par Thibault Mercier, Economiste chez BNP Paribas
• La BCE a maintenu le statu quo tout en annonçant une modification à venir des paramètres du programme d’assouplissement quantitatif (QE). Concrètement, il s’agira de déterminer quels paramètres du programme d’achats d’actifs devront être modifiés pour faire face à l’inévitable pénurie à venir de titres allemands si les taux restent à leur niveau actuel.
• Selon les options retenues, la modification des paramètres du QE laisse l’opportunité à la BCE d’assouplir sa politique monétaire à des degrés variables, même sans augmenter le rythme d’achat mensuel. Il est tout à fait possible que la BCE ait souhaité conserver cette « carte » pour la fin de l’année, au moment où l’ampleur des répercussions du Brexit sur l’activité européenne apparaîtra avec plus de clarté.
• Comme à chaque réunion de politique monétaire, mais cette fois avec une insistance particulière, Mario Draghi a rappelé la nécessité d’adopter des réformes structurelles et une politique budgétaire favorable à la croissance afin de « récolter pleinement les bénéfices » du soutien monétaire.
Malgré des prévisions de croissance (légèrement) révisées en baisse et l’atonie persistante de l’inflation sous-jacente, la BCE a maintenu sa politique inchangée en septembre. En particulier, l’échéance indicative du programme d’achats d’actifs est maintenue à mars 2017, Mario Draghi révélant durant la conférence de presse que l’éventualité de son extension n’avait même pas été discutée par le Conseil des gouverneurs. L’autre information principale de la réunion est la création de comités de travail (Tasked Committees) chargés d’évaluer les options permettant une mise en œuvre fluide de la politique monétaire. Concrètement il s’agira de déterminer quels paramètres du programme d’achats d’actifs devront être modifiés pour faire face à l’inévitable pénurie à venir de titres allemands si les taux restent à leur niveau actuel.
Cette information est importante pour expliquer le statu quo monétaire. Une extension de six mois du QE annoncée aujourd’hui n’aurait pas manqué de soulever des questions sur les contraintes techniques de mise en œuvre, forçant la BCE à donner des précisons sur ses intentions. Or, manifestement, la BCE travaille encore à un consensus sur le sujet. Une autre possibilité est que l’institution monétaire se laisse le temps de la réflexion : selon les options retenues, la modification des paramètres du QE laisse l’opportunité à la BCE d’assouplir sa politique monétaire à des degrés variables même sans augmenter le rythme d’achat mensuel. Il est tout à fait concevable que la BCE ait souhaité conserver cette «carte» pour la fin de l’année, au moment où l’ampleur des répercussions du Brexit sur l’activité européenne apparaîtra avec plus de clarté.
Ainsi, un ralentissement marqué de l’activité et de l’inflation pourrait donner lieu à une modification importante de la clé de répartition des achats de dettes (aujourd’hui fondée sur la participation des Etats au capital de la BCE), qui cibleraient alors spécifiquement les Etats les plus en difficulté, voire l’adoption de nouveaux critères (achats en proportion du montant de dettes publiques). Cela augmenterait significativement l’efficacité du QE. A l’inverse, une activité en ligne avec les projections s’accompagnerait de changements moins radicaux, par exemple l’achat d’une proportion plus élevée de chaque ligne obligataire (de 33% à 50%), et une déviation minimale de la clé de répartition existante (sans la remettre en cause) notamment via un recours plus important aux achats de substitution (titres supranationaux) dans les juridictions faisant face à des pénuries.
La porte à une extension du QE au-delà de mars 2017 reste ouverte, cet horizon devant être considéré comme la durée minimale d’achats au rythme actuel. Dès son lancement, il a été clairement établi que le programme se poursuivrait tant que l’inflation n’aurait pas retrouvé une dynamique satisfaisante. Notons d’ailleurs que dans sa première mouture le QE était supposé se terminer en septembre 2016… A moins d’un redressement rapide de l’inflation (hors énergie) d’ici le tournant de l’année, nous continuons de penser que les achats d’actifs se poursuivront au rythme de EUR 80 mds après mars 2017 et au moins jusqu’en septembre 2017.
Jusqu’à présent, l’activité européenne résiste plutôt bien. Les révisions à la baisse de la croissance (-0,1 pp en 2017 et 2018) dans les projections de la BCE sont marginales et le rythme reste supérieur au potentiel. Mais, comme l’a rappelé M. Draghi, cette résistance vient largement du soutien monétaire apporté par la BCE qui sous-tend tout le jeu de prévisions. Le maintien d’une politique monétaire très accommodante dans les prochaines années est clé et cela passera par des modifications des paramètres du programme d’achat d’actifs qui pourraient se traduire par un assouplissement supplémentaire. Selon M. Draghi la politique monétaire n’a jamais été aussi efficace qu’en ce moment, battant en brèche l’idée d’un essoufflement des effets des mesures prises depuis mi-2014.
Néanmoins, comme à chaque réunion de politique monétaire, mais cette fois avec une insistance particulière, Mario Draghi a rappelé la nécessité d’adopter des réformes structurelles et une politique budgétaire favorable à la croissance afin de « récolter pleinement les bénéfices » du soutien monétaire. Invité à plusieurs reprises à préciser sa pensée durant la conférence de presse, M. Draghi a sans ambiguïté appelé à une politique budgétaire plus expansionniste en Allemagne. («Countries that have fiscal space should use it. Germany has fiscal space.»). Plus généralement, au sujet du soutien attendu de la politique budgétaire à la croissance M. Draghi a estimé que la composition des budgets était plus importante que leur taille, une réflexion qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à la future politique monétaire de la BCE eu égard aux enjeux des modifications à venir des paramètres du QE.