par Jean-Jacques Friedman, Directeur des investissements chez VEGA IM
Les conséquences du Brexit sur la zone euro sont bien plus politiques qu’économiques. Il ne remet pas en cause selon nous la dynamique économique actuelle plus favorable depuis le début de l’année. Ce qui change ? Un retour sur le devant de la scène des banques centrales. Alors que le scénario d’une hausse des taux de la Fed dans les prochains mois s’éloigne, la Banque d’Angleterre et la BoJ, elles, vont mettre en œuvre des politiques monétaires plus accommodantes.
Before Brexit
Les investisseurs ont-ils vraiment cru les sondeurs anglais ces derniers jours ? Peu probable tant la pratique de la marge d’erreur de ces derniers est devenue légendaire lors des derniers scrutins. Nous avons plutôt le sentiment que les acteurs financiers ont profité des rumeurs sur le Brexit/Bremain pour jouer les bornes du « trading range » (entre 4.000 et 4.500 points pour le CAC 40). Pour preuve, depuis quelques semaines, les fonds d’investissement en actions européennes avaient dégagé des liquidités importantes, de l’ordre de 5 %. Nous-mêmes, dans nos allocations, nous avions écrêté certaines de nos positons autour de 4.400 points, avant de racheter voici deux semaines vers 4.150 points.
Alors quelles conséquences de ce choc ?
Au-delà de la surprise, il convient de rappeler que les négociations seront longues (jusqu’à 2 ans) pour organiser les nouvelles relations entre l’Angleterre et l’Union Européenne.
Sur l’économie britannique d’abord, il est évident que l’impact sera négatif (lire En(Un mois) n°49 et 50 de mai et juin 2016). L’investissement privé devrait fortement chuter, entrainant une baisse d’un à deux points de la croissance en 2016 voire une croissance négative en 2017.
En zone euro ensuite. Selon nous, les conséquences seront plus politiques qu’économiques. Seuls les pays les plus liés à la Grande-Bretagne, comme la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et bien sur l’Irlande, verront leurs économies impactées. Cependant, nous ne pensons pas que le Brexit remette en cause la dynamique économique actuelle plutôt favorable depuis le début de l’année en zone euro. Par ailleurs, notre style de gestion « croissance », qui induit une sous-exposition structurelle sur le secteur bancaire (le plus touché), nous permet de mieux résister dans les phases de stress et de baisse brutale des marchés financiers. Ainsi, les entreprises européennes que nous sélectionnons dans nos portefeuilles, ne verront pas leurs business models bouleversés par le Brexit. Les corrections actuelles constituent même pour nous des points d’entrée attractifs sur de « belles valeurs » de croissance.
Sur le plan politique, le Brexit va rouvrir les débats sur la gouvernance européenne. A noter qu’un Bre- main aurait eu également certaines conséquences négatives sur la cohésion européenne, les derniers accords obtenus par le Premier ministre David Cameron auraient pu créer de dangereux précédents pour les autres États. Aujourd’hui, les pays les plus « libéraux », comme l’Allemagne et la Pologne, perdent un allié et surtout, les pays comme l’Espagne où les courants régionalistes sont puissants, pourraient être atteints par l’attitude écossaise. Paradoxalement, le Brexit pourrait voir l’influence française se renforcer dans les instances européennes. La sortie de la Grande-Bretagne conduira-t- elle au renforcement du couple franco-allemand, dont les relations sont aujourd’hui très distendues ? Les dirigeants français et allemands n’ont plus que quelques mois pour renverser la tendance avant les échéances nationales de 2017. En clair, le problème de gouvernance dans l’Union européenne est un fil rouge depuis des années, le Brexit ne fait que le cristalliser.
Selon nous, le point essentiel redevient l’intervention des banques centrales. Notre scénario d’une intervention de la Réserve fédérale possible dès juillet en cas de bons chiffres de l’emploi publiés le 8 juillet, s’éloigne. Désormais, les turbulences monétaires dans le sillage du Brexit et l’appréciation du dollar (plus de 3 %) vont contraindre la Fed à repousser de plusieurs mois la prochaine hausse des taux. La normalisation de la politique monétaire américaine est donc de nouveau reportée, comme ce fut le cas l’année dernière face aux problèmes de change du yuan.
D’autres banques centrales vont-elles réagir dans le sens des politiques monétaires plus accommodantes ?
La Banque d’Angleterre d’abord, a immédiatement annoncé qu’elle était prête à injecter 250 milliards de livres (326 milliards d’euros) pour soutenir les marchés. Historiquement, elle a toujours choisi de privilégier la croissance plutôt que l’inflation, ses objectifs dans ce domaine seront, selon nous, relé- gués au second plan. Nous pensons qu’elle choisira de réduire ses taux d’intérêt aujourd’hui de 0,5 % à 0 %.
La Banque du Japon ensuite. Elle devrait intervenir pour contrer l’appréciation du yen, qui a servi de valeur refuge avant le Brexit. Un fonds d’actions japonaises couvert contre le risque de change, nous semble être de nouveau un véhicule d’investissement judicieux dans ce contexte.