par Thibault Mercier, Economiste chez BNP Paribas
• Sans surprise, la BCE a maintenu le statu quo lors de sa réunion du mois d’octobre. Mario Draghi a néanmoins réaffirmé la poursuite d’une politique monétaire ultra accommodante jusqu’à ce que l’inflation ait retrouvé une dynamique satisfaisante.
• M. Draghi a précisé ce qu’il entendait par une telle dynamique : une inflation auto-entretenue, c’est-à-dire tirée par une demande robuste et des salaires en hausse. L’accent a été mis sur l’inflation sous-jacente.
• L’idée, évoquée ces dernières semaines, d’une réduction imminente du rythme d’achat mensuel est écartée. Néanmoins aucune indication sur la possibilité d’une extension du QE n’a été donnée.
• Si les faibles perspectives d’inflation plaident pour une prolongation, d’importants désaccords semblent subsister au sein du Conseil des gouverneurs quant aux changements à apporter aux modalités du QE pour autoriser sa poursuite.
Jeudi avait lieu la réunion de politique monétaire de la BCE. Sans surprise, le Conseil des gouverneurs a maintenu le statu quo. Que faut-il retenir de cette réunion ?
D’abord ce qui a été dit, ou plutôt réaffirmé : le programme d’achat d’actifs (QE) continuera au rythme de EUR 80 mds par mois jusqu’en mars 2017 au moins. L’idée, évoquée ces dernières semaines, d’une réduction imminente du rythme d’achat mensuel est écartée. S’il y aura bien un tapering – il est difficile d’imaginer que les achats nets de la BCE cesseront brutalement – celui-ci n’est pas pour tout de suite.
Le QE continuera jusqu’à ce que l’inflation ait retrouvé une dynamique compatible avec l’objectif de la BCE, c’est-à-dire une inflation proche de 2% à moyen terme. Et, sur ce dernier point, Mario Draghi a précisé ce qu’il entendait par une telle dynamique : une inflation auto-entretenue, c’est-à-dire tirée par une demande robuste et des salaires en hausse. Autrement dit, la remontée à venir de l’inflation, liée essentiellement aux effets de base des prix de l’énergie, ne pourra pas être considérée comme satisfaisante. Dans une perspective de moyen terme c’est bien l’inflation sous-jacente (c’est-à-dire hors énergie et produits alimentaires), aujourd’hui à 0,8%, qui est pertinente.
Il y a aussi ce qui est resté flou, ou tout simplement non commenté. Ainsi, lors de la conférence de presse, Mario Draghi n’a donné aucune indication sur la possibilité d’une extension du QE lors de la prochaine réunion, le 8 décembre, se contentant de dire que le sujet n’avait pas été discuté lors de la réunion par le Conseil des gouverneurs. Pourtant, à la lecture du communiqué introductif réaffirmant que le QE continuerait « jusqu’à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif » et ayant à l’esprit ce que cela suppose en terme de redressement de l’inflation sous-jacente, il fait peu de doute qu’une telle option est à l’étude (et, dans un cercle ou dans un autre, a fait l’objet de discussions). La retenue de M. Draghi sur le sujet pourrait indiquer que d’importants désaccords demeurent au sein du Conseil quant aux changements à apporter au QE pour autoriser sa poursuite. Comme nous l’avons expliqué récemment1, une modification des paramètres du QE s’impose, raison pour laquelle la BCE a constitué des comités dédiés. Les options envisageables soulèvent toutes des difficultés et il semblerait que la BCE travaille encore à un consensus sur le sujet. La remontée récente des taux allemands facilite la mise en œuvre du QE et donne du temps à la BCE pour se prononcer.
Si une extension du programme d’assouplissement quantitatif au- delà de mars reste l’option la plus probable, un doute demeure quant au rythme d’achats mensuel qui s’appliquerait à partir d’avril 2017. Interrogé durant la conférence de presse sur la pertinence d’appréhender le soutien monétaire en termes de stock ou de flux – autrement dit de considérer plutôt le montant total des achats ou le rythme auquel ils sont effectués – Mario Draghi a, là aussi, choisi de ne pas répondre, se bornant à dire que ce sujet n’avait pas fait l’objet de discussions. Cela pourrait signifier qu’un arbitrage entre une extension de 6 mois du QE au rythme d’achat mensuel actuel et un QE plus étendu (disons 9 mois au lieu de 6 mois) mais à un rythme mensuel réduit (de EUR 80 mds à EUR 60 mds par exemple) est à l’étude. Si dans le second cas, le montant total d’achats supplémentaires serait plus important (EUR 540 mds versus 480 mds), une réduction des flux risque toutefois de se traduire par un resserrement des conditions monétaires et financières à court terme. Nous maintenons notre scénario d’une prolongation de six mois du QE au rythme de EUR 80 mds par mois, avec une annonce en décembre.
NOTES
- Thibault Mercier « BCE : les paramètres du QE » Ecoweek, 23 Septembre 2016 BNP Paribas