (électricité, gaz, transport) et de mener une campagne présidentielle onéreuse afin de reconquérir un électorat qu’ils semblent avoir perdu. Or, l’utilisation d’une partie des réserves en excès de la base monétaire pour financer des dépenses viendrait augmenter la masse monétaire en circulation et, par conséquent, engendrerait de l’inflation. De plus, la diminution des réserves encouragerait la méfiance à l’égard de la monnaie locale, déjà importante, et l’exposerait à des risques accrus de dépréciation, génératrice d’inflation. Dans un pays où la stabilité des prix est un problème structurel, ce risque ne ferait qu’alimenter les tensions sociales et dégrader encore davantage le climat des affaires. Cela pourrait accroître la défiance envers le gouvernement argentin, ce qui est problématique dans l’optique de l’échange de dette. Déjà, début 2010, la SEC avait pointé du doigt les doutes quant aux manipulations des chiffres officiels d’inflation et précisé que cela pourrait être un obstacle au bon déroulement de l’échange avec les détenteurs d’obligations encore en défaut.

3/ Les réserves officielles de changes de l’Argentine atteignent en 2009 la confortable somme de 48 milliards de dollars. Sur cette somme, 31 milliards couvrent la base monétaire et 17 milliards sont réputés « disponibles » par C. Kirchner. Dans l’optique d’une utilisation gouvernementale de ces réserves en excès, à la fois pour le remboursement de la dette de 2010 (6,6 milliards de dollars) et, comme on peut le craindre, pour le financement de ses dépenses courantes en vue des élections présidentielles de 2011 (c'est-à-dire une solde d’environ 11 milliards de dollars), le risque de liquidité externe du pays pourrait donc sérieusement se détériorer. Afin de limiter cette dégradation, l’Argentine devrait alors dégager un excédent courant substantiel (ce qui ne correspond pas à notre scénario central) permettant de compenser à la fois cette perte de réserves et le déficit structurel du compte de capital. Or il est possible que ce dernier se creuse davantage avec la dégradation du climat des affaires, et plus généralement du risque pays, alimentant le risque de fuite de capitaux.

Finalement, alors que début 2009 l’Argentine semblait en bonne voie pour régulariser sa situation vis-à-vis de ses créanciers et enfin regagner un accès aux marchés des capitaux internationaux, la crise économique et la crise institutionnelle qui en a découlé ont complètement modifié la donne. Le gouvernement, à cause d’une gestion hétérodoxe de ses finances publiques depuis plusieurs années, se retrouve désormais entre Charybde et Scylla. D’un côté, il a besoin de ressources financières bon marché à court terme pour éviter un défaut sur ses échéances de 2010 et/ou financer la campagne électorale présidentielle ; d’un autre côté, l’utilisation des réserves de changes engendrerait de nombreux problèmes à la fois juridiques et économiques à moyen terme (inflation, dépréciation du change). Une nouvelle expropriation des ressources privées aurait des conséquences déplorables sur un climat des affaires déjà médiocre, et elle pourrait compromettre l’échange de dette prévu cette année, maintenant le pays exclu des marchés internationaux de capitaux. Or, sans investissements substantiels, faute de crédits bon marché et/ou de confiance dans le cadre institutionnel, l’Argentine ne pourra pas libérer son potentiel de croissance. L’Argentine donne l’impression d’être dos au mur. Son exclusion des marchés internationaux de capitaux devient une contrainte de plus en plus difficile à gérer, et la tentation de bafouer les règles de droit est forte.

NOTES

  1. Or cette condition pose un double problème : politiquement, elle irait à l’encontre du positionnement du gouvernement qui a rompu ses relations avec le FMI, le jugeant en partie responsable du défaut de 2001 ; économiquement, elle entérinerait officiellement la manipulation des chiffres de l’inflation.
  2. Comme le soulignait M. Redrado, les réserves de changes sont « les économies de tous les Argentins ».
  3. Ce qui n’est pas irréaliste, si l’on considère la faible popularité de C. Kirchner et la proximité des élections présidentielles 

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