par Nadège Dufossé, Responsable de l'allocation d'actifs et de la stratégie cross asset, et Stefan Keller, Stratégiste allocation d’actifs chez Candriam
1. Nous nous attendons à ce que le déploiement des vaccins, associé à un soutien politique, accélère la croissance économique au-delà du rattrapage mécanique consécutif à la reprise après le confinement débuté en mars 2020.
Même si la pandémie a engendré des décès et des pertes d’emploi en 2020, le succès du lancement d’un vaccin en 2021 devrait inverser la tendance : les gouvernements lèveront progressivement les restrictions à la mobilité et les sociétés retrouveront la plupart des habitudes antérieures à la pandémie. La reprise rapide au cours du troisième trimestre dans le monde occidental et l’expansion continue en Asie, où une deuxième vague d’infection a été en grande partie évitée, serviront de référence pour le proche avenir. Dans un premier temps, des données économiques solides devraient favoriser le redressement.
Nous sommes persuadés que les mesures d’adaptation des politiques budgétaires et monétaires survivront à la menace du coronavirus et pérenniseront la reprise. En Europe, le programme pluriannuel d’achat d’urgence de plusieurs milliards de la BCE en cas de pandémie et les engagements pris avec le nouvel instrument pour la relance Next Generation EU constituent de nouveaux pas décisifs en matière de solidarité. Aux Etats-Unis, la politique du Trésor américain, dirigé par l’ancienne présidente de la Fed Janet Yellen, devrait être totalement alignée sur celle de la Fed menée par Jérome Powell. Ces mesures de politique budgétaire et monétaire interdépendantes devraient favoriser la transition d’un rebond mécanique vers une véritable reprise et une expansion pluriannuelle de la croissance et des bénéfices.
2. Alors que nous sortons de la pandémie, de nouveaux défis devront être relevés sans tarder.
Les investisseurs vont rapidement se focaliser sur la durabilité de la croissance des bénéfices après le rebond de 2021. De nouvelles incertitudes devront être dissipées : tout d’abord, l’incertitude politique reviendra probablement en Europe, l’Allemagne tournant la page de l’ère Merkel dès septembre prochain, tandis que la France se préparera à des élections présidentielles au printemps 2022. Aux États-Unis, les élections de mi-mandat de novembre 2022 constitueront un jalon important, et pas uniquement pour le parti républicain. Ensuite, l’incertitude politique sera également en hausse, car de nouveaux ajustements apparaîtront de plus en plus improbables à la suite de la reprise économique. Un resserrement prématuré ne peut même être exclu, la Chine et l’Allemagne apparaissant les plus susceptibles de prendre de telles mesures.
3. Les investisseurs devraient commencer l’année en profitant de la reprise économique mondiale en mettant davantage l’accent sur les petites et moyennes capitalisations et sur les secteurs « value », tels que les banques, et en se positionnant en faveur d’une accentuation modérée de la courbe des taux d’intérêt
De toute évidence, la reprise économique devrait favoriser la rotation vers les valeurs dites « value » déjà observée dans les derniers mois de 2020. L’augmentation sans précédent de 7 000 milliards de dollars des bilans des banques centrales (Fed, BCE, BoE et BoC) en 2020 a convaincu les investisseurs d’adopter une rotation des actions via les petites et moyennes capitalisations économiquement sensibles et les secteurs « value ». La performance des valeurs « value » est historiquement bien corrélée avec la pente de la courbe des taux et les secteurs qui ont été durement affectés, tels que les banques, ont encore une grande marge de manœuvre pour réajuster leur valorisation au cours d’une expansion.
La reprise attendue de la croissance économique entraîne habituellement une accentuation (à la baisse) de la courbe des taux d’intérêt. Cependant, comme nous le mentionnions précédemment, depuis la grande crise financière de 2008/09, les banques centrales ne se contentent pas de contrôler les taux à court terme par des décisions politiques, mais pèsent de plus en plus sur les rendements à long terme par le biais de la politique d’assouplissement quantitatif. Dans ce contexte, Candriam estime que l’émission souveraine nette dans la zone euro sera défavorable en 2021, une fois ajustée pour les achats de la BCE ! Les programmes incitatifs mis en place lors du premier confinement de 2020 impliquent que l’accentuation de la courbe des taux reste sous contrôle.
Le différentiel des taux réels américains par rapport à la zone euro et les déficits conjoints persistants semblent indiquer un nouveau fléchissement du dollar américain jusqu’au premier semestre 2021. Tout en soutenant la croissance des bénéfices des entreprises américaines, cela induit une préférence des investisseurs mondiaux pour les investissements hors des États-Unis. Il existe notamment de solides arguments en faveur de la surperformance des actifs des marchés émergents, des actions et des obligations en monnaie locale. Un dollar américain plus faible constitue une bonne nouvelle pour les pays d’Amérique latine en raison du coût élevé du service de leur dette libellée en dollars et du soutien apporté aux marchés des matières premières.
4. La pandémie a démontré qu’inclure les tendances d’investissement à long terme est utile pour construire un portefeuille solide – les solutions en matière d’environnement, la numérisation et les soins de santé représentent à cet égard nos convictions thématiques les plus fortes
Plus l’horizon d’investissement est éloigné, plus la résilience sera déterminante dans la construction du portefeuille. Malheureusement, la plupart des thèmes d’investissement bénéficiant de la prétendue « réouverture du commerce » ne remplissent pas cette condition. La pandémie a prouvé qu’il est possible de renforcer la résilience des portefeuilles grâce à des tendances à long terme qui se sont encore renforcées en 2020. Nous conseillons donc de conserver les « gagnants » à long terme de la crise : une gouvernance solide semble avoir donné de meilleurs résultats pendant la pandémie, tant au niveau des entreprises qu’à celui de l’État. Les secteurs et pays qui ont fait preuve de résistance pendant la pandémie et qui continueront probablement à attirer les investisseurs au-delà de cette année sont la technologie, les soins de santé, la Chine et l’Allemagne.
Nous pensons également que la durabilité continuera à prendre de l’importance dans les domaines sociaux et environnementaux : les solutions pour un avenir plus propre dévoilent un potentiel de croissance élevé, alimenté par l’innovation.
Nous nous félicitons à cet égard de la convergence des trois principaux acteurs – et pollueurs – à savoir les États-Unis, la Chine et l’Union européenne dans leur lutte contre le réchauffement climatique. Nous conservons les thèmes climatiques et environnementaux à long terme dans les actifs de nos portefeuilles car nous sommes convaincus qu’ils constitueront une composante incontournable de la première moitié du XXIe siècle. Nous nous attendons, en particulier, à ce que les secteurs de l’énergie non polluante et de la rénovation soient en tête des nouveaux investissements pour atteindre les objectifs de neutralité des émissions de carbone.
5. La pandémie a démontré qu’inclure les tendances d’investissement à long terme est utile pour construire un portefeuille solide – les solutions en matière d’environnement, la numérisation et les soins de santé représentent à cet égard nos convictions thématiques les plus fortes
La gestion active de portefeuille devrait être à nouveau récompensée car de nombreuses bonnes nouvelles ont déjà été anticipées depuis la première annonce d’un vaccin de grande efficacité début novembre – comme en témoignent les niveaux record des indices boursiers dans le monde entier, de la Corée à Wall Street.
Certains obstacles majeurs ayant été franchis, l’horizon d’investissement s’est quelque peu élargi ; nos convictions ont donc évolué en faveur d’une position plus risquée.
Cela se traduit par un bêta actions plus élevé et une surpondération des actions au sein du portefeuille. L’une des leçons de 2020 est que l’ingéniosité humaine a prévalu dans les conditions les plus difficiles : la capacité à résoudre les problèmes et la faculté de corriger les erreurs nous conduisent à garder l’espoir pour débuter l’année 2021.