par Laurent Geronimi, Directeur de la Gestion Taux chez SwissLife Banque Privé
Les mesures ambitieuses annoncées par la BCE illustrent sa volonté d'agir pour soutenir l'économie de la zone euro. Après la déception de décembre dernier, le climat avant le discours de Mario Draghi reflétait une ambiance d'attente. Les marchés prévoyaient encore un coup de pouce de la BCE sans n'avoir plus confiance dans l'efficacité économique des mesures qu'elle pourrait, éventuellement, prendre. Quoiqu'il en soit, mieux valait dans le contexte présent que Mario Draghi trouve les moyens de surprendre agréablement plutôt que l'inverse.
Retour sur les faits :
La Banque centrale européenne (BCE) a :
- Abaissé de 10 points de base le taux de facilité de dépôt. Déjà ramené de – 0,20% à -0,30% début décembre, le nouveau taux est donc désormais de – 0,40%. Plus inattendu, le taux refi, qui reste le taux directeur de la BCE, a quant à lui été abaissé de 0,05% à 0,00%. Le taux de la facilité de prêt marginal passe de 0,30% à 0,25%.
- Annoncé une expansion de son programme de rachats d'actifs. Le montant mensuel des rachats sera porté à 80 Md€ à partir d'avril. Surtout, les obligations en euros des entreprises non financières notées en catégorie investissement seront désormais couvertes par le QE dès la fin du deuxième trimestre.
- Enfin, une nouvelle série de quatre injections de liquidité à long terme sur une durée de quatre ans (TLTRO II) sera lancée entre mars 2016 et mars 2017. Avec une nouveauté : les banques pourront emprunter au taux de la facilité de dépôt, c'est-à-dire à taux négatif, et donc se faire payer. Il n'y a pas d'exigence de de remboursement anticipé et les TLTRO I pourront être transférés en TLTRO II.
Décryptage et Analyses
– On attendait une baisse des taux, il y en a eu trois !
La baisse de 0.10% du taux de dépôt correspond à ce qu'escomptaient en moyenne les économistes de marché, même si certains avaient prévu une réduction supérieure (0.20%) éventuellement couplée à la mise en place d'un système avec deux taux de dépôt.
Le montant des rachats actuels était de 60 Md€. L'augmentation à 80 Md€ correspond à un niveau extrême d'anticipation. C'est un geste fort ! De plus, aucune mention n'a été faite sur la date de fin du QE (en principe Mars 2017). Mario Draghi reviendra probablement plus tard sur ce point. La seule indication de son discours est que les achats d'actifs se poursuivront jusqu'à ce qu'il y ait un retour de l'inflation vers l'objectif de la BCE, soit 2%.
Impact des mesures annoncées sur la zone euro
Après l'annonce, l'euro a perdu immédiatement plus d'un centime contre le dollar, passant à 1,086 pour revenir à 1,103. Malgré les baisses de taux, les excédents courants allemands sont une force de rappel importante.
Les rendements des emprunts d'Etat en zone euro se détendaient également, avec des baisses d'environ 13 à 15 points de base pour les pays d'Europe du sud et de 7 points de base pour le Bund (emprunt à 10 ans allemand) amenant ce dernier à 0.17%.
La liste des obligations d'entreprises éligibles au programme de la BCE sera connue dans les prochaines semaines. Cette action est un soutien robuste au marché du crédit obligataire.
De manière générale, la politique monétaire très accommodante menée par la BCE conforte notre conviction de privilégier les actifs risqués en zone euro. Cependant, des réformes structurelles restent nécessaires pour améliorer la croissance. Pour le moment, l’activité économique mondiale demeure très moyenne, les risques sont toujours présents et la BCE ne pourra pas absorber toute la volatilité. Par contre, notons que les banques seront moins sensibles à cette même volatilité avec la mise en place des TLTRO II.