par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Alors que des rumeurs véhiculées par les médias mettaient en avant de grandes dissensions parmi les membres du Conseil des gouverneurs et qu’il était de plus en plus reproché à la BCE de ne pas être claire dans sa communication, le communiqué et la conférence de presse du 6 novembre sont venus apporter quelques éclaircissements. Que penser de tous ces effets d’annonce ?
1/ Nouveauté dans le communiqué ce mois-ci (même si M. Draghi l’avait déjà mentionné début septembre), la BCE dit qu’elle attend que les différentes mesures prises jusqu’à présent (TLTRO, achats de covered bonds et d’ABS) conduisent à une taille de bilan proche de celle de début 2012. M. Draghi précise que cela signifie mars 2012 (après les deux VLTRO) soit environ 3 000Md€ ce qui correspond à une hausse du bilan d’environ 1000Md€ par rapport à aujourd’hui. Par ailleurs, la BCE indique que ces programmes vont durer au moins deux ans. Toutefois, contrairement à la Réserve Fédérale (ou la Banque du Japon) qui achetait des montants prédéterminés chaque mois, la BCE ne s’engage pas fermement à y arriver, elle attend que ses mesures y conduisent… Cette nuance peut paraître anecdotique mais elle ne l’est pas. Cela lui laisse une plus grande flexibilité.
2/ Le Conseil des gouverneurs est unanime dans son engagement à mettre en place d’autres mesures non conventionnelles si nécessaire. Et M. Draghi insiste sur l’unanimité à un moment où certaines fuites semblaient suggérer que plusieurs membres seraient opposés à la mise en place d’achats de titres publics. Cette unanimité peut sembler contradictoire dans la mesure où les récentes mesures non conventionnelles n’avaient pas fait l’unanimité début septembre…
3/ Autre nouveauté du communiqué, le conseil des gouverneurs a demandé au staff de la BCE et aux comités de l’Eurosystème de travailler sur de nouvelles mesures à mettre en place si cela devenait nécessaire. En rajoutant cette phrase, la BCE entretient de façon délibérée les anticipations de nouvelles mesures d’achats d’obligations corporate et de titres publics.
4/ Par ailleurs, M .Draghi précise les deux cas dans lesquels de nouvelles actions deviendraient nécessaires : 1// si les mesures déjà décidées n’étaient pas suffisantes 2// si les anticipations d’inflation se détérioraient davantage… La première raison est peu précise et il sera difficile d’avoir une réponse avant plusieurs mois, voire plusieurs trimestres. Si la deuxième raison semble plus claire, se pose la question du niveau à partir duquel la BCE considérerait qu’il y a un décrochage des anticipations d’inflation… 1,70% ? 1,50% ? Rappelons que les swaps inflation 5ans à 5 ans, qui sont généralement supérieurs à 2%, se situent actuellement vers 1,85% (après un point bas mi-octobre à 1,72%).
5/ M. Draghi insiste également sur le fait que la BCE peut utiliser une variété d’instruments et que cela rentre dans son mandat si ce n’est pas de la monétisation de déficit. En d’autres termes, acheter des titres publics entre dans le mandat de la BCE s’ils ne servent pas à financer les déficits publics à proprement parler.
Au total, le discours de la BCE devient de plus en plus dovish. Toutefois, si la BCE a ouvert encore davantage la porte à la mise en place d’un QE plus conséquent (corporates/ titres publics) et que M. Draghi a semblé faire une explication de texte sur différents points, nous ne sommes guère plus avancés qu’il y a un mois… Toute la question est celle de savoir si, par son discours, la BCE va arriver à ancrer les anticipations d’inflation suffisamment longtemps, le temps que l’inflation effective reparte sur une tendance haussière…
En décembre, l’actualisation des prévisions de la BCE devraient montrer de nouvelles révisions baissières tant sur la croissance que sur l’inflation. Si d’ici là les anticipations d’inflation ne décrochent pas, la BCE observera probablement le statu quo. Dans le cas contraire, la BCE se prépare à éventuellement annoncer des achats d’obligations corporate. Elle ne semble pas encore prête à acheter des titres publics.
A court terme en tout cas, la BCE obtient ce qu’elle souhaitait, rendre les conditions monétaires et financières plus accommodantes via la dépréciation de l’euro, le soutien des marchés boursiers et le maintien des taux longs à un bas niveau.