par Arnaud du Plessis, Gérant Actions Thématiques, Vafa Ahmadi, Directeur des Actions Thématiques chez CPR AM
Vive hausse de l’or et des mines en avril ! Après avoir culminé à $1747,3/oz le 14 avril, au plus haut depuis novembre 2012, les cours de l’or ont perdu un peu de terrain, pour clôturer le mois à $1687,6/oz, en progression de $90/oz (+5,6%). Quant aux mines aurifères, elles ont bondi de près de 39% ($), rattrapant ainsi leur retard depuis le début de l’année par rapport à la relique barbare. A fin avril, leur performance depuis le début de l’année était de +11% ($) (NYSE Arca Gold Miners TR) vs +10,8% ($) pour le métal jaune.
La comparaison de la configuration actuelle du marché de l’or avec celle observée en 2008 se révèle chaque jour plus évidente. Alors que J. Powell a indiqué qu’il utiliserait tous les pouvoirs de la FED « forcefully, pro- actively, and aggressively », C. Lagarde essaie tant bien que mal de lui donner le change, sans réellement convaincre les marchés cependant. A sa décharge, la cacophonie politique habituellement observée en Europe ne lui est pas d’un grand secours… En bref, toujours beaucoup d’incertitude venant en soutien du métal jaune.
En attendant, la tendance demeure très positive. A la hausse, les prochaines cibles sont à $1790/1803/oz (sommets d’octobre 2012, février 2012 et novembre 2011) puis $1921/oz (sommet historique de septembre 2011). Pas de remise en cause de ces objectifs tant que $1600/oz servira de soutien au marché. En deçà, les grandes zones de soutien demeurent à $1440/$1460/oz (moyen-terme) et à $1365/$1385/oz (long-terme).
Evolution des cours de l’Or ($/oz) – Janvier 2011 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Libellés en d’autres devises, les cours de l’or ne cessent de battre de nouveaux records. Le plus notable concerne sans doute le Franc Suisse, devise forte s’il en est. Ainsi, le sommet d’octobre 2012 (CHF 1669/oz) vient d’être dépassé avec un nouveau record à la clé (CHF 1682/oz), soulignant un appétit très significatif pour l’or. Quant aux cours de l’or libellés en euro, un nouveau record a aussi été inscrit à EUR 1598/oz !
Evolution des cours de l’Or – USD, EUR & CHF (/oz) – Janvier 2010 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Pas d’impulsion donnée par le Dollar US, stable en avril. C’est du côté du Yen, devise jugée défensive, que l’on trouve un soutien en avril, soulignant par la même la grande incertitude régnant sur les marchés. Les taux réels US, dont le 10 ans est revenu dans la zone des -50pb ont constitué également un soutien très important. Remontée des perspectives inflationnistes en avril (Break-Even 10 ans : 1,07% vs 0,93% en mars), mais à un niveau nettement insuffisant encore pour constituer un réel soutien.
Cours de l’Or ($/oz) vs Dollar Index & Dollar/Yen – 5 ans : Avril 2015 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Cours de l’Or ($/oz) vs Taux US 10 ans réels & US Break-Even 10Y – 5 ans : Avril 2015 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Le marché de l’or physique continue d’être très actif. L’encours total des ETPs adossés à l’or physique a atteint un nouveau record en avril à 2975 tonnes. L’équivalent de 159 tonnes ont été accumulées en avril, soit 396 tonnes depuis le début de l’année !
Cours de l’Or ($/oz) – Encours ETPs (Or physique) – tonnes – 2004 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Le World Gold Council a publié son rapport trimestriel quant à l’évolution de la demande et offre observée sur le marché de l’or durant le 1er trimestre 2020. La demande globale (1083,8t) a augmenté modestement de 1% par rapport au 1er trimestre 2019. Si l’effet COVID 19 a été particulièrement négatif côté bijouterie, l’attrait des investisseurs pour les qualités défensives de l’or a cependant permis de compenser.
Répartition de la demande d’or au 1er trimestre 2020 vs 1er trimestre 2019 (tonnes)
Source: Metals Focus – World Gold Council
Plus en détail, c’est du côté de la bijouterie que l’impact de la pandémie s’est révélé le plus important avec une demande en chute de 39% (328,8t) par rapport à l’année dernière. Le recul a été particulièrement sévère en Chine (-65%), mais aussi en Inde (-41%) ; ces deux pays étant les deux premiers acheteurs d’or.
Bien qu’à un rythme moins soutenu, les banques centrales ont continué d’acheter de l’or durant le 1er trimestre, accumulant 145 tonnes, en retrait de 8% par rapport au 1er trimestre 2019 (157t).
C’est du côté de l’investissement que la demande a été la plus dynamique. Au cours du 1er trimestre 2020, 539,6 tonnes ont été achetées sur le marché, soit une hausse de 80% par rapport à l’année dernière (300,6t). Les achats en ETFs adossés à l’or physique (298t) sont à l’origine de cette performance, et ont atteint un encours global record après le trimestre le plus actif depuis 4 ans. En revanche, la demande en lingots et pièces s’est contractée de 6%, avec une baisse notable de la Chine (-48%).
Côté offre, la production minière (795,8t), impactée par les mesures de confinement, s’est contractée de 3% par rapport à 2019. C’est le 1er trimestre le plus faible depuis 2015 et la contraction trimestrielle la plus importante depuis 2017. Et le COVID 19 n’est pas le seul responsable puisqu’il s’agit du 5ème trimestre de baisse de la production. Avons-nous atteint un pic de production ?
Évolution de la production minière par trimestre depuis 2015 (%)
Source: Metals Focus – World Gold Council
A noter qu’en dépit de l’augmentation des cours de l’or, le volume recyclé a baissé de 4%, au plus bas depuis 2 ans à 280,2t, et 7% en deçà de la moyenne trimestrielle observée depuis 5 ans.
Autres Métaux Précieux
Au contraire de l’or, considéré comme un actif défensif, les platinoïdes – dont l’usage est davantage tourné vers l’industrie, automobile en particulier – ont subi de plein fouet les effets de la crise sanitaire. Après le record établi à plus de $2700/oz, les cours du palladium se sont effondrés de près de $800/oz (~30%), et ont terminé le mois en retrait de ~17% ($). Le platine a été plus résistant, avec des cours en progression de ~7,5% ($), mais après une chute historique le mois dernier.
Cours du Palladium, du Platine et de l’Or ($/oz) – Ratio Platinum/Gold – Palladium/Platinum depuis 2000
Source : Bloomberg
Après la chute des cours observée durant le 1er trimestre, les cours de l’argent se sont repris en avril, gagnant ~ 6,3%. Cependant, à 113,08x, le « Mint Ratio » (ratio Gold/Silver) demeure très au-dessus des moyennes observées sur 10 ans, 20 ans et 30 ans, respectivement à 68.7x, 65.2 et 67.8x.
Cours de l’Or et de l’Argent – Ratio Gold / Silver (Mint Ratio) depuis 1990
Source : Bloomberg
Quid des Mines d’Or ?
Les mines d’or n’ont pas été en reste en avril, bondissant de près de 39% ($), offrant par la même un levier de performance exceptionnel par rapport à l’or de 6,88x (!), rattrapant par la même leur retard de performance depuis le début de l’année. Que ce soit sur un an, trois ans, ou même cinq ans glissants, la classe d’actifs des mines aurifères a été une des plus performantes, et pourtant conserve un potentiel très significatif.
Mines d’Or – Or – MSCI World – Performance ($) – 5 ans : Avril 2015 > Avril 2020 – base 100 ($)
Source : Bloomberg
Après avoir piétiné depuis novembre 2019, les perspectives bénéficiaires du secteur aurifère sont reparties à la hausse. Ainsi, les bénéfices à 12 mois ont été révisés à la hausse de plus de 75% sur un an, soutenant par là même la tendance du marché. La forte révision haussière ($71/oz) des cours moyens de l’or attendue pour 2020, en avril, maintenant à $1625/oz vs $1500/oz en début d’année et $1393 en 2019, en est à l’origine.
Évolution des Mines d’Or (GDM) & Bénéfices attendus à 12 Mois ($) – 5 ans : Avril 2015 > Avril 2020
Source : Bloomberg
Cet environnement très favorable a permis aux mines d’or de combler une partie de leur retard de performance par rapport à l’or physique. En effet, si les mines aurifères ont largement surperformé l’or métal depuis janvier 2016, leur retard demeure très significatif si on se réfère à la période précédant la crise de Lehman en 2008.
Une illustration en est l’évolution du Gold/XAU, ratio bien connu des intervenants sur cette classe d’actifs mesurant le rapport existant entre les cours de l’or et le Philadelphia Gold & Silver Index (XAU Index). Après avoir culminé à 28,05x en janvier 2016, quand les mines étaient « au fond du puits », le ratio a baissé significativement jusqu’à 11,93x en août de la même année, avant de se reprendre quelque peu, soulignant la surperformance des mines relativement à l’or durant cette période.
Pour autant, les mines sont loin d’avoir recouvré leur lustre d’antan, et en particulier d’avant 2008. Un retour du ratio sur ces niveaux d’alors, ~ 5x, entraînerait un potentiel d’appréciation des mines aurifères – si la tendance des cours de l’or perdurait – considérable. Avec un cours de l’or à $1700/oz, un ratio Gold/XAU de 5x donnerait comme objectif $340 pour le XAU Index vs ~$120 aujourd’hui, soit une hausse de ~180%…
Évolution du ratio Gold / XAU depuis 2000
Source : Bloomberg
Après plusieurs tentatives infructueuses, l’indice NYSE Arca Gold Miners est parvenu enfin à franchir le sommet d’août 2016, ouvrant ainsi la voie à une poursuite du mouvement haussier…
NYSE Arca Gold Miners & Gold – Mars 2011 > Mars 2020
Source : Bloomberg
Valorisation de l’Industrie Aurifère
La hausse spectaculaire enregistrée par les mines d’or en avril a entraîné en toute logique une remontée des multiples de valorisation. Cependant, et en raison des révisions en hausse de la moyenne des cours de l’or attendue pour l’ensemble de l’année, la valorisation du secteur demeure toujours très en deçà de la moyenne observée ces 10 dernières années. Ainsi, à ~0.85x P/NAV (spot), la valorisation du secteur se situe plus d’un écart-type en deçà de la moyenne observée depuis juin 2013 (~1.15x).
Rappelons que valoriser un actif minier à moins de 1x la NAV revient à intégrer une destruction de valeur significative sur la durée de la mine.
Mines d’Or – Evolution P/NAV – spot – (Senior, Intermediate & Junior) – depuis Juin 2013
Source : RBC Capital Market – Bloomberg
Côté P/CF, valorisation à ~ 8x, toujours en dessous de la moyenne observée depuis 10 ans : ~8.5x.
Mines d’Or – Evolution P/CF – consensus – (Senior & Intermediate) – 10 ans – depuis Janvier 2010
Source : RBC Capital Market – Bloomberg consensus