par Carlos Casanova et Ruben Nizard, Economistes chez Coface
Sorti en juillet 2017, Wolf Warrior 2, est devenu le premier lm non hollywoodien à intégrer le top 100 au box-office mondial de tous les temps. Ce film d’action présente la Chine comme la protectrice de l’Afrique. Seulement quatre jours après la sortie du lm, la Chine a inauguré sa première base militaire à l’étranger sur la côte de Djibouti, matérialisant le message du lm. La Chine a manifesté un intérêt prononcé pour Djibouti, petit pays de la Corne de l’Afrique qui constitue un point d’entrée sur le continent, particulièrement depuis la tenue du premier Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC).
Comme son nom l’indique, le FOCAC incarne et encadre les intérêts de Pékin pour le continent tout entier. Depuis la tenue du premier Forum en 2000, l’essor de la coopération économique entre l’Empire du Milieu et le continent africain a fait de la Chine un partenaire économique clef pour de nombreux pays africains. Toutefois, le commerce reste, sans conteste, le pilier de la relation entre la Chine et l’Afrique. Les relations bilatérales plus étroites entre la Chine et la plupart de ses partenaires africains se cantonnent à l’augmentation croissante de la demande de la Chine en matières premières, en particulier en ressources minérales telles que le pétrole, les métaux et les pierres précieuses ; et font l’objet d’une attention de plus en plus soutenue.
Cependant, presque 20 ans après le lancement du FOCAC, il est devenu nécessaire de réexaminer les relations Chine-Afrique. Le rééquilibrage économique de la Chine au pro t de la consommation privée a commencé et le ralentissement de l’activité économique se fait déjà sentir, mal- gré quelques signes de vigueur en 2017. Ceci se traduit par un affaiblissement de la demande chinoise en ressources minérales et une baisse des prix des matières premières, à commencer par ceux du pétrole brut, ces deux phénomènes constituent des tendances persistantes qui remodèleront les relations bilatérales Chine- Afrique. Le recul des échanges commerciaux entre le continent africain et l’Empire du Milieu, ainsi que la diminution des flux d’investissement directs à l’étranger (IDE) au cours des deux précédentes années, viennent renforcer cette idée.
Cette baisse de la demande n’affectera pas tous les pays de la zone de la même manière. Les pays qui ont le plus pro té de l’expansion de la Chine devraient en subir les effets avec plus de force. Pour cette étude, nous déployons un coefficient de dépendance aux exportations pour identifier les principales sources de risques. Cet indice est mesuré sur une échelle de 0, indiquant une dépendance nulle à l’égard de la Chine, à 1, qui signalerait une dépendance totale. Nos résultats suggèrent que la dépendance a augmenté significativement entre 2006 et 2016. Pour replacer ceci dans son contexte, la dépendance aux exportations de matières premières de l’Afrique subsaharienne vis-à-vis de la Chine a été de 0,24 en 2016, comparée aux 0,07 enregistrés pour l’Union européenne et de 0,12 aux États-Unis. L’Afrique subsaharienne affiche également un coefficient de dépendance nettement plus élevé que ses pairs des marchés émergents en Asie et en Amérique du Sud. Sans surprise, nous constatons que les exportateurs de pétrole (Angola) et de métaux (Zambie, Afrique du Sud) sont très exposés aux éventuelles variations de la demande chinoise. Ces pays ont également plus pro té de l’apport des capitaux chinois et des prêts.
Toutefois, malgré la dépendance accrue aux exportations vers la Chine, les évolutions récentes offrent une lueur d’espoir. Les produits agricoles (oranges sud africaines, sésame éthiopien, arachides sénégalaises, tabac mozambicain) et le bois brut (Mozambique, Nigéria, Guinée Equatoriale, Cameroun, Ghana), qui pourraient potentiellement bénéficier du rééquilibrage du modèle de croissance chinois, commencent à s’intégrer au panier des exportations de l’Afrique vers la Chine. De plus, les IDE chinois et les prêts ont commencé à se diversifier en s’éloignant des secteurs de l’extraction et en se concentrant sur la production, les services publics et les services. Toutefois, comme dans tout bon partenariat, une saine dose de scepticisme est également justifiée. Les flux de prêts et d’IDE ne se comparent pas aux flux commerciaux en valeur ; ils appartiennent en fait, à un ordre de grandeur inférieur. Ceci signifie que les pays africains qui affichent de forts taux de dépendance vis-à-vis de la Chine restent très exposés à une correction plus forte de la demande chinoise ou à un retour à des prix plus faibles des matières premières. Par ailleurs, les discours sur une délocalisation de «l’usine du Monde» vers l’Afrique paraissent prématurés compte tenu des faibles volumes d’exportations de biens manufacturés vers la Chine.