par Rémy Wilders Président fondateur de KMB Partners et Jean-Alain Gourret, Directeur Général, KMB Services
Le stress au travail apparaît quand une personne ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire et les ressources dont elle dispose pour y répondre. Il peut être dû à l’encadrement, aux collègues, aux délais, aux enjeux, aux facteurs personnels mais aussi aux solutions logicielles. L’informatisation du travail a pour but d’aider les utilisateurs à améliorer leur efficacité et donc réduire le stress. Or nous avons tous fait les frais de logiciels trop rigides qui, plutôt que de réduire le stress, l’augmentent.
Dans ce domaine, des notions simples permettent d’éclairer les phénomènes qui sous-tendent le stress lié aux solutions logicielles notamment.
Le fléau du travail caché
Prenons un exemple, Monsieur X comptable depuis 10 ans a vécu deux évolutions des systèmes de gestion. Lorsque nous évoquons avec lui ces évolutions, il sourit et nous dit “ces changements me font sourire…malgré les centaines de milliers d’euros investis, le système n’est toujours pas au point…”
Une attitude que son manager assimile à de la résistance au changement. De son côté M. X se plaint que son manager ne voit pas la réalité de son travail et montre un tableau Excel de sa conception grâce auquel il évite de la double saisie et économise 4 heures par semaine… Le tableau Excel de M. X est du travail caché, c’est-à-dire un travail qui ne lui est pas demandé mais qu’il réalise néanmoins pour réussir à produire le travail prescrit. Qui n’a jamais rencontré de situation analogue ?
Par définition le travail caché échappe au champ de vision du manager. L’explication est simple : lorsque l’on se représente la réalisation d’une tâche on voit l’objectif et non pas toutes les étapes nécessaires à sa réalisation. Or, en imposant une manière de travailler sans prendre en compte l’activité réelle des utilisateurs, l’entreprise prend de gros risques. Elle se prive de la possibilité de détecter le dysfonctionnement comme de capitaliser sur la solution existante. La contribution de l’utilisateur n’est pas reconnue et son attitude est jugée négative. L’utilisateur peut se démotiver. Sans lui, l’entreprise reproduira-elle la performance ?
Dans cet exemple, l’utilisateur a usé des marges de manœuvre dont il disposait (sa maîtrise du métier,…), mais dans bien des cas il ne dispose d’aucune marge et se voit contraint de travailler selon des consignes prescrites, “mal adaptées” à son métier.
Le travail caché compense donc l’écart inévitable entre un outil et l’utilisation spécifique pour laquelle on s’en sert. Dans l’artisanat cette « prise en main » spécifique de l’outil est reconnue et célébrée. En entreprise, l’écart à l’utilisation standard de l’outil est souvent caché parce qu’il est presque toujours reproché.
Il est intéressant de noter que le travail caché ou l’utilisation détournée d’un outil peuvent être simplement dus à sa conception particulière. Les logiciels imposent souvent une manière spécifique de travailler qui ne correspond pas à tous les cas d’usage. Les applications logicielles constituent ainsi une prescription supplémentaire face à laquelle l’utilisateur doit s’adapter, ce qui peut générer une grande quantité de stress.
L’utilisateur « obligé » de s’adapter aux outils
Deux notions voisines du « travail caché » sont celles du « travail empêché » et de « l’injonction paradoxale ».
Par exemple, le travail empêché pour un gaucher consisterait à exiger de lui qu’il écrive de la main droite ou qu’il utilise un outil pour droitier « comme tout le monde ». C’est à la fois source de stress, de dévalorisation et de diminution d’efficacité. Le « bon travail » est alors empêché.
La notion d’injonction paradoxale, repose sur une obligation de réaliser des tâches qui s’interdisent mutuellement et qui induisent donc une impossibilité logique à les exécuter sans contrevenir à l’une des deux… Il s’agit donc d’ordres impossibles à suivre. Dans le cas des solutions logicielles, il est demandé à l’utilisateur de se contraindre au processus de l’outil qui n’est pas adapté à sa spécialité mais aussi d’être performant. Cela peut provoquer une situation d’enfermement.
Ces situations occasionnent beaucoup de stress et impactent négativement sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Elles engendrent notamment non reconnaissance du savoir-faire métier et de la performance individuelle, un repli, un désengagement, une déperdition des savoir-faire. L’évolution des bonnes pratiques est bloquée par l’absence de marge d’action. La dispersion des ressources : le nouveau rocher de Sisyphe. A l’instar de Sisyphe dans le Tartare, condamné à rouler éternellement un rocher en haut d’une colline dont il redescendait sans cesse, les utilisateurs de logiciels, de services on-line ou de sources de documents dématérialisés sont contraints à parcourir, à chaque fois, les méandres et arborescences informatiques uniquement pour réunir tout ce dont ils ont besoin pour travailler… Tous les soirs, en éteignant leur poste de travail, tous les services et documents « s’en vont se ranger » dans leurs bibliothèques et crevasses virtuelles. La dispersion des ressources est un frein redoutable pour l’accomplissement de son travail.
Le travail caché, le travail empêché, l’injonction paradoxale et la dispersion des ressources sont des facteurs explicatifs du stress lié à l’utilisation d’applications logicielles. Pourtant, des solutions existent.
Quelles réponses concrètes apporter à ces constats ?
Il serait évidemment inutile de pointer un doigt accusateur sur le management qui ne saurait reconnaitre la spécificité de chacun. L’utilisation d’outils communs est souvent la source de cohésion des entreprises et le management a pour mission d’assurer l’adoption harmonieuse de ces outils.
La réponse doit être apportée en amont
Il est essentiel que chaque responsable d’application prenne conscience et accepte que l’outil qu’il propose ne convient pas, en l’état, à l’ensemble des utilisateurs. La conduite du changement et les formations aideront sans doute à comprendre l’outil mais ne le rendra pas nécessairement naturel d’utilisation pour tous, et cela n’a rien à voir avec de la mauvaise volonté ou de la résistance au changement.
L’optimisation de l’adoption d’une solution logicielle n’est évidemment pas une fin en soi. Le véritable objectif c’est l’optimisation du triptyque (1) mission spécifique, (2) processus logiciels et ressources à utiliser, (3) logique et contexte de l’utilisateur. Il est donc indispensable de mettre à la disposition d’un collaborateur un environnement d’accueil lui permettant de réunir en un même espace toutes les informations, tous les documents et tous les services dont il a besoin pour réaliser une tâche, un projet ou une responsabilité donnée. La clef de la réduction de stress est de donner à l’utilisateur le moyen d’accéder, de manière contextuelle et en fonction de sa réalité « en un clic », à tout ce qu’il jugera nécessaire. A cela s’ajoute le besoin pour un utilisateur de pouvoir solliciter et collaborer de manière occasionnelle et « in situ » ses collègues, ses partenaires ou même ses clients. De tels environnements existent désormais et peuvent se décrire en tant que Gestionnaires Collaboratifs d’Activités et de Ressources. Une telle plateforme logicielle apporte à l’utilisateur des espaces de travail qu’il crée et organise à sa main, où il dispose librement de ses ressources et de l’ensemble de ses outils, des espaces qu’il fait évoluer en même temps que son contexte de travail réel.
Il est urgent de reconnaitre que les collaborateurs disposent d’un génie qui leur est propre et qui leur permet de s’adapter à leur environnement pour réussir. Les outils devraient toujours servir à démultiplier l’efficacité des utilisateurs et non les asservir.