par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
La Banque Centrale Européenne a eu une communication de transition après sa réunion du 5 mai. Transition car elle n'a rien voulu annoncé mais a maintenu un propos qui appelle à l'attention, suggérant que la situation pourrait évoluer rapidement.
Elle n'a rien annoncé. La BCE ne change pas le niveau de ses taux d'intérêt et elle n'a pas discuté des conditions de liquidité des opérations qu'elle mène régulièrement. Jean Claude Trichet, lors de la conférence de presse, n'a pas voulu non plus évoqué les opérations de rachats d'obligations qui sont aujourd'hui inexistantes.
En d'autres termes, la BCE ne veut pas se ruer et durcir sa politique monétaire trop rapidement en dépit de l'accélération du taux d'inflation en avril à 2.8 %.
Elle maintient la tension en utilisant un code de langage sur lequel chacun a réagi. Elle n'a pas utilisé le terme de "strong vigilance" qui est le terme généralement utilisé pour indiquer une hausse des taux à la réunion suivante[1]. En revanche, dans son propos liminaire, Jean Claude Trichet a indiqué que la BCE était toujours accommodante (still accommodative) et analysait et contrôlait très étroitement (monitoring very closely) les risques haussiers sur les prix.
Le propos est suffisamment précis à la fois sur la situation actuelle, toujours accommodante, et sur la nécessité de suivre de près les risques inflationnistes pour indiquer qu'une hausse des taux pourrait avoir lieu en juillet. Cependant, comme Jean Claude Trichet l'a rappelé la BCE ne prend pas d'engagement préalable et veut rester maitre de son calendrier.
La prochaine réunion du 9 juin
Au-delà de la méthodologie habituelle de la BCE, un temps fort des conférences de presse de la BCE est la publication des prévisions. Cet exercice a lieu tous les trimestres et le prochain aura lieu en juin au moment de la réunion du comité de politique monétaire. Compte tenu de probables révisions, notamment sur l'inflation anticipée, Jean Claude Trichet ne voulait pas s'engager.
La réunion du 9 juin livrera donc les nouvelles prévisions mais aussi pour l'éventuelle évolution du code de langage de la BCE.
Je pense que la BCE indiquera tous les éléments pour une remontée de ses taux de référence lors de la réunion suivante du 7 juillet. Je maintiens l'idée d'un taux de refinancement à 1.75 % en fin d'année 2011.
Parmi les autres thèmes abordés par Jean Claude Trichet on notera
- Les conditions de liquidité n'ont pas été abordées mais elles le seront lors de la prochaine réunion. Dans sa conférence de presse du 3 mars dernier, Jean Claude Trichet avait annoncé que les procédures permettant l'apport de liquidités autant que nécessaire seraient maintenue jusqu'au 12 juillet 2011. Ces annonces sont renouvelées régulièrement pour ne pas prendre les intervenants de cours. Une annonce sera donc faite le 9 juin sur cette question.
- Jean Claude Trichet a noté une moindre volatilité de l'EONIA, s'en est réjoui mais n'a pas été au-delà indiquant que son objectif était de fixer les taux à un niveau compatible avec la stabilité des prix.
- Sur le plan de la politique budgétaire il a indiqué la nécessité de mettre en place des stratégies soutenables à moyen terme pour consolider la croissance.
- A différentes questions sur les pays périphériques, Jean Claude Trichet est resté dans le cadre des plans annoncés et qu'il fallait respecter. Sur la question d'une restructuration rapide de la dette grecque, Jean Claude Trichet ne s'est pas prononcé et à juste titre sur cette thématique indiquant simplement que la route choisie devait être suivie. Il aurait fait autrement il prenait le risque de déclencher des mouvements difficilement contrôlables.
NOTE
- Ce langage est important car il indique un changement d'orientation et permet à chaque acteur de l'économie d'ajuster sa situation au nouvel environnement. La BCE ne veut pas intervenir par surprise car cela pourrait créer des ruptures que personne ne souhaite. On se souvient que le 4 février 1994 la hausse non anticipée des taux de la Fed avait provoqué un ajustement très brutal sur le marché obligataire. La BCE veut éviter un tel phénomène.