BCE : pied au plancher ?

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

Délocalisé à Bratislava en Slovaquie, leader européen du secteur automobile, le Conseil des Gouverneurs a donné hier un coup d’accélérateur à sa politique monétaire accommodante avec :

1/ une baisse de 25 pb du principal taux directeur, désormais à 0,50% – un nouveau plus bas historique ;

2/ un allongement supplémentaire de la durée de fourniture illimitée de liquidité via ses opérations de refinancement, au moins jusqu’en juillet 2014 ;

3/ la recherche de nouvelles pistes, en concertation avec d’autres instances européennes (Banque Européenne d’Investissement et Commission Européenne), pour relancer le crédit au secteur privé, en particulier aux PME.

Ces décisions seront-elles efficaces ? Suffisantes ?

1/ Largement anticipée, la réduction de 25 pb du taux principal de refinancement s’est accompagnée d’une baisse de 50 pb du taux de prêt marginal, désormais à 1%. En revanche, le taux appliqué à la facilité de dépôt a été maintenu à 0%, comme prévu1. Autrement dit, le corridor autour du taux refi a été réduit de +/- 75 pb à +/- 50 pb, ce qui pourrait favoriser une moindre volatilité du taux EONIA selon M. Draghi.

Plus globalement, quelle efficacité peut-on attendre de ce nouveau recours à l’instrument conventionnel que sont les taux directeurs ? En effet, leur niveau est déjà très bas et le contexte de fragmentation des marchés financiers affecte la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle. Face à cette question, le Président de la BCE a mis en avant deux éléments de réponse, à savoir la diminution encourageante de cette fragmentation d’une part – illustrée par l’accroissement des dépôts auprès des banques des pays en difficulté ou encore la réduction significative des soldes TARGET 2 – et d’autre part le fait que les pays non concernés par ces problèmes de transmission de la politique monétaire, au premier rang desquels l’Allemagne et la France, sont eux aussi touchés par la récession et le ralentissement significatif de l’inflation. En conséquence, Mario Draghi considère que cette baisse des taux sera plus efficace qu’elle ne l’aurait été il y a quelques mois. Certes, mais sera-t-elle suffisante ?

2/ Outre l’assouplissement côté conventionnel, les banquiers centraux européens ont également décidé de prolonger la mesure phare côté non-standard – à savoir la conduite des opérations de refinancement, quelle que soit leur maturité, selon le mode d’allocation illimitée et à taux fixe, aussi longtemps que nécessaire et au moins jusqu’à la mi-2014.

Si cette prolongation est monnaie courante depuis fin 2008, il s’agit cette fois d’un engagement pour les 14 prochains mois, contre « seulement » 6 généralement. Ce qui fait dire à M. Draghi que les banques ne peuvent pas prendre comme excuse une crainte sur leur refinancement pour ne pas prêter !

3/ L’importance accordée par son Président à ces deux décisions de politique monétaire traduit selon nous une marge de manœuvre très réduite pour la BCE à court terme concernant d’éventuelles mesures non-standard supplémentaires pour relancer le crédit au secteur privé, notamment aux PME. En effet, de l’aveu même de M. Draghi, les réflexions pour résoudre « un problème compliqué » sont en cours et toutes les options sont ouvertes (achats de prêts aux PME, de prêts hypothécaires…) mais d’autres institutions européennes (BEI, CE) seraient mieux à-même d’y répondre que la banque centrale, en particulier en termes d’évaluation des prix de rachat de tels prêts ou encore de soutien au marché des ABS.

Finalement, il semble que face à ces limites côté non-standard, aux risques toujours baissiers sur l’activité et aux perspectives de tensions inflationnistes durablement faibles en zone euro, M. Draghi n’ait pas voulu paraître démuni. Il a ainsi mentionné à plusieurs reprises la possibilité d’une nouvelle baisse des taux directeurs, y compris celui de la facilité de dépôt – le conduisant alors en territoire négatif, en cas de nécessité. Ce qui suggère que la BCE n’est pas encore pied au plancher en termes d’assouplissement monétaire conventionnel, à moins que ce ne soit qu’un simple pilotage des anticipations de marché2.

NOTES

  1. Cf. Edito du 5 avril 2013, « La BCE prête à agir »
  2. Si nous n’excluons pas une nouvelle baisse des taux, il est néanmoins probable que la BCE mise sur l’efficacité de sa communication en la matière, qui lui permettrait de ne pas passer à l’acte, à l’instar des OMT.

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